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"Indigénistes et identitaires : racistes contre racistes"
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

Bonnes feuilles

Égalité, mais aussi laïcité et encore droit, justice : ces mots, qu’on croyait universels, sont, chaque jour, détournés de leur sens. Les responsables de cet assaut porté à la langue française ? Les communautaristes de toutes obédiences. C’est pour décrypter leurs méthodes que ce livre a été écrit. Extrait de "Le grand détournement" de Fatiha Boudjahlat aux éditions du Cerf (1/2).

Fatiha Boudjahlat

Fatiha Boudjahlat

Enseignante, cofondatrice du mouvement citoyen Viv(r)e la République, ex-secrétaire nationale du MRC en charge de l’Éducation, Fatiha Agag-Boudjahlat vit à Toulouse.

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Notre tolérance s’accommode étrangement d’une racialisation des identités individuelles et collectives, que l’on retrouve aussi bien chez les identitaires d’extrême droite que chez les identitaires indigénistes. Nous la condamnons chez les identitaires d’extrême droite, mais notre complaisance semble sans limite quand les indigénistes la revendiquent. C’est ce que les identitaires d’extrême droite, mais que les indigénistes ne de s'avoueraient pas, appellent « l’ethnopolitique », qui « part du constat que le politique et toutes les dimensions qui lui sont liées (la culture, le social, l’économie et la géopolitique) sont en grande partie conditionnées ou déterminées par les questions ethniques. [...] Elle vise à mieux comprendre la crise du politique dans les sociétés modernes devenues de facto multiethniques en montrant l’impact du facteur ethnique sur les sentiments d’appartenance et de solidarité politique et donc sur la cohésion des états ».

A l’extrême droite, les identitaires répètent : « Je suis un vrai français, y’en a marre de ceux qui ne se comportent pas comme de bons français. » Ils ne posent aucune exigence morale à cette identité autre que celle de la conformité à un comportement presque exclusivement alimentaire, comme s’il y avait un syndrome apéro saucisson-pinard. Pour eux, être Français c’est être Blanc et /ou être chrétien. Ils sont dans ce que Jean-Paul Missika appelait la « politisation négative » : « Je ne veux pas que les autres vivent mieux que moi, ils ne doivent pas avoir ce que je ne peux pas avoir. » Cela met en évidence une morbidité qui pulvérise la science politique au bénéfice d’une science médico-légale : l’identité serait dans les viscères. Avec l’insécurité matérielle, les compensations d’ordre symbolique, comme l’obsession identitaire, connaissent une inflation. Chez les indigénistes, on trouvera ce drôle de paradoxe : être qualifié de Français, c’est être insulté. Ils connaissent et ne cessent de revendiquer leurs droits politiques, mais ils réduisent la France à un guichet éternellement débiteur d’un passé colonial : les allocations deviennent des prestations compensatoires. Mais pour le reste, ils ne cessent de critiquer la France, de lui refuser ce qu’ils revendiquent et mettent en avant, à l’égard du pays de leurs parents, l’affection et la loyauté. Houria Bouteldja en est un cas archétypique, elle qui écrit : « Ce sera notre éternel dilemme : rester et subir l’humiliation, partir et crever la dalle. » Deux pages avant, on peut lire : « Ô mes frères, mes sœurs, Ô mes frères mes sœurs, des Français je suis dégoûté. J’accepte de ne porter qu’un tricot mais je ne veux pas qu’on m’appelle ‘‘bicot’’. Ô mon Dieu, ma foi est meilleure que la leur. Celui qui critique le pays, que la rivière l’emporte. » N’est pas poète qui veut. Est Français qui veut. Mme Bouteldja ne le veut pas, se voit comme un otage de la bonne sante´ de la France, y reste pour semer son venin, vante un pays dans lequel elle ne vit pas et qui ne la traiterait pas aussi bien, elle qui est salarie´e de l’Institut du monde arabe, et donc de l’E´tat. Le patriotisme revendiqué pour le « bled d’été » est la règle, et le châtiment serait sévère envers ceux qui, en Algérie, au Maroc, en Turquie, oseraient traiter leur pays comme eux traitent la France ici. Le patriotisme pour la nation où on vit est criminalisé, le patriotisme pour le pays dans lequel on ne met les pieds qu’en vacances est jugé, lui, légitime. Et se met ainsi en place, surtout auprès des plus jeunes, un conflit de loyautés entre pays, foi, identités.

A ces indigénistes, il convient d’ajouter les personnes qui se revendiquent de la gauche de la gauche, et que je qualifierais, non sans humour, de bourgeois-pénitents. Ils ont des privilèges et ils culpabilisent. Pour soulager leur conscience, ils s’associent aux indigénistes pour fustiger la France et la République, a` laquelle ils ne doivent rien puisqu’ils en sont les héritiers légitimes. Pourtant, ils n’y renoncent pas : que ne changent-ils pas de pays et de nationalité ? Que ne font-ils pas don de tous ces biens pour faire vœu de pauvreté, pauvreté qu’ils trouvent si belle et digne chez les autres ? Ils préfèrent se jeter dans des causes gratifiantes. Or, face à  la fuite des bleus de travail au FN, et parce qu’ils ne partageaient de toute façon plus avec eux aucun terrain d’entente, ils ont trouve´ de nouveaux damnés de la terre à représenter, les enfants d’immigrés. Pas en tant qu’individus, mais en tant que groupe religieux. Ils ont renoncé à tenir un discours de classe, qui les place du côté des bourgeois, lui préférant un discours de race. Ils haïssent la France et la République autant que les indigénistes la haïssent. Cette gauche à remonter le temps ne cesse d’invoquer les années 1930, en négligeant le fait que le Front populaire, c’est aussi la France des années 1930. Quand les figures de style servent de prêt-à-penser, on en oublie ses fondamentaux... C’est la gauche olfactive qui renifle partout le nauséabond. C’est la gauche qui ne comprend pas ce que l’attachement à un pays peut avoir d’important, et notamment pour des enfants d’immigrés. Et qui prétendra savoir mieux que ces enfants d’immigrés ce qui est bon pour eux.

Ces bourgeois-pénitents et ces indigénistes partagent le vocabulaire des identitaires, ont la même obsession pour la couleur de peau, la même fixation mémorielle avec les mêmes oublis, ils sont victimes du même dénégationnisme, pour reprendre le terme de Gilles Kepel pour qualifier ceux qui sont dans la dénégation permanente. Ce sont des complices objectifs, des partenaires dans le crime, leur symétrie est parfaite. Les indigénistes et les islamistes ne croient pas en la démocratie, créée par les Blancs pour leur entier bénéfice. Ils lui préfèrent la théocratie. Leur discours ethnico-politique est rapidement rattrape´ par le religieux.

Extrait de "Le grand détournement" de Fatiha Boudjahlat aux éditions du Cerf

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