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Paris Games Week : à l'heure de la sortie de la Nintendo Switch, les consoles apportent-elles toujours une valeur ajoutée au monde du jeu vidéo ?
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La minute tech

Si les consoles de jeux vidéos étaient particulièrement prisées dans les années 1990 et 2000, l'émergence du support de l'ordinateur pour les jeux en ligne a quelque peu modifié le paysage de ce marché. Reste à savoir quel rôle peuvent bien tenir les consoles auprès des "gamers" aujourd'hui.

Julian Alvarez

Julian Alvarez

Julian Alvarez est Docteur en science de l'information et de la communication.

Il est responsable développement/recherche Serious game/Jeu vidéo à la CCI Grand Hainaut/Supinfocomgroup.

Julian Alvarez est chercheur associé au laboratoire CIREL - Trigone (Université de Lille) et chercheur TIC/TICE (Serious game) à Ludoscience.

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Atlantico : La tenue de la Paris games week ce week-end et la sortie attendue de la Nintendo Switch dans les prochains mois sont l’occasion de revenir sur la place des consoles dans l'univers des jeux vidéos. Ces dernières, très prisées lors des années 2000, apportent-elles toujours une valeur ajoutée au monde du jeu vidéo ?

Julian Alvarez : Pour l'instant, Nintendo n'a diffusé qu'une seule vidéo présentant la future Nintendo Switch. Il est fort probable que d'autres suivront, apportant des éclairages complémentaires sur cette machine. Pour ce qui concerne cette première vidéo, il semble que le wouah effect ne soit pas au rendez-vous. L'accueil du public est pour l'instant mitigé tant auprès des actionnaires comme l'a illustré la chute de 6,55% de l'action Nintendo après présentation de la Switchqu'auprès des joueurs, comme en témoigne par exemple le sondage informel opéré par GameOne durant la Paris Games Week. Il est clair que la rupture proposée par Nintendo avec la Wii s'est essoufflée avec la Wii U. Or, c'est précisément sur ce terrain que Nintendo est attendu car la firme a décidé de ne pas se positionner sur la course à la puissance technologique de ses concurrentes PS4 et Xbox One. L'attente et la pression exercées sur Nintendo est donc importante. Avec la Switch, pour l'instant, cette rupture ne semble pas présente. En outre, aucune alternative n'est pour l'heure proposée par Nintendo pour répondre à la Réalité Virtuelle qui occupe pourtant le devant de la scène. Sur le plan nomade, la Switch peut tirer son épingle du jeu...

Mais les jeunes adultes et les adultes qui sont représentés dans cette première vidéo présentant la Switch utiliseront-ils à la fois leurs smartphones et la Switch pour jouer ? Ce n'est pas certain. Reste le public des enfants qui pour le moment n'a pas encore été mis en scène autour de la Switch. Nous devons voir comment cela sera présenté. Pour ce public, la multiplicité des interfaces entrantes qui se clipsent sur l'appareil pourraient constituer un levier suffisamment fort pour justifier l'achat de la nouvelle console et délaisser sa Nintendo DS ou 3DS... Au-delà de ces considérations autour du terminal, n'oublions pas qu'un autre point à prendre à considération sont les jeux qui seront proposés. Là, Nintendo peut compter sur ses exclusivités (Zelda, Mario...) qui lui garantiront un fond de commerce. Mais attirer les éditeurs tiers sur une nouvelle console est stratégique pour générer des profits. Là, pour l'instant, il convient d'attendre le positionnement des big players pour en savoir davantage. 

Le "duel" entre les jeux vidéos en ligne et les jeux vidéos sur console est-il toujours d’actualité ? Comment les consoles ont-elles réussi à s’adapter à la concurrence de plus en plus forte des ordinateurs ?

Pour l'instant il est probable que l'utilisation du jeu vidéo sous forme de consoles de salon et PC d'un côté et sous forme nomade de l'autre soit toujours d'actualité pour un bon moment. Il semble cependant que les consoles nomades souffrent de plus en plus de la concurrence des smartphones et des tablettes qui représentent désormais des terminaux très aboutis pour jouer. Avec la Switch, Nintendo semble vouloir faire le grand écart entre les appareils de salon et les appareils nomades.

L'approche est intéressante, mais il convient dans ce cas de répondre à l'attente de base des deux types de pratiques vidéoludiques : pour la salon, offrir notamment de la puissance technologique, une expérience de jeu associée à du confort (images en haute définition, connexion Internet stable, manettes de jeu ergonomique...) et des interfaces entrantes (Kinect, Wiimote, Playstation Move...) et sortantes (écran auto-stéréo, casque de RV, son 3D...), si possible en évolution ou en rupture avec les générations précédentes.

