Rupture avec les classes populaires : un historique de la déconnexion grandissante du PS <!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de sympathisants socialistes adoptent des positions contraires à la doxa du parti.
De plus en plus de sympathisants socialistes adoptent des positions contraires à la doxa du parti.
©Reuters

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Entreprises, 35 heures, impôts... Les sympathisants socialistes se désolidarisent de plus en plus des positions officielles du parti. Leur défiance vise aussi l'appareil et ses dirigeants, au point de leur faire craindre une prochaine division du PS, voire son explosion.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : De plus en plus de sympathisants socialistes adoptent des positions contraires à la doxa du parti. Selon plusieurs sondages récents, 60% d’entre eux sont ainsi en faveur d'un "assouplissement" des 35 heures (IFOP/Sud Ouest), 41% pensent que le gouvernement n’en fait "pas assez" pour les entreprises contre 18% qui estiment qu’il en fait "trop" (CSA/Les Echos/Radio Classique/Institut Montaigne), tandis que la moitié pense que la politique fiscale menée par François Hollande n’est pas "juste" ni "efficace" (Odoxa/Le Parisien). Comment expliquer cette évolution des idées ?

Yves-Marie Cann : On observe aujourd’hui un phénomène récurrent dans de très nombreuses enquêtes d’opinion, à savoir que le PS, ses principaux représentants et ses militants apparaissent très fréquemment comme en porte à faux par rapport à ce que pense une majorité de sympathisants socialistes, notamment sur les thématiques économiques et sociales. Ceci révèle plusieurs phénomènes. D’abord, cela relève d’un déplacement à droite du centre de gravité politique, qui peut expliquer le décalage entre le logiciel traditionnel de la gauche et du PS et ce vers quoi aspirent de plus en plus de Français. Une autre explication de ce décalage réside dans le contexte économique et social actuel, où la politique mise en œuvre par le gouvernement et le chef de l’Etat, comme le pacte de responsabilité, suscite plutôt l’adhésion d’une partie des sympathisants de gauche et du PS, le problème étant que les mesures mises en œuvre n’ont pas encore aujourd’hui apporté la preuve de leur efficacité. Il y a donc une opinion publique de gauche et socialiste, plutôt en cohérence avec la ligne politique défendue mais qui, en même temps, expriment une très forte défiance à l’égard de l’exécutif en l’absence de résultats dans ce contexte de crise.

Depuis plusieurs années, le PS perd du terrain au sein de la population : 25% des Français se déclaraient proches de ses idées en 2012, ils ne sont plus que 18% (-7 points) en 2014, selon un sondage CSA, publié en août. Les couches populaires sont ainsi de moins en moins représentées au sein des sympathisants socialistes (27% en 2014 contre 32% en 2012), notamment chez les ouvriers, au profit des électeurs diplômés (19 % en 2014 contre 15% en 2012) et plus aisés. Enfin, le PS vieillit, puisque la proportion des plus de 65 ans est en progression de 3%. Comment expliquer ce fossé entre le PS et ses électeurs historiques ?

Le socle des soutiens au PS au sein de la population française présente un certain nombre de différences et de disparités par rapport à la structure de l’ensemble de la population. On voit très clairement s’opérer un glissement générationnel, à savoir que les sympathisants apparaissent plus âgés que la moyenne, ce phénomène tend d’ailleurs à se renforcer notamment depuis l’élection de François Hollande. C’est aussi une base partisane, qui est aussi plus marquée au sein des actifs par les catégories CSP+ que les catégories populaires, et qui attachent une importance aussi bien à la politique économique et sociale que sociétale. Par ailleurs, on constate une concentration de plus en plus nette et visible des sympathisants socialistes au sein des grandes agglomérations, qui correspondent aux parties du territoire, connaissant généralement un dynamisme économique plus important que dans les banlieues, des zones plus périphériques ou la France rurale. Il s’agit là d’une tendance qui s’accélère depuis 2009. Enfin, il y a aussi un décalage en termes d’attente, de perception et de représentation entre la base adhérente socialiste et le reste de l’électorat.

La défiance des sympathisants socialistes n’épargnent pas non plus l’appareil du parti. Selon un sondage IFOP pour Ouest France, publié en août, seuls 39% d’entre eux considèrent que le PS soutient suffisamment le gouvernement (soit moins 31 points en un an), 58% pensent que le PS à un projet pour la France, 61% affirment que le PS est proche de leur préoccupation et seulement 55% estiment que le PS a des dirigeants de qualité (dans ces trois derniers cas, on observe une baisse de 12 à 20 points par rapport à 2012). Quelles sont les raisons de ce désamour vis-à-vis du parti ?

Il faut tout d’abord relever, qu’indépendamment du parti, il y a une défiance grandissante à l’égard des partis politiques, dont l’image ne cesse de se dégrader. Evidemment, le Parti socialiste n’échappe pas à ce phénomène. De plus, le PS étant aujourd’hui en responsabilité, le mécontentement, né de l’action gouvernementale, ou plutôt de l’absence de résultats, impactent également et écornent fortement l’image et l’attractivité du parti. En outre, le leader du parti, Jean-Christophe Cambadélis, est un homme politique peu connu du grand public et assez mal identifié par les Français, et dont la personnalité, les prises de position et les déclarations ne permettent pas de contrebalancer la déception des sympathisants PS.

Les sympathisants socialistes ne sont pas non plus très optimistes pour l’avenir de leur parti, dont 75% des Français ont une mauvaise opinion, selon un sondage IFOP pour Le Journal du dimanche, publié en août. Pire encore, 64% des sympathisants socialistes estiment que le PS peut éclater entre plusieurs formations ou courants d'ici à 2017. Selon une autre étude Odoxa pour Le Parisien, publiée en septembre, ils sont aussi 57% à juger le parti divisé. Ces craintes sont-elles justifiées et que signifient-elles pour le futur du PS ?

Il faut toujours prendre avec prudence ces résultats de politique fiction, qui confirment néanmoins la défiance de l’opinion vis-à-vis du politique. Ils dénotent en tout cas un vrai danger pour le Parti socialiste. Comme l’UMP, le PS connait aujourd’hui une véritable crise de leadership, qui se surajoute au contexte national difficile. La cote de confiance du chef de l’Etat vient le prouver. Ceci étant dit, il ne faut pas oublier que le PS possède une assez veille structure politique. Or, lors des dernières décennies, même si des structures ont pu changer de nom, elles ont gardé une organisation d’une relative solidité. N’oublions pas qu’au milieu des années 90, lorsque Michel Rocard était premier secrétaire du parti, le PS a déjà traversé une période très difficile, qui ne l’a pas empêché d’avoir un candidat, Lionel Jospin, arrivé en tête de l’élection présidentielle de 1995, puis la victoire des socialistes aux législatives de 1997. Si les temps sont aujourd’hui très difficiles pour le PS, il n’en est pas encore au stade de la dislocation. Surtout, au-delà des personnes, le PS est profondément divisé sur les idées, entre les tenants d’une ligne de centre gauche modérée et ceux appartenant à une ligne de gauche plus affirmée. Ce clivage rappelle d’ailleurs celui qui avait opposé au sein du PS les tenants du « oui » et du « non » lors du référendum sur la constitution européenne, en 2005. On en est toujours à la même situation, où la synthèse s’avère plus que nécessaire. Mais le véritable enjeu du PS, maintenant et pour l’avenir, c’est de mener un travail de réflexion et de mise à jour sur l’état de la société, de renouveler son logiciel et de proposer un projet qui s’adresse au plus grand nombre et qui réponde enfin aux attentes exprimées par les Français.

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