"Estampillés - Essai sur le néo-racisme de la Gauche au XXIe siècle" : "nul n’est innocent de sa race" <!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants descendent dans la rue dans le cadre du mouvement Black lives matter pour protester contre la brutalité policière le 6 juin 2020 à University City, Missouri.
Des manifestants descendent dans la rue dans le cadre du mouvement Black lives matter pour protester contre la brutalité policière le 6 juin 2020 à University City, Missouri.
©MICHAEL B. THOMAS / GETTY IMAGES AMÉRIQUE DU NORD / GETTY IMAGES VIA AFP

Bonnes feuilles

Drieu Godefridi publie « Estampillés: Essai sur le néo-racisme de la Gauche au XXIe siècle » aux éditions Texquis. Dans cet essai qui couvre une fraction significative de la littérature néo-raciste américaine et, désormais, européenne, Drieu Godefridi analyse les concepts de cette résurgence académique, politique et médiatique de la race (le racisme systémique, le privilège blanc et autre « white fragility »). Extrait 2/2.

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, et dirigeant d'entreprise. Il est notamment l'auteur de Le GIEC est mort, vive la science ! (Texquis, 2010), La réalité augmentée (Texquis, 2011) et De la violence de genre à la négation du droit (Texquis, 2013).

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Nous avons l'intention de continuer à frapper les hommes blancs morts, et les vivants, et les femmes aussi, jusqu'à ce que la construction sociale connue sous le nom de "race blanche" soit détruite - pas "déconstruite", mais détruite.

Noel Ignatiev[1]

L'assertion de Robin DiAngelo selon laquelle personne n'est « innocent de sa race »[2] passera pour l'une de ces exagérations comme on en trouve dans les idéologies. Une outrance, certes malheureuse, à laquelle on ne devrait toutefois pas réduire la théorie.

Le fait est que les « exagérations » du néo-racisme sont, en toute rigueur analytique, de simples dérivations, conformes et fidèles, de ses postulats.

On a décrit le caractère circulaire et fermé de la théorie néo-raciste, qui formule des postulats tels le « racisme systémique » sans chercher à les démontrer ni quantifier, illustrant le postulat par des histoires concrètes de « racisme systémique », avant de conclure à la nécessité de remédier à ce même « racisme systémique ». Dans ce type de raisonnement, la conclusion n'est pas seulement « présente » dans le postulat : le postulat est la conclusion.

L'outrance du néo-racisme réside non dans les hyperboles de ses auteurs, mais dans ses postulats théoriques. Quand on définit l'homme par son épiderme, qui détermine son rapport au monde, il devient en effet évident que nul, jamais, nulle part et quoi qu'on en ait, n'est « innocent de sa race ».

Le Blanc est raciste. Nous avons lu l'acte d'accusation. Magnanime, le procureur néo-raciste offre à l'accusé l'opportunité de se défendre. Tel l'accusé de l'incendie du Reichstag, penaud et incohérent, le Blanc profère quelques insanités au terme desquelles il serait lui-même « victime de racisme”. On croit rêver !

DiAngelo raconte que lors de l'un de ses séminaires, une femme blanche — encore ! — s'estima faussement accusée et quitta le séminaire pour aller s'installer dans son bureau. Cette femme blanche n'avait pas accepté, écrit DiAngelo, d'être « challengée » sur sa race. Ce « challenge » consistait à expliquer à cette femme blanche en quoi ses propos, certes formellement dénués de la moindre connotation raciste, ni même différenciés selon la couleur, « impactaient plusieurs 'personnes de couleur' présentes dans la salle”. À aucun moment, DiAngelo ne prend la peine de renseigner ne serait-ce qu'un exemple de cette parole formellement neutre, mais racialement « impactante ».

Car cela n'est pas nécessaire. Le Blanc n'étant jamais agi que par sa race, le simple fait de parler — se taire ! — devient un acte porteur de racisme systémique donc « impactant » pour les « personnes de couleur ». « Certes, s'amuse DiAngelo, 'challengée' n'est pas le terme choisi par cette Blanche pour exprimer ses doléances. Celles-ci étaient maquillées ("framed") comme le fait d'avoir été 'faussement accusée' d'impact racial »[3] Comme si le fait de n'avoir pas d'impact racial, pour un Blanc, était concevable !

Tel est le concept de White Fragility. Ce que DiAngelo nomme white fragility réside dans le fait, pour un Blanc, de ne pas accepter de gaieté de cœur de s'engager dans une discussion sur le thème des races, moins encore d'être « challengé » sur le sujet de sa race.

Peut-être cette « fragilité » est-elle liée au fait que ce Blanc décrit par DiAngelo comme un être à la fois plaintif, craintif et larmoyant, pourtant dominant, sent confusément que de « débat » — au sens rationnel et critique de l'expression — il ne sera pas question; que l'objet exclusif du débat est de le mener au « challenge », que ce « challenge » est une accusation de racisme — fût-il « systémique » — et que de ce procès en sa race, il ne peut sortir, par définition et par hypothèse initiale, qu'en reconnaissant humblement sa culpabilité.

Interdit d'exprimer ses émotions, l'Accusé baisse les yeux, car il comprend que la seule manifestation de volonté tolérable consiste à brandir son portefeuille pour indemniser les victimes séculaires du « racisme systémique », avant de disparaître.

Fabuleuses potentialités d'une théorie qui s’épuise entière dans ses postulats et les considère comme des « boîtes noires »[4] insusceptibles de discussion, pour leur domestiquer le monde. Tel un bricolage « Pif-Gadget », la Boîte-à-postulats de la théorie néo-raciste satisfera tous ceux qui s'en servent.