Pour l'aspect nomade, l'idée est plutôt d'offrir une machine dont la puissance et le confort seront réduits au profit d'une certaine autonomie (proposer un petit écran avec des commandes de jeu simplifiées mais garantir de pouvoir jouer plusieurs heures où l'on veut sans connexion électrique). Pour autant, la rupture peut s'inviter dans le domaine du nomade comme l'illustre l'écran auto-stéréo de la 3DS et l'introduction de la réalité augmentée dans le jeu Pokemon Go. La vidéo présentant la Switch montre clairement le mélange de ces deux modes de jeux : les joueurs passent de l'écran de salon grand format à l'écran nomade, ils passent d'une manette de jeu à de petites commandes d'appoint notamment lorsque l'on joue à plusieurs...

Si côté nomade, la Switch semble tenir le choc en offrant un bel écran nomade de taille respectable avec la possibilité d'associer de multiples interfaces entrantes, le côté salon semble moins probant. En effet, la Nintendo Switch ouvre le bal des consoles de 9e génération. A ce titre, si la puissance technologique et la réalité virtuelle ne sont pas au rendez-vous, cela semble constituer une offre peu crédible à l'heure où Sony sort une PS4 plus musclée avec sa version "Pro" et Microsoft annonce pour fin 2017 sa Scorpio, une déclinaison encore plus puissante de la Xbox One.

Concrètement, quel avenir à court, moyen et long terme peut-on envisager pour les consoles de jeux vidéos ? Quelles sont notamment les innovations possibles à prévoir ?

Pour l'heure, la Switch de Nintendo semble s'inscrire dans la lignée de SEGA qui, en fin de règne dans les années 1990, a sorti successivement les consoles Saturn et Dreamcast. Ces deux machines n'ont pas réussi à s'imposer successivement face à la concurrence. Cela a marqué le coup d'arrêt de SEGA dans l'industrie de la console de jeu. Mais avant d'en arriver à cet extrême, l'accueil mitigé de la Switch est peut-être l'occasion pour Nintendo de revoir sa stratégie. Par exemple, Nintendo peut éventuellement cibler de manière claire et plus marquée son coeur de cible : les enfants. Ces derniers sont en effet peut-être moins regardants sur la puissance technologique comme peuvent l'être les jeunes adultes et les adultes. Il y a aussi des concepts de jeux avec des gameplays innovants à proposer qui peuvent faire adhérer à la Switch. C'est ce qui a fait le succès de la NES au milieu des années 1980 avec Mario ou très récemment de Pokémon Go avec le succès qu'on lui connaît... La première vidéo de la Switch ne fait pas réellement état de jeux aux gameplays novateurs. C'est même l'inverse : le jeu mis en avant dans la vidéo, Skyrim, est déjà un ancien titre. Quant au nouveau Zelda présenté au dernier E3, il n'a pas marqué par des innovations majeures. Il intègre plutôt des concepts éprouvés par d'autres jeux du même genre. Il convient à présent de voir si des nouveaux concepts de gameplay proviendront de la pléthore de manettes qui se clipseront sur l'écran de la Switch dans les semaines à venir.

En attendant, si nous nous sommes focalisés sur le marché du divertissement, n'oublions pas le marché du Serious Game. Dans le domaine de la santé, la Switch répond sans doute à des besoins que n'offrent pas les consoles concurrentes en proposant notamment la possibilité de modifier les interfaces entrantes pour les adapter à des besoins spécifiques de patients : rééducation fonctionnelle, accessibilité, public sénior... Cela s'inscrirait dans la même logique que la Wii qui depuis 2007 s'est ainsi introduite dans bon nombre de maisons de retraite ou services hospitaliers via la Wii Balance Board notamment. En parallèle, la Nintendo DS a ouvert un segment porteur avec le marché du Brain Fitness via le Dr Kawashima notamment. Cela constitue toujours des marchés à exploiter car les demandes semblent toujours au rendez-vous, notamment auprès des seniors. Dans le domaine de la culture, la Nintendo DS s'est positionnée dans des musées comme le Louvre. La Switch pourrait suivre le même chemin. En visant ainsi des marchés qui s'écartent du seul divertissement et en ciblant des publics plutôt délaissés par la concurrence (enfants, seniors, patients, personnes en situation de handicap...), Nintendo pourrait alors générer des profits qui lui permettraient de se démarquer de la concurrence. Big N pourrait ainsi conserver sa philosophie visant à sortir des sentiers battus. Pour autant, rien n'empêche Sony et Microsoft de s'inscrire également dans cette mouvance. La réalité virtuelle répond en effet à des besoins au niveau de certains patients qui peuvent occulter la douleur en s'immergeant dans des serious games dédiés.

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