Portrait-robot des électeurs encore prêts à voter socialiste aujourd’hui<!-- --> | Atlantico.fr
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Homme ou femme ? Classe populaire ou bobo ? Breton ou Lorrain ? Quel est le profil type du sympathisant socialiste à la fin 2016 ?
Homme ou femme ? Classe populaire ou bobo ? Breton ou Lorrain ? Quel est le profil type du sympathisant socialiste à la fin 2016 ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

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Alors que le PS est entré dans une primaire qui pourrait bien être décisive pour son avenir, voici un petit portrait-robot de l'électeur socialiste de 2016.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Au-delà des électeurs susceptibles d'aller voter à la primaire de la Belle Alliance Populaire, quel portrait peut-on dresser de l'électeur socialiste aujourd'hui ? En termes de catégories socio-professionnelles, de valeurs, de niveau de revenus et d'éducation par exemple, comment peut-on décrire l'électeur socialiste moyen ?

Bruno Cautrès : Si l’on raisonne de manière plus large que les électeurs potentiels de la primaire à gauche, on peut regarder la sociologie des sympathisants socialistes, ceux qui se déclarent proches du PS. On peut en donner une description assez fine grâce à la dernière vague de l’enquête électorale réalisée par le CEVIPOF. Dans la vague 9 de cette enquête électorale de taille exceptionnelle (près de 20.000 personnes interrogées), celle réalisée en décembre, on constate que 16.4% des personnes interrogées se déclarent proches du PS, ce qui n’est pas négligeable en fait. A titre de comparaison, dans la même enquête, 20.3% des personnes se déclarent proches de LR alors que tous les signaux sont au vert pour le parti de François Fillon et 15.3% se déclarent proches du FN dont la présidente apparait aujourd’hui en mesure de se qualifier pour le second tour de la présidentielle (21.9% se déclarent proches d’aucun parti).

Une sociologie continue de s’exprimer dans la proximité avec le PS même si elle me semble moins fortement marquée que par le passé, plus indifférenciée qu’à l’époque où les salariés moyens du secteur public constituaient les "gros bataillons" de l’électorat socialiste. Ils sont néanmoins toujours plus présents qu’en moyenne parmi les catégories sociales des cadres supérieurs ou des professions intermédiaires, notamment les retraités de ces deux catégories sociales. En revanche, le PS semble toujours souffrir à présent d’un retard parmi les milieux plus populaires : seuls 13.8% des ouvriers se déclarent proches de ce parti, 16.4% parmi les employés. Les catégories où la sympathie partisane pour le PS s’exprime aujourd’hui le plus se rencontrent parmi la fonction publique d’Etat (21.4%), nettement plus d’ailleurs que parmi la fonction publique hospitalière. Les plus hauts de diplômes continuent de soutenir le PS plus que les niveaux intermédiaires ou bas.  En termes de revenus, la sympathie partisane pour le PS s’exprime parmi les niveaux intermédiaires et intermédiaires-hauts de l’échelle des revenus : ceux dont le foyer gagne entre 2500 et 3500 euros et entre 3500 et 6000 euros par moi. En termes de valeurs, il s’agit d’un électorat davantage présent parmi les sans-religion (18.9%), les musulmans (30%), que parmi les catholiques, notamment pratiquants (10.3%) ; on rencontre également davantage de sympathisants socialistes parmi ceux qui considèrent ne pas avoir de risque de se retrouver au chômage, ou qui déclarent s’en sortir avec leurs revenus. On peut aussi remarquer que 24.2% de ceux qui déclarent  qu’il faut « renforcer les services publics qu’elles qu’en soient les conséquences » se déclarent proches du PS.

Les électeurs du Parti socialiste sont-ils plus enclins à habiter dans certaines zones géographiques plutôt que d'autres ? Pour ce qui est de l'âge ou du sexe, peut-on observer aussi quelques particularités ?

Si l’on continue de s’intéresser aux sympathisants et pas seulement aux électeurs potentiels, on constate que les sympathisants socialistes sont aujourd’hui davantage présents parmi les tranches d’âges plus âgées, notamment chez les femmes de 50 à 64 ans (19.2% d’entre elles se sentent proches du PS). Chez les moins de 35 ans, seuls 14.5% se déclarent proches du PS tandis que c’est le cas de 16.8% des 35-64 ans et 17.6% des plus de 65 ans. Au plan géographique les régions Bretagne, Normandie, Rhône-Alpes-Auvergne ou encore Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées comptent davantage de sympathisants socialistes dans notre enquête que les régions plus ouvrières du Nord-Pas de Calais ou que la région Alsace-Champagne  Ardenne-Lorraine

Si l'on ne devait retenir qu'une seule variable-clé pour expliquer qu'un électeur vote pour le PS, quelle serait-elle selon vous ?

Si l’on ne devait retenir qu’une seule variable il s’agirait de la combinaison d’une appartenance aux catégories éduquées du salariat, notamment public, et de valeurs de tolérance culturelle et d’ouverture aux autres.

Au vu de ce portrait-robot et des rapports de force politiques actuels, le PS est-il d'après vous plus menacé à sa gauche par Jean-Luc Mélenchon, ou à sa droite par Emmanuel Macron ?

Le PS est effectivement dans une situation difficile aujourd’hui. Dans le cadre de l’élection présidentielle, son candidat, quel qu’il soit, sera effectivement fortement concurrencé à sa droite par Emmanuel Macron et à sa gauche par Jean-Luc Mélenchon. Mais ces deux candidats vont rencontrer des problèmes de même nature que le PS : ils seront plus concentrés et présents dans certains segments de l’électorat et auront également à souffrir d’un retard parmi les catégories modestes et populaires. Au-delà de l’élection présidentielle, le PS pourrait voir s’ouvrir une période difficile pour lui. Mais il pourrait également mettre à profit son éventuelle présence dans l’opposition pour mettre à plat son agenda et surtout faire émerger de nouveaux leaders, renouveler son image. La non-candidature de François Hollande ne peut prendre son sens que si le PS met les questions de fond au cœur de sa réflexion interne : doit-il toujours s’appeler le PS ou symboliser par un changement de nom une clarification de sa ligne politique ? De quelle manière le parti aborde t’il la question de sa diversité interne sur son rapport au « social libéralisme » ? Quels sont les alliés du PS ? Ces questions n’empêcheront pas le PS de survivre et/ou de renaître : si François Fillon gagne la présidentielle, les thèmes économiques de gauche comme l’égalité et la justice sociale, la redistribution mais aussi les thèmes de société relatifs à la tolérance culturelle, reprendront de l’importance dans les préoccupations et les demandes des électeurs. Les élections intermédiaires, comme les européennes 2019 et les municipales 2020, pourraient donner l’occasion au PS ou au parti qui renaîtra de ses cendres de (re)faire parler de lui….

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