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"Chicago" d’après Maurine Dallas Watkins : un hymne à la vie, malgré tout
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Atlanti-Culture

Mine de rien, cette grande comédie musicale, superbement réalisée, fait passer quelques idées fortes et audacieuses. On gagne sur les deux tableaux.

SPECTACLE
COMEDIE MUSICALE
Chicago
D’après Maurine Dallas Watkins (1926)

Adapté par John Kender (musique), Fred Ebb (paroles) et Bob Fosse (chorégraphie).

Avec Carien Keizer (Roxie Hart), Fanny Fourquez (Velma Kelly), Jean-Luc Guizonne (Billy Flynn).


INFORMATIONS

Théâtre Mogador

Jusqu’au 30 juin, du mardi au vend. 20.00 / sam à 16.00 et 20.30 / dim. 16.00.

Réservations : 01 53 33 45 30 / www.chicagolemusical.com


RECOMMANDATION 

EN PRIORITE

THÈME

• Nous sommes à Chicago au milieu des “folles“ années 1920 : alors que la Prohibition sévit (depuis 1919), le jazz fait bon commerce avec une mafia qui tient les speakeasies et tous ces clubs qui pullulent et ne désemplissent pas. La danseuse de cabaret Roxie Hart, mal mariée à l’insignifiant Amos, le trompe allègrement avec un bellâtre, qu’elle abat lorsque ce dernier vient lui annoncer sa volonté de rompre.

• Promise à la pendaison, l’ambitieuse Roxie se fait défendre par le flamboyant et cupide Billy Flynn, un as du Barreau, et ce au grand désespoir de Velma Kelly, menacée du même sort funeste pour avoir liquidé son amant et sa sœur, surpris en pleins ébats...

• Une succession de scènes nous montre les destins croisés des deux personnages, prêtes à tout pour que « ça jazze autour d’elles » ! Elles chantent, miment, et dansent au milieu d’une troupe d’une dizaine de chanteurs-danseurs, aux sons d’un grand orchestre qui accompagne les numéros en empruntant aux styles de jazz en vogue à l’époque (ragtime, swing, charleston et New Orleans).

POINTS FORTS 

• Cette adaptation de la comédie musicale à succès aux États-Unis, puis dans le monde entier, est tout à fait remarquable : la traduction française reste globalement fidèle au texte original, et recèle une foultitude de bons mots qui font rire et sourire un public ravi. La troupe de danseurs est vocalement et techniquement irréprochable : mention spéciale à Carien Keyzer, laquelle dégage une énergie dévastatrice combinée à une précision extrême dans les gestes et les mouvements, et à Jean-Luc Guizonne, qui, avec ses airs à la Eddie Murphy, mêle la décontraction, le charisme et le cynisme propres au personnage de canaille irrésistible qu’il endosse avec aisance.

• D’une manière générale, la qualité des chorégraphies – et notamment les scènes de mime – parvient à faire oublier la contrainte qui pèse sur tous les musicals, la nécessité de faire se succéder un grand nombre de numéros (22 dans le cas présent).

• Évidemment, l’orchestre est très attendu, et c’est rien de dire qu’il “assure“ dans tous les styles de jazz pratiqués.

• La qualité d’un spectacle se mesure parfois au soin mis à étoffer les rôles secondaires : c’est bien le cas ici, avec le personnage du mari de Roxie, le falot Amos, qui se taille un beau succès après quelques morceaux de bravoure salués avec un enthousiasme mérité.

• Ce musical, outre qu’il cultive une certaine impertinence dans le ton, offre un propos assez consistant : il dénonce la vanité des modes successives (Roxie connaît une célébrité éphémère en tant que « Killer Chorine »), le poids dans l’opinion américaine d’une presse à scandale moins soucieuse de la réalité que des apparences, et pour qui un fait divers chasse l’autre. Chicago brocarde une justice américaine dure envers les plus humbles (avec une allusion au procès de Sacco et Vanzetti en 1927), dresse un portrait sans concession du monde judiciaire (avocats cupides et sans scrupules, jury populaire composé de “déplorables“), et insiste sur l’insipidité de la vie de femme au foyer promise aux Américaines jusqu’en plein XXe siècle.

POINTS FAIBLES

• Un détail technique : les sous-titres proposent la version originale du texte en anglais, fort utile, mais les écrans sont (mal) placés de part et d’autre de la scène, ce qui oblige à s’en écarter du regard. Il vaudrait mieux qu’ils soient installés au dessus de la scène...

• Ces sous-titres sont d’autant plus utiles que l’orchestre couvre parfois un peu trop - non la voix - mais les paroles des interprètes, ce qui rend la compréhension du texte français un peu difficile, même si cela n’empêche pas de saisir le sens général du propos.

EN DEUX MOTS 

Chicago porte bien l’empreinte de l’Amérique encore contestataire du milieu des années 1970, moment au cours duquel la pièce originelle fut retravaillée par le parolier Fred Ebb.

• Ce musical reprend les stéréotypes associés à cette sorte de Babylone américaine qu’était Chicago dans les années 1920, mais c’est pour mieux faire entendre, sous couvert de jazz, une autre “petite musique“ : un hymne à la vie sous et contre la Prohibition.

• Cette comédie n’est pas sans contenu : elle pointe des dérives, égratigne quelques valeurs hautement revendiquées par les Américains d’hier et d’aujourd’hui, et en célèbre d’autres, comme l’émancipation de la femme, mise en péril actuellement, là et un peu partout.

UN EXTRAIT 

Ou plutôt deux:

«  Chaque soir, dans ce boxon, faut qu’ça vire au baston ! »

«  Au lieu de vivre comme tu peux, tu peux vivre comme tu veux. »

L’AUTEUR

Chicago a d’abord été une pièce de théâtre - écrite par M. D. Watkins - présentée en 1926 et inspirée d’un fait divers intervenu peu de temps auparavant. C’est devenu en juin 1975 une comédie musicale, servie par le talent du trio Ebb-Fosse-Kander, qui rafle dixTony Awards (dont la meilleure comédie musicale) l’année suivante. Sa reprise remonte à 1996, l’adaptation française remporta le Molière 2004, alors que le spectacle original se donne toujours à Broadway ! 

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