La white fragility — c'est-à-dire, en rigueur analytique, le fait pour un Blanc de se défendre de l'accusation néo-raciste de racisme — est elle-même, l'eussiez-vous deviné ?, une expression du White power. « La fragilité blanche fonctionne comme une forme d'intimidation ; je vais faire en sorte qu'il soit si difficile pour vous de me confronter — quelle que soit la façon dont vous essayez de le faire — que vous allez simplement reculer, abandonner et ne plus jamais soulever le problème. »[5]

Se défendre, n'importe comment — quels que soient vos arguments —  d'une accusation de racisme devient ainsi tout naturellement un acte raciste, de la pure violence « systémique » et du « bullying ».[6]

Toute défense abîme et engloutit aussitôt le « challengé » dans les sables mouvants de la conceptualité défectueuse, piégeuse et venimeuse du néo-racisme.

L'accusation portée par la théorie néo-raciste se dispense d'aucun procès, non seulement parce qu'elle est grosse de la sentence, surtout parce que l'accusé, quoi qu'il dise, ne peut qu'aggraver son cas, car il ne sera jamais que la bouche d’un crime qui le dépasse et le transcende : le racisme systémique. Le racisme systémique est au néo-racisme panthéiste et animiste ce que Zeus est au récit homérique : celui dont on ne discute ni les motifs, ni les actions, car il est incommensurable aux créatures humaines, bornées et fragiles en effet.

Tentons de se figurer, car il faut prendre les fanatiques au sérieux, l'allure d'un droit pénal et procédural qui serait reformaté selon les catégories et « raisonnements » de la pensée néo-raciste. Pénétrant la salle d'audience, le ou la Juge commencerait tout naturellement par répartir les prévenus, accusés, demandeurs, défendeurs, avocats, huissiers et greffiers en deux catégories : à gauche, les « Blancs », à droite les « personnes de couleur ». Quand un procès mettrait aux prises deux Blancs, on imagine un déroulement plutôt classique. Quid, toutefois, si l'une des deux parties présente des traits vaguement asiatiques ou sub-sahariens ? Quel est le degré de « couleur » à partir duquel se déclenche l'implacable mécanique systémique ? Un ancêtre chinois ou péruvien au huitième degré suffit-il à mettre en branle la mécanique infernale de l'oppression systémique ? Qui en décidera ? Selon quels critères ? Mesurera-t-on les crânes à l'entrée de la salle d'audience ? Un passeport génétique sera-t-il exigé ? La pratique religieuse des grands-parents sera-t-elle interrogée ? Supposons maintenant un Blanc et un Noir qui s'opposeraient sur l'exécution d'un contrat ; le premier reproche au second de n'avoir pas respecté les clauses de leur convention. Comment imaginer la condamnation de la partie « noire » sur la foi de notions, règles et catégories qui ne sont guère que la verbalisation juridique des préjugés du KKK ? De nouvelles figures et façons de droit ne sont-elles pas requises, de sorte que l'opprimé systémique soit désormais jugé en fonction et proportion de la coloration de son épiderme ? Dans l'intervalle, pourquoi ne pas imaginer une typologie des dommages-intérêts selon la couleur de la peau, avec une majoration « systémique » quand le condamné est blanc et une remise automatique quand il est « de couleur » ? Naîtrait une grande taxinomie raciale des dommages-intérêts et des peines pénales. Suggérons la typologie suivante : Asiatiques : -140 points - Blancs : 0 point - Hispaniques : + 130 points - Noirs : +310 points, chapeautée d'un article de loi unique : « Pour remédier au Racisme systémique, le droit des Etats-Unis est désormais pondéré, dans son application, en fonction de la race. »

Outrée, cette typologie raciale ? Elle est rigoureusement conforme, dans son principe et ses nombres, au système racial d'admission dans les universités des Etats-Unis validé par l'administration du président Barack Obama.[7]

Facétieux White power.[8]


[1] "We intend to keep bashing the dead white males, and the live ones, and the females too, until the social construct known as 'the white race' is destroyed—not 'deconstructed' but destroyed" : "Abolish the White Race", Harvard Magazine, septembre-octobre 2002.

[2]White Fragility, 2018, 62.

[3]White Fragility, 111.

[4] Bruno Latour, La science en action, 2005.

[5] "White fragility functions as a form of bullying; I am going to make it so miserable for you to confront me — no matter how diplomatically you try to do so — that you will simply back off, give up and never raise the issue again" : White Fragility, 112.

[6]Ibidem.

[7] Cette typologie raciale concerne le test SAT, le plus important pour accéder aux universités américaines. Les nombres cités sont des moyennes calculées dans une vaste étude statistique dont la matérialité n'est contestée par personne : Thomas J. Espenshade et Alexandria Walton Radford, "No Longer Separate, Not Yet Equal: Race and Class in Elite College Admission and Campus Life", Princeton, https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691141602/no-longer-separate-not-yet-equal La quantification a ses vertus.

[8] Qui pour « privilégier » les Blancs privilégie les Noirs et frappe les Asiatiques.

A lire aussi : "Estampillés - Essai sur le néo-racisme de la Gauche au XXIe siècle" : les ravages du progracisme

Extrait du livre de Drieu Godefridi, « Estampillés: Essai sur le néo-racisme de la Gauche au XXIe siècle », publié aux éditions Texquis

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