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Le lac de Baotou, endroit le plus toxique au monde.
Le lac de Baotou, endroit le plus toxique au monde.
©Reuters

Atlantico Green

Le lac de Baotou, dans la province chinoise de la Mongolie intérieure, a été rendu hautement toxique par le traitement des terres rares.

 Yann  Queinnec

Yann Queinnec

Yann Queinnec est directeur général d'Affectio Mutandi, une agence spécialisée dans les stratégies de responsabilité sociétale et leur impact sur les populations.

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Atlantico : Dans la province chinoise de la  Mongolie intérieure se trouve un lac noir (lac de Boatou), rendu toxique par les activités humaines et notamment le traitement des terres rares. Comment en est-on arrivé à ce que cette zone devienne hautement toxique et radioactive ?

Yann Queinnec : Cette zone du nord de la Chine située en Mongolie intérieure, à 650 kilomètres à l’ouest de Pékin, accueille la plus grande mine de terres rares au monde, Bayan Obo. Cette région produit 95% de ces minerais présents sur le marché. L’essentiel est exploité dans les dizaines d’usines de la ville de Baotou, la plupart appartenant à Baogan Group, une société d’Etat. L’extraction et le raffinage de ces minerais dont certains comme le thorium produisent des gaz radioactifs, nécessitent l’usage de produits chimiques très toxiques. Les rejets discontinus et sans aucun traitement des boues noires gavées de résidus, se déversent dans le lac de Dalahai qui borde la ville et font de cette région un enfer environnemental et sanitaire.

Que sont ces terres rares, et quelle place occupent-elles dans notre quotidien ?

Les 17 minerais de la famille dite des terres rares présentent des propriétés chimiques et électromagnétiques exceptionnelles indispensables aux produits high tech grands public, aux moteurs électriques ou générateurs. Ces terres rares permettent le polissage des écrans tactiles de nos téléphones ou tablettes, se retrouvent dans les disques durs de nos ordinateurs. Elles ont même équipé la navette américaine Discovery. Dilemme paradoxal, la demande de néodyme, qui permet de produire des aimants surpuissants, a explosé avec le développement des voitures électriques et de l’industrie éolienne...

La ville de Baotou, à proximité du lac, compte plus de 2 millions d'habitants. Quel impact les eaux polluées ont-elles sur la population ? Celles-ci sont-elles obligées de migrer ?

Face à la prolifération des usines et la pollution les autorités ont proposé de reloger les anciens paysans. Mais les prix au mètre carré sont hors de portée, tandis que la pollution lié au déversement des produits toxiques et les poussières radioactives les empêchent de reprendre leurs activités agricoles…

Cette zone d'activité existe depuis une cinquantaine d'année. Le gouvernement chinois (qui l'exploite) ainsi que les autorités locales ont-elles pris des mesures ?

Les effets de l’annonce d’une vaste restructuration sensée assurer un développement plus durable se font encore attendre. La fermeture des petites usines les plus critiques n’a pas empêché les exploitations clandestines et ne s’est pas accompagnée des mesures environnementales adaptées. Difficile dans ces conditions d’accorder du crédit au classement Top 100 des entreprises vertes chinoises qui place en 2014 l’entreprise d’Etat Baotou steel Group (Baogan Group) en première position.

Les pays d’origine des entreprises les plus demandeuses de ces terres rares s’accomodent-ils de cette situation ?

Alors que l’Union Européenne, suivant en cela les Etats-Unis, s’apprête à adopter un règlement sur les « minerais du conflit » issus de zones de conflits telles que la RDC, ce type de dispositif, qui impose aux entreprises utilisatrices de faire preuve de vigilance pour éviter les atteintes, ne concerne par la question des terres rares chinoises.

Ainsi, les Etats où se trouvent des gisements de terres rares (Australie, au Canada, au Brésil ou sur le continent américain) montrant peu d’enthousiasme à les exploiter,compte tenu des nuisances, les donneurs d’ordre se trouvent devant un monopole de fait d’entreprises publiques chinoises.

Quelle est la part de responsabilité des grands donneurs d'ordre qui utilisent ses terres rares dans leurs produits ?

S’ils doivent composer avec ces conditions d’exploitation faute d’alternative technologique, ils ne peuvent fermer les yeux sur ces enjeux sociaux, environnementaux et sanitaires. Ils doivent établir des plans de vigilance démontrant qu’ils ont tout mis en œuvre pour réduire ces impacts. Or disposer de prix défiant toute concurrence n’intégrant pas les coûts sociaux et environnementaux n’est pas le signe de contrats durables. Les donneurs d’ordre vont devoir adapter leurs conditions contractuelles afin de démontrer l’exercice de leur influence dans la chaine de valeur.

De plus, alors qu’il resterait seulement 20 années d’exploitation du gisement principal de Bayan Obo, cela nécessite de trouver des alternatives, questionne le modèle de développement des acteurs des produits HighTech et ne devrait pas manquer d’interpeler les acteurs de l’investissement socialement responsable (ISR).

Les consommateurs ont-ils leur mot à dire ?

Encore faut-il qu’ils résistent à la tentation de changer de téléphone portable tous les 12 mois… Mais en effet c’est du côté du consommateur que l’on peut attendre du mouvement. Depuis la loi n° 2014-856 du 31 juill. 2014, l’article L.117-1 du code de la consommation permet par exemple à tout consommateur de demander au fabricant, producteur ou au distributeur des informations sur les conditions sociales de fabrication des produits.

Nul doute qu’avec la révolution des réseaux sociaux, la montée en puissance de la prise en compte de ces sujets et de l’Homo Ethicus Numericus, les Samsung, Apple, Orange, Free, Bouygues, etc. et toutes les enseignes de la grande distribution doivent se préparer à répondre à ces demandes.

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