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"A demain, Gramsci ! : comment la gauche a perdu sa domination culturelle
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Bonnes feuilles

"Le dernier Congrès du Parti socialiste l’a reconnu : “La gauche n’est plus en situation d’hégémonie culturelle.” Diagnostic lucide, quoique tardif. Le patient a cependant de quoi être rassuré : il mourra en connaissant les causes de son mal. Extrait de "A demain, Gramsci !", de Gaël Brustier, publié aux éditions du Cerf (2/2).

Gaël Brustier

Gaël Brustier

Gaël Brustier est chercheur en sciences humaines (sociologie, science politique, histoire).

Avec son camarade Jean-Philippe Huelin, il s’emploie à saisir et à décrire les transformations politiques actuelles. Tous deux développent depuis plusieurs années des outils conceptuels (gramsciens) qui leur permettent d’analyser le phénomène de droitisation, aujourd’hui majeur en Europe et en France.

Ils sont les auteurs de Recherche le peuple désespérément (Bourrin, 2010) et ont publié Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011).

Gaël Brustier vient de publier Le désordre idéologique, aux Editions du Cerf (2017).

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Pour revenir à notre analyse, La Loi du marché est intéressante d’un point de vue scientifique dans la mesure où le film pose d’une façon différente une question essentielle : quel groupe social s’identifie aujourd’hui au Parti socialiste ou à la gauche française ? Le désalignement du vote ouvrier par rapport à la gauche est achevé et rend caduque l’idée d’une lutte entre une classe ouvrière à la conquête du pouvoir, et une bourgeoisie qui fut le fer de lance de la révolution industrielle et de la construction des Etats-nations. Le « non » au référendum de 2005 sur le traité établissant une constitution pour l’Europe signifie bien plus qu’un revers électoral, mais marque l’abandon du PS par des classes populaires qui n’adhèrent plus au projet d’une Europe libérale, fût-elle présentée comme une « Europe sociale » en devenir. La répartition des votes démontre également que, pour la première fois, les employés de la fonction publique, en votant « non », n’ont pas suivi la ligne politique des socialistes. Or, les fonctionnaires ont, de tout temps, formé un des premiers viviers d’électeurs de ce parti. Si on ne saurait parler d’une catastrophe à propos de ce référendum, à tout le moins pouvons-nous évoquer une nette fragilisation de la confiance d’une partie de l’électorat traditionnel du PS. Or, lorsqu’un électorat n’adhère plus que timidement à un projet politique, cela signifie que la domination culturelle du parti en question s’effrite.

L’Europe, en tant que projet politique, n’a jamais suscité un engouement assez fort pour devenir hégémonique. En se greffant à elle dès l’Acte unique (1986) de manière spectaculaire, puis avec le traité de Maastricht, les socialistes avaient parié sur le fait que le « socialisme » comme idéologie serait remplacé par le projet européen. Mais comme l’a démontré le politiste Fabien Escalona dans ses travaux, aucun des partis sociaux-démocrates n’a véritablement réussi à s’adapter a` l’Union européenne. Face à l’avènement du néolibéralisme, au coeur du projet de l’UE, les gauches ont perdu pied et n’ont pas su proposer d’idées neuves ou, a minima, d’idées qui auraient rencontré une large audience au sein de ses électeurs historiques. Par conséquent, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un national-populisme représenté par Marine Le Pen s’engouffre dans la brèche laissée béante par la disparition d’un projet qui avait vocation, à l’origine, à se substituer au socialisme.

Extrait de "A demain, Gramsci !", de Gaël Brustier, publié aux éditions du Cerf, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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