1,5 milliard d'euros pour le bac 2013: le prix d’un symbole qui a encore du sens... mais pas celui de l’efficacité<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le niveau moyen du bac baisse nécessairement quand le nombre de bacheliers est multiplié par trois en trente ans."
"Le niveau moyen du bac baisse nécessairement quand le nombre de bacheliers est multiplié par trois en trente ans."
©Reuters

Les doigts dans le nez

Selon le SNPDEN, principal syndicat des personnels de direction, l'organisation du baccalauréat 2013 coûterait 1,5 milliard d'euros. Se pose alors la question de la pertinence d'un diplôme dont la massification est inversement proportionnelle au niveau.

François Dubet

François Dubet

François Dubet est sociologue spécialiste de l'éducation, professeur à l'Université Bordeaux II et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Selon le SNPDEN, principal syndicat des personnels de direction, l'organisation du baccalauréat 2013 coûterait 1,5 milliard d'euros. Quelle est encore son utilité ? 

François Dubet : Le bac est utile à plusieurs titres. Non seulement il est une sorte de certificat de dignité scolaire, mais il permet de continuer ses études alors que l'absence de bac est presque un stigmate négatif. Il est donc utile comme certificat de fin d'études secondaires. Pour ceux qui ont le bac d'une bonne filière agrémenté d'une mention, le diplôme est une sorte de pré-concours sélectif. Tout le problème vient de là, le bac a plusieurs significations et plusieurs valeurs, mais faute de mieux il est utile même s'il est excessivement lourd et cher.  

Le baccalauréat a-t-il encore une valeur ou n'est-ce plus qu'un symbole ? 

Il suffit de ne pas avoir le bac pour savoir qu'il a une valeur. Mais ceci ne signifie pas qu'il soit un signe clair de la valeur du diplôme puisque la valeurs du titre dépend de la filière, de la mention, de l'âge du candidat... S'il est normal de décerner le bac à ceux qui ont passé trois ans au lycée, sans quoi ils auraient tout perdu, chacun sait bien que les valeurs du bac sont extrêmement variables. Et tout le problème vient de là, de l'attachement magique à un diplôme national extrêmement hétérogène. Quant au symbole, celui de la sortie de l'adolescence et de l'entrée dans une autonomie juvénile avec un désir de liberté et de décohabitation familiale, il est sans doute un peu lourd comme rite de passage.

Le niveau du baccalauréat a-t-il réellement baissé ? Comment peut-on l' expliquer ? 

Le niveau moyen du bac baisse nécessairement quand le nombre de bacheliers est multiplié par trois en trente ans. Mais les bons bacheliers sont plutôt bons car la sélection est plus féroce que naguère, quant aux autres, ils sont bien meilleurs que pouvaient l'être leurs parents qui n'avaient pas le bac... Pour évaluer le niveau du bac, il importe donc de savoir quel point de vue on adopte. En revanche, la valeur du bac sur le marché du travail décline parce que nous produisons plus de bacheliers que d'emplois auxquels les bacheliers rêvent de prétendre. Le temps où le bac permettait d'être cadre moyen, instituteur ou technicien est loin de nous. Ceci peut expliquer la déception des élèves qui découvrent que de longues années d'études les attendent encore et, parfois, que le niveau de leur bac ne les y a pas forcément préparés.    

Faut-il réformer le bac ? De quelle manière ? 

Il serait sans doute raisonnable d'alléger le bac qui coûte cher et prend beaucoup de temps, sans garantir pour autant l'objectivité de la mesure. Il serait peut être sage de distinguer la fonction de certificat de fin d'études secondaires fondé sur quelques épreuves et un contrôle continu, et de laisser aux établissements de l'enseignement supérieur, écoles, instituts et universités, le soin de sélectionner par des concours, des entretiens, des dossiers personnels.... C'est d'ailleurs ce qui se fait déjà dans presque la moitié des cas. Mais les élèves sont inquiets et le bac les rassure, les enseignants y tiennent aussi parce que le bac organise le travail au lycée et "motive" les élèves. Et puis, il est dangereux de toucher aux monuments nationaux, même quand il peut être tout aussi dangereux de défendre des traditions sous le seul prétexte qu'elles sont des traditions.

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