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 Brexit : ces milliers d'emplois que mettraient en péril un échec des négociations entre Londres et Bruxelles
©Reuters

Breakxit

"Tuer des emplois américains" : c’est le risque qu’aurait mentionné Donald Trump le 24 mai aux leaders européens à propos du Brexit. Mais la Maison Blanche a démenti, donc il ne l’a pas dit…

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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N’empêche, pour que le Brexit ne devienne pas un Breakxit, avec le risque annoncé du « pas d’accord plutôt qu’un mauvais accord » comme l’écrit Theresa May dans son manifeste électoral, il faut que beaucoup de conditions soient remplies, et bien remplies. Mais rien n’est moins sûr.

Certes, tout a été fait, ou plutôt écrit, pour que les discussions aient lieu de manière amicale, avec l’idée de construire une « coopération loyale » pour la suite. Pour qu’un divorce se passe au mieux, on met au-dessus de tout le bonheur des enfants. Ceci fait sens : il faut toujours viser une solution « gérable » dans la durée. Le bon post-Brexit serait alors une union de pays favorable, même plus distendue, ce qui permet à tous d’avancer. Mais les anicroches et les problèmes ne manquent pas. En voici cinq.

Les élections peuvent inquiéter et « raidir » la position Theresa May.

Theresa May a décidé de provoquer une élection le 8 juin. Son idée est de renforcer le poids des Conservateurs et d’affaiblir ses opposants, Travaillistes et surtout UKIP. C’est d’ailleurs un rare paradoxe que le parti (UKIP) qui a obtenu ce qu’il voulait, à savoir la séparation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, soit au bord de la disparition (d’après les sondages au moins). Cependant, si une majorité conservatrice reste probable, encore faut-il qu’elle ne soit ni trop forte, ni trop tributaire de Conservateurs « eurosceptiques », deux résultats qui pourraient inquiéter les Européens devant une Theresa May ainsi renforcée.

Et si, à la suite de l’attaque terroriste de Manchester, l’avance de Mme May se réduit encore (comme le montrent les derniers sondages), jusqu’à s’inverser (on ne sait jamais !), les réactions des entreprises et des marchés seraient, au moins à court terme, plus défavorables encore à un « Brexit ordonné ». Un Brexit déjà si compliqué ! Les points qui suivent pèseraient donc négativement plus encore.

Le ralentissement de la croissance du Royaume-Uni préoccupe les entrepreneurs et les investisseurs.

Au deuxième trimestre 2017, la croissance du PIB s’établit à 0,2% (après 0,3% au premier), un niveau faible et qui inquiète. Les exportations ne soutiennent pas l’activité, même après une livre qui a perdu plus de 10%. L’inflation grimpe à 2,6%, avec des revenus qui augmentent de 1,2% environ, ce qui donne une baisse du revenu réel. Ne pas profiter de la dévaluation et diminuer les revenus réels pour soutenir la rentabilité et peser sur la demande interne, ceci n’ouvre pas un avenir florissant.

La confiance des ménages est ainsi à son plus bas niveau depuis juillet dernier. Selon le Times du 27 avril, 45% des électeurs considèrent désormais le Brexit comme une erreur, contre 43% d’opinion contraire. C’est aussi la première fois depuis le Référendum que les inquiets sont plus nombreux. 39% se disent convaincus que le Royaume-Uni se portera plus mal une fois sorti de l'UE (28%, mieux) et 36% estiment que leur pays aura moins d'influence dans le monde (19%, plus). Jamais, depuis le Référendum du 23 juin 2016, les pessimistes n'avaient été si nombreux ni, surtout, majoritaires.

Cette inquiétude gagne les directeurs financiers. Selon la dernière enquête Deloitte de mai 2017, 85% des répondants britanniques soulignent un fort degré d’incertitude, contre 63% de leurs homologues en moyenne en Europe. Quand 40% des financiers européens considèrent que leur entreprise devrait être en capacité d’accroître ses dépenses de capital au cours des 12 prochains mois, 18% le sont au Royaume-Uni. 34% des directeurs financiers européens considèrent qu’il est probable que leur entreprise augmente ses effectifs au cours de l’année à venir, et 37% en France, mais 12% seulement des CFO britanniques.

Les limites du rôle de la Banque d’Angleterre sont proches.

Elle joue un rôle décisif dans tout ce processus, pour permettre d’amortir le choc et d’organiser le rebond, mais l’inflation est là. Certes, elle ne monte pas ses taux courts et a annoncé qu’elle attendrait. Elle entretient ainsi l’activité avec la baisse des salaires réels d’un côté, pour consolider les marges, tandis que, d’un autre côté, la consommation résiste, les ménages anglais compensant cette baisse de leur revenu réel par la baisse de leur taux d’épargne et la montée de leur endettement. Miracle, les taux longs ne montent pas, à 1,1%, comme si la hausse des prix était à son plus haut. Chapeau à la Banque d’Angleterre, mais tout a ses limites ! Il faudra bien monter les taux courts : des taux courts à 0,25% pour une inflation à  2,6% avec un objectif à 2%, la stagflation est une trappe qui s’ouvre.

Le prix de la sortie : 60 milliards d’euros, 100 ou bien 5 ?

60 milliards d’euros avait été le premier chiffre annoncé par Jean-Claude Juncker pour régler les engagements implicites du Royaume-Uni dans l’Union : programmes engagés, personnel européen et retraites notamment. La hausse qui fait passer de 60 à 100 milliards d’euros viendrait de mesures plus précises, suite à des demandes venant d’Allemagne et de France (selon le Financial Times). Mais 60 milliards ayant déjà été refusés par le RU, on n’imagine pas un meilleur accueil pour 100, sachant que des experts britanniques avancent de leur côté un chiffre de 5 milliards. Donc un début des négociations qui va se détériorer, et qui est pourtant prévu comme la précondition de la suite des discussions. Comment trancher cette contradiction ?

Les banques, le passeport financier et les instances de surveillance.

Une « loi » est en train de naître : plus les discussions semblent devoir être plus tendues avec l’Union européenne, plus les instances financières installées à la City vont s'inquiéter et vouloir, au moins, répartir leurs actifs dans différents pays de la zone euro (Dublin, Luxembourg, Frankfort ou Paris). Déjà, les autorités de la BCE et de la BUBA ont déclaré qu’elles n’accepteraient pas de banques plus ou moins fantômes, avec des banquiers faisant la navette, les opérations étant enregistrées à Londres. Le cas des clearing houses sera plus important encore, même pour des unités plus faibles en effectifs (quelques milliers) mais décisives. Ces dernières, les plus importantes au monde, sont à Londres et présentent un risque systémique. Déjà, la Banque centrale européenne avait voulu mieux les contrôler, mais avait en son tempes été déboutée en justice. Elle revient à la charge. La City devra, au moins composer, la BCE veut le contrôle direct pour les opérations en euros, les systèmes de surveillance allemand et français sont aussi sur les dents. Quelques milliers d’emplois seulement ? Pas du tout : c’est le genre de « détail » où le diable se niche. Il s’est réveillé.

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