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 Les risques pour la santé d'une trop grande consommation de poisson sont réels au vu de la pollution, des plastiques et des produits toxiques qu'ils ingèrent
©Reuters

Poissons de plomb

Des scientifiques portugais ont développé un simulateur qui indique aux consommateurs leur exposition à des agents nocifs, des produits toxiques ou des polluants via leur consommation de poisson. Cette application permet de prendre conscience des dangers de la pollution pour la santé humaine. Manger du poisson n'est pas anodin.

Jean-Daniel Lalau

Jean-Daniel Lalau

Jean-Daniel Lalau est médecin, professeur de nutrition au CHU d'Amiens, docteur en sciences et en philosophie.

Il est l'auteur des livres En finir avec les régimes (éditions François Bourin) et Hospitalité - Je crie ton nom (éditions Chronique sociale). 

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Atlantico : Dans le cadre du projet ECSafeSEAFOOD, une équipe de scientifiques portugais a conçu un simulateur visant à déterminer si notre niveau de consommation de poisson est dangereux pour notre santé. A partir de quel seuil pouvons-nous effectivement considérer la consommation de poissons comme dangereuse ? Comment peut-on juger du niveau moyen de consommation de poissons en France ? 

Jean-Daniel LalauCe projet, au titre assez explicite (il contient notamment le mot "safe"!) est porté par un consortium réunissant 10 pays. Il a plusieurs objectifs, dont celui d’évaluation du risque de toxicité selon la quantité de poisson (nous devrions dire de façon plus générique : les "produits de la pêche "). Comme il s’agit d’un projet de recherche, il ne faut pas s’étonner que l’on étudie systématiquement les grandes caractéristiques des animaux (l’âge, le sexe, l’espèce, etc.) en lien avec les données de toxicologie. Cela ne veut pas dire que le sexe, par exemple, jouera forcément un rôle ! L’âge, par contre, sera nécessairement une donnée critique. L’idée globale est en tout cas de disposer d’un score de risque, un score établi à partir des relations qui apparaîtront, comme l’on dit, "statistiquement significatives ". Mais un lien plus ou moins fort est une chose, et le seuil en est une autre. Le seuil est forcément un peu arbitraire, mais il faut bien avoir des repères. Pour l’heure il n’y a pas encore de recommandations officielles (l’Agence nationale de sécurité sanitaire

de l’alimentation, de l’environnement et du travail n’a pas fait de recommandation restrictive, en dehors de la grossesse), mais plutôt des propositions pratiques, qui prennent en particulier en compte la durée de vie des poissons. La logique est très simple : plus la durée de vie est longue, plus le poisson aura pu accumuler dans sa chair des substances toxiques. C’est ainsi qu’il ne faudrait pas manger de thon plus d’une fois par mois, et ne pas manger la plupart des autres poissons plus d’une fois par semaine. La FAO (l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture) établit des rapports circonstanciés sur l’état de la filière pêche et de l’aquaculture dans le monde. L’Agence France AgriMer, notamment, donne des indications plus précises pour la France.

Une étude conduite par des chercheurs de l'Institut marin et atmosphérique portugais a révélé que 83% des crustacés examinés contenaient des microplastiques, tandis que 2/3 des poissons observés attestaient de la présence dans leur corps de produits chimiques, comme le méthylmercure. Dans quelle mesure la pollution marine rend-elle dangereuse notre consommation de poisson ? Quelles sont effectivement les risques pour notre santé ? 

Il suffirait de diffuser en boucle des photos ou des séquences vidéo de fonds des mers pour faire passer définitivement l’envie de manger le moindre poisson ! Les mers sont, en effet, devenues des poubelles géantes. Dans de telles conditions, on comprend aisément que la chair des poissons puisse être contaminée, et ce par des produits divers et variés : des perturbateurs endocriniens, du mercure et d’autres métaux toxiques, des produits pharmaceutiques, des microplastiques, des biotoxines d’origine marine, etc. Or, la pêche côtière a quasi disparu, en raison de la raréfaction des poissons, de sorte que la pêche s’effectue désormais en eau profonde. 

Le risque pour la santé est lié au fait que l’organisme n’élimine pas  certaines substances, lesquelles si je puis dire se transmettent d’une chair à l’autre (de la chair de poisson à la chair de l’homme). La teneur en toxique s’élève même au fil de la chaîne alimentaire. Les métaux en particulier, et plus particulièrement encore le mercure, est toxique pour la substance cérébrale, et donc nécessairement plus dangereux dans la phase de maturation cérébrale (i.e. pendant la vie fœtale puis dans la vie post-natale précoce). 

La difficulté, toutefois, réside dans le raisonnement purement toxicologique, et de simplifier les choses ainsi : (présence de) toxiques = danger (sanitaire). Mais nous n’avons pas croisé ces données avec les données nutritionnelles. En d’autres termes, quel est le réel bénéfice/risque, sachant que le poisson a le grand avantage d’être riche en acides gras oméga-3 (surtout les poissons des mers froides) ?  A quel niveau de consommation le bénéfice se voit-il annihilé ? Reconnaissons que nous ne savons pas. Mais posons-nous la question : n’y a-t-il pas pour le coup un risque très réel de faire « basculer » la consommation vers celle de viandes, souvent plus grasses, et avec des graisses plus souvent saturées de surcroît ? Pour le dire encore autrement, manger un peu de poisson doit certainement être – encore aujourd’hui – protecteur, comparativement à la personne qui n’en mange pas du tout.

Bref, le nutritionniste doit forcément avoir une vision globale des choses.

Au niveau européen, quel est l'état de la législation relative à la réglementation des produits issus de la mer ? Certaines populations sont-elles plus exposées que d'autres ? Qu'en est-il de la France ? 

Les cahiers des charges pour l’élevage des poissons, pour leur conservation, leur distribution, sont précis et, dès lors, contraignants. Il n’y a pour autant pas de régulation s’agissant de la qualité de la chair en métaux lourds ou en matières plastique !

Comme déjà souligné, les personnes les plus exposées, comme le plus souvent !, sont les plus jeunes, ceux dont l’avenir (cérébral endocrinien, etc.) pourrait être hypothéqué. La France est un pays en grande partie maritime (elle figure parmi les premiers dans les classements des pays selon la longueur de côte, si l’on intègre bien sûr la France non métropolitaine). De fait, la consommation de poisson y est un peu plus de deux fois plus élevée que la consommation mondiale (de façon générale la consommation est plus importante dans les pays dits développés). Surtout pendant la période des fêtes ! Bien sûr, cette consommation moyenne cache des pratiques très variables. Je n’apprends rien à personne en rappelant que certains n’aiment pas le poisson. Ce qui veut dire que d’autres sont de grands amateurs. Et dès lors… des personnes à risque. 

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