Pape François : ce que le souverain pontife pense de l'économie, et ce qu'il pourrait en penser<!-- --> | Atlantico.fr
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La critique romaine du capitalisme s'est accentuée depuis la crise financière internationale, avec l'encyclique de Benoît XVI "L'amour dans la vérité".
La critique romaine du capitalisme s'est accentuée depuis la crise financière internationale, avec l'encyclique de Benoît XVI "L'amour dans la vérité".
©Reuters

Le nettoyeur

L'élection du pape François changera sans doute beaucoup de choses, mais à l'heure actuelle, il est peu probable qu'il change la vision économique de l'Eglise.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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L'Archevêque argentin, Mgr Jorge Mario Bergoglio avait les opinions sur l'économie répandues dans ce pays : hostilité au FMI après la crise de la dette argentine (oubliant que cette crise fut créée par l'Argentine elle-même, en fixant sa monnaie au dollar), et plus généralