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 Non Eric Zemmour, le régime de Vichy n’était pas un régime d’occupation mais bien de collaboration active
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Par devoir d'Histoire

Contrairement aux propos d'Eric Zemmour, Florian Philippot ou Jean-Marie Le Pen, le régime de Vichy n'a pas été passivement, un « régime d’occupation » mis en place par l’Allemagne. A terme, tous les Juifs français auraient été déportés...

Les historiens croyaient en avoir terminé avec l’antienne vichyste et post vichyste d’un « Pétain bouclier », tandis que de Gaulle aurait été « l’épée », dans un même refus de l’occupation nazie. Ils n’avaient pas attendu Robert Paxton, grand enfonceur de portes ouvertes, pour exorciser ces vieilles lunes. Eh bien, nous y revoilà ! Eric Zemmour, dans un chapitre de son Suicide français, fustige une doxa condamnant sans nuances le régime de Vichy. Celui-ci, face aux exigences allemandes, aurait livré ses juifs étrangers pour mieux sauver ses juifs nationaux. Jean-Marie Le Pen enfonce le clou le 20 octobre sur BFMTV en répondant à Apolline de Malherbe qui lui demande : « Est-ce que pour vous Vichy est excusable ? » - « Bien sûr ! Vichy a fait ce qu’il pouvait pour défendre les Français».
On rebat sans cesse les oreilles des Français avec le « devoir de mémoire » mais il faudrait commencer par le « devoir d’Histoire »… Vichy n’a pas été, passivement, un « régime d’occupation » mis en place par l’Allemagne (Florian Philippot à Jean-Jacques Bourdin le 27) mais, activement, un régime de collaboration misant sur la victoire finale du IIIe Reich. Entré au gouvernement Reynaud le 18 mai 1940, Pétain est devenu aussitôt le chef de file des partisans de l’armistice contre les ministres « bellicistes ». Devenu chef d’un gouvernement à la dérive, il se laisse dicter un armistice aux termes catastrophiques : la France est coupée en deux avec une zone occupée qui facilite la poursuite de la guerre contre la Grande-Bretagne. Une zone non occupée, au sud, pudiquement appelée « zone libre », laisse à Pétain et à son gouvernement l’apparence d’un pouvoir qui, à l’évidence, va être celui d’une collaboration avec l’occupant.
Mais que veut Pétain par delà ses discours de la repentance, de l’honneur resté sauf, de « notre défaite venue de nos relâchements » ? Le pouvoir, tout simplement, et en finir avec le régime en place en installant un ordre nouveau, fasciste sans le nom, à l’intérieur de celui que ne va pas manquer d’instaurer l’occupant. Cela a un nom : cela s’appelle trahir son pays. La suite le prouve assez. Loin des masques opposant un « bon Pétain » à un « méchant Laval », c’est bien le chef du nouvel Etat français qui serre la main de Hitler le 24 octobre 1940 à Montoire-sur-le-Loir et lui encore qui, six jours plus tard, prononce à la radio le discours de la Collaboration : « C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration.»
Des discours et des actes… Aussitôt s’organise la chasse aux Résistants, aux communistes, aux francs-maçons et aux juifs. Les premières lois « portant statut des juifs » sont promulguées dès octobre 1940 à la seule initiative de Vichy. Bien d’autres vont suivre, dont celle instituant le port de l’étoile jaune (que les juifs danois ne porteront pas après que leur roi aura menacé de l’arborer lui-même). Nulle distinction subtile alors entre des juifs français et non français. « Un juif est un juif ». Le 29 mars 1941, Pétain a signé le décret portant la création du Commissariat général aux questions juives. L’occupant nazi va s’extasier sur la qualité d’un fichier des juifs qu’il aurait été bien en peine d’établir lui-même.
Lorsque sonne l’heure du génocide (un premier convoi de juifs part de Drancy pour Auschwitz le 27 mars 1942), Vichy, qui ne peut ignorer le sort qui leur est destiné, tient compte d’une opinion qui commence à s’émouvoir et négocie avec les Allemands pour livrer d’abord les juifs apatrides et les ressortissants étrangers. L’administration SS spécifie toutefois que « tous les juifs domiciliés en France doivent être déportés aussitôt que possible. » Il ne s’agit donc que d’une étape, d’un calendrier de déportation et non d’un « marché ». En attendant les juifs français de souche, on vise déjà « les juifs dont la naturalisation française serait postérieure au 1er janvier 1927. » A terme, aucun juif ne sera épargné et déjà 1540 juifs français ont été déportés de Drancy et Pithiviers les 21 et 23 septembre 1942. Seuls les revers du Reich puis la défaite, en tout cas pas Vichy, empêcheront la réalisation de ce planning.
Quant au « pire évité », c’est se livrer à une arithmétique pour le moins spécieuse. On commencera d’abord par se demander en quoi la vie d’un juif ayant fui l’Allemagne nazie en 1933 et s’étant réfugié en France, terre réputée d’asile, aurait été moins précieuse que celle d’un juif muni d’une carte d’identité française. Quant aux chiffres de la déportation, on ne se consolera pas en arguant qu’ils auraient pu être du triple puisqu’ils l’auraient été finalement, la guerre et l’Occupation continuant. Et n’y en aurait-il eu qu’un seul ? A partir de combien de zéros peut-on invoquer l’horreur ? 26% « seulement » des juifs de France déportés, cela fait encore 75 000 auxquels s’ajoutent 86 827 déportés politiques, trop souvent oubliés. Et encore n’est-ce là que la partie émergée de la collaboration, dans une France dont l’économie fut tout entière au service de l’effort de guerre du Reich et où Laval, le 18 avril 1942, disait : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne ». 
Vous avez dit : « Vichy excusable » ?

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