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"Il Primo Omidicio" d’Alessandro Scarlatti : très beau programme, audacieux, pour un bel anniversaire
©Bernd Uhlig / OnP

Atlanti-Culture

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
Voir la bio »

OPERA
« Il Primo Omidicio » 
d’Alessandro Scarlatti
Mise en scène : Romeo Castellucci
Direction musicale : René Jacobs

INFORMATIONS 

Opéra de Paris- Garnier

Place de l’Opéra

75009 Paris

Tel O892 89 90 90

www.operadeparis.fr

En alternance jusqu’au 23 février 

RECOMMANDATION

         EN PRIORITE

THEME

Créé en 1707  à Venise, composé pour six solistes et orchestre, Il Primo Omicido (en français, Le premier meurtre) est le plus important oratorio d’Alessandro Scarlatti sur un sujet biblique. Ecrit en deux parties, il s’inspire de l’un des épisodes les plus forts de l’Ancien Testament : le meurtre d’Abel par son frère Caïn.

L’œuvre s’ouvre sur les lamentations d’Adam et Eve, chassés du paradis terrestre pour avoir passé outre l’ordre de Dieu et mangé le fruit  défendu.

Pour essayer d’apaiser le Tout- Puissant, le doux Abel décide de lui sacrifier un agneau. Caïn, qui est l’ainé et estime qu’il lui appartient de calmer l’ire divine, offre  les fruits de son travail de la terre. Abel égorge l’agneau.  Parce qu’il est un être pur, Dieu bénit son holocauste, au grand désespoir de Caïn.

C’est dans la deuxième partie que ce dernier va accomplir son fratricide. Poussé par Lucifer, il tue son cadet à coups de pierre. Pour ce geste fatal, qui laisse Adam et Eve en pleurs, Dieu condamne Caïn, non pas à la mort, mais à l’errance. Ce châtiment  sera adouci parce que Le Tout-Puissant  finira par accorder au meurtrier  la rédemption .

POINTS FORTS

- Et d’abord l’œuvre : redécouverte en 1998 par le chef René Jacobs qui l’avait alors enregistrée,  elle n’avait encore jamais été  montée à l’Opéra de Paris. Trois cent ans après sa création, elle fait  donc enfin son entrée au répertoire de l’Institution.  A l’écouter,  on se demande pourquoi  elle avait croupi si longtemps dans  les oubliettes de l’opéra. Son livret est de très haute qualité littéraire et sa partition, magnifique, à la fois simple et complexe, dépouillée et riche en harmoniques.

- Dans la fosse, dirigeant de sa main à la fois ferme et souple cet oratorio qu’il connaît comme sa poche, le chef René Jacobs se régale. D’autant plus qu’il a devant lui «  son » orchestre, le B’Rock, qu’il avait créé à Gand, essentiellement pour interpréter de la musique baroque.  Tous les  membres  de cette phalange sont là au grand complet, le « patron » ayant « musclé » le dispositif orchestral initial  prévu par le compositeur. La musique sonne splendidement.

– Sur scène, comme galvanisés par la perfection sonore de l’orchestre , les  six chanteurs donnent leur maximum. L’Abel de la mezzo Olivia Vermeulen a une radieuse musicalité. L’Adam du ténor Thomas Walker est d’une  belle expressivité. Quant à l’Eve de la soprano Birgitte Christensen,  malgré quelques problèmes de tenue dans les aigus, elle fait preuve d’une touchante sensibilité.

- Aux manettes de la mise en scène, des décors, des costumes et des lumières, un seul et même homme, Romeo Castellucci. Passionné  depuis toujours par les mythes qui ont fondé notre société, l’intellectuel italien est ici à son affaire. Pour une (rare) fois, il a travaillé  sans cet esprit de provocation qui lui vaut parfois  (à juste titre) des coups de bâton. Pour la première partie, il a choisi  de faire évoluer les personnages dans un univers abstrait, avec des  àplats de couleurs à la Rothhko, qu’il a juste «meublés » d’accessoires signifiants. Pour la seconde, où il fait doubler les personnages par des enfants,  il revient au réalisme, ciel étoilé, champ de blés, chemin semé de pierres parmi lesquelles, celle dont va se saisir Caïn pour tuer son frère. Mais abstraction ou réalisme, les chanteurs évoluent dans une gestuelle stylisée, hiératique, qui évoque les peintures médiévales. C’est beau parce que Castellucci a laissé toute sa place à la musique.


POINTS FAIBLES

Il y en a peu, un tempo peut-être un peu trop lent dans la première partie; la maladresse de certains  des enfants qui « doublent » les personnages. Pourquoi Castellucci leur a-t-il demandé de faire semblant de chanter ? Ça ne marche  pas parce que ces enfants  connaissent insuffisamment livret et partition. Mais ces ratés  sont des broutilles, face à la réussite de cette production.

EN DEUX MOTS

Pour fêter son 350° anniversaire, l’Opéra de Paris a mis les petits plats dans les grands avec une belle audace.   Non seulement il fait  découvrir une œuvre baroque  qui n’avait encore  jamais été jouée en ses murs, mais en plus, pour l’interpréter, il convoque  la crème des spécialistes du  genre.

Scarlatti- Jacobs-Castellucci . Ce trio enchante, et augure bien de cette année anniversaire.

UN EXTRAIT

« Cet oratorio fait pleurer, il touche quelque chose de très profond. Il franchit toute forme de contrôle. C’est une rhétorique  très raffinée et distillée, particulièrement efficace. Et c’est justement parce qu’il a la force d’une prière qu’il est possible de l’aborder avec une vision critique qui nous rapproche de Caïn, qui nous permet d’être lui, en lui ». (Romeo Castellucci, metteur en scène )

LE COMPOSITEUR

Alessandro Scarlatti est peut-être le plus fécond des grands auteurs lyriques de son époque avec quelques 115 œuvres, plus de 800 cantates à une voix (sortes d’opéras-miniatures), 30 oratorios, une centaine de motets, des messes, des œuvres pour clavier, etc..

Né à Palerme le 2 mai 1660 dans une famille de musiciens, il est envoyé à Rome dès l’âge de douze ans pour y poursuivre ses études. Si on a peu de renseignements sur ses années d’apprentissage, on sait en revanche qu’ en 1679, il crée à Rome son premier opéra, Gli equivoci nel sembiante, dont le succès lui vaut d’être nommé immédiatement maitre de chapelle de la Reine Christine de Suède (en exil dans la ville). C’est là que, seront  joués, de 1679 à 1683,  ses six opéras suivants, dont Il Pompeo. 

En 1684, le musicien commence à voyager au gré de ses postes et de son inspiration, d’abord à Naples, puis à Florence et Venise où il compose beaucoup, notamment, en 1707, Il Mitridate Eupatore  qui est considéré aujourd’hui comme son chef d’œuvre.

En 1717, il décide de revenir à Rome, où il va écrire, dans un style d’orchestration plus moderne, parmi ses œuvres les plus célèbres, dont Telemaco (1718) et Griselda ( 1721).

En 1722, il repart pour Naples où il meurt le 24 octobre 1725.

Bien que sa musique, de style très varié, n’appartienne à aucune école connue, elle préfigure l’école classique du XVIII° siècle qui culminera avec Mozart. 

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