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Tunisiens : inquiets mais optimistes
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Revue de blogs

Depuis janvier, la Tunisie guide les révolutions arabes et vient de réussir un sans faute par des élections libres, démocratiques, pacifiques, euphoriques. Les résultats agitent beaucoup ses blogueurs, divisés, mais toujours fondamentalement optimistes. Cette révolution, ces élections, sont les leurs, et ils en sont fiers.

11333 candidats, 1570 listes, des chiffres époustouflants de participation, très peu proportionnellement d'infractions constatées. Qui dit mieux que la nouvelle démocratie tunisienne? Tout au long de la journée du 23 octobre, tweets et photos magnifiques du premier scrutin libre ont inondés les réseaux sociaux.La photo la plus retweetée sur Twitter de ce dimanche d'élections a été celle de MedAliChabaane accompagnant sa maman voter : "Ma mère n'avait jamais voté auparavant. J'ai eu du mal pour qu'elle s'arrête de pleurer".

Photo MedAliChabaane sur Twitter

Aujourd'hui, c'est l'inquiétude qui revient chez les Tunisiens, avec la nette victoire d'un parti musulman. Un vertige de plus dans les montagnes russes que vivent les Tunisiens depuis le 14 janvier dernier. Lundi soir 24 octobre, des résultats provisoires donnaient 90 sièges sur les 218 de l'assemblée constituante, au parti Ennahdha. Les réactions, à l'Occident, sont au catastrophisme. Et c'est bien ce qui fait l'union en Tunisie, contre lui. Quelques tweets cinglants sont là pour le rappeler."@psycke : Notre plus grand ennemi ds les jours à venir, ce seront les médias étrangers. Ne les laissez pas vs influencer". Ou encore: la démocratie mon fils, c'est quand les élections servent immédiatement les intérêts de l'Occident". 

Ridha Kefi, fondateur du site tunisien d'information Kapitalis, a été le premier au lendemain du scrutin a publier une analyse dépassionnée du scrutin qui a fait le tour en quelques heures du web tunisien (2000 partages sur Facebook).

Le parti islamiste était donné gagnant par la plupart des sondages réalisés avant les élections. Qu’il arrive en tête, cela ne surprendra personne. Qu’il ait le plus grand nombre de sièges dans la Constituante non plus. Mais il n’aura sans doute pas la majorité absolue qui lui permettrait d’orienter les grands choix du pays. Si tant est qu’il en ait aujourd’hui l’intention, sachant qu’il revient de très loin, au terme de 40 ans de bannissement et de répression, et qu’il n’a pas encore les moyens et le savoir-faire pour conduire les affaires d’un pays très ouvert sur l’extérieur, sur les plans social et économique. En d’autres termes, un parti islamiste fort va être désormais au cœur de l’échiquier politique tunisien, mais il ne sera pas assez fort pour imposer sa loi, car les forces libérales, progressistes et de gauche seront là pour servir de contrepoids. Si tant est qu’elles mettent fin à leurs divisions pour constituer la plus large coalition possible. Une dernière remarque : les résultats de ces élections ont montré que la Tunisie ne se gouverne qu’au centre et dans le cadre d’un consensus sur le plus large dénominateur commun. Ce message de bon sens, tous les membres de la Constituante devraient le garder présent à l’esprit avant de se lancer dans les batailles homériques qu’on nous annonce pour la rédaction de la nouvelle constitution.

Le Google Doodle spécial élections sur la page d'accueil de Google Tunisie


Les commentaires sous cet article permettent de lire un bon échantillon des réactions.

nordine L'avenir nous montrera le vrai visage d'Ennahdha. Nous avons viré un dictateur dans le sang; ça sera plus difficile de virer les islamistes

York: il ne s'agit ni de s'affoler en croyant qu'un Tunistan se profile ni de baisser sa garde et de démissionner... La démocratie est une construction jamais achevée.

Selim Aujourd'hui ma pensée va aux révolutionnaires qui n'avaient rien à voir avec les religieux et qui sont morts le 14/01. Aujourd'hui je suis amer.

Bread Mais c’est ça la démocratie! Au regard des résultats des élections, il est certain que le parti islamiste obtient un réel avantage; mais maintenant c’est la voix des urnes et il faut l’accepter. Les Tunisiens voulaient une réelle démocratie, multipartiste, avec des voix et des courants différents, ils l’ont obtenue.

Khaled : Le succès d'Ennahdha s'explique par d'autres facteurs: prix payé contre la dictature, langage rassurant, campagne de proximité, dénomination et discours simple et clair, alors que les forces progressistes sont divisées, atomisées, aux dénominations compliquées, une campagne désastreuse n'ayant pour cible que les islamistes et oubliant la dictature et ses suppôts,

Intissar : Dans un an, le vote sanction [ndlr: de la Présidentielle] remettra les pendules à l'heure la démagogie aurait fait long feu. C'est dans la défaite que se forge durablement les meilleures victoires. Sans rancune.

Wissem: quel que soit le poids d'Ennahdha ou sa base populaire, il y aura toujours les forces qui feront le contrepoids (ça s'appelle l'opposition). Tant qu'Ennahdha n'a pas eu 99% (ce que ces élections ont bel et bien démontré), il n'y a rien à craindre.

J'ai comme l'impression que les médias et les partis modernistes ont aidé Ennahdha à créer la surprise.

Khaled: faut prendre acte. Félicitations aux vainqueurs. Aux autres de travailler et de revoir leurs stratégies et leurs discours pour mieux convaincre. Les échéances arriveront bientôt: un an n'est pas si loin que çà. Aux jeunes de s'engager dans la politique de manière effective et non sporadique (manifestations, sit-in).

Rachid: Tunisiens ! soyez fiers de votre belle réalisation ! Le plus important c'est de fonder les bases de la démocratie. C'est le premier pas.

le doigt bleu encré de ceux qui ont voté.
Photo de HabibMhenni sur Flickr

A la veille des élections, une jeune journaliste blogueuse, Emna, qui se disait "Inquiète mais optimiste" faisait ce bilan d'une année épuisante, et exaltante.

"C’est une révolution exceptionnelle, pendant laquelle on continue à sortir, à faire la fête, à s’épouser, même en plein couvre-feu... Entre les sit-in et les manifestations, la vie a repris son cours normal. Il y a encore du «Benalisme » chez beaucoup de Tunisiens, mais l’histoire retiendra que nombre d’entre eux ont mis leur carrière entre parenthèses pour réussir cette transition. Des pointures ont quitté leur poste aux Etats-Unis ou en Europe pour faire partie de cette mouvance. 155 représentants de la société civile assistent régulièrement aux réunions de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. Ils se font critiquer violemment, leurs propos sont souvent déformés, mais il persistent, restent présents, et tout cela gratuitement. Les votants vont peut-être se tromper, élire le mauvais candidat... Leurs suffrages feront peut-être que nous aurons une année encore plus difficile à affronter, confirmeront que l’islamisme a sa place sur l’échiquier politique ? On se dira au moins qu’on a essayé et qu’on a participé à la première révolution du monde arabe".

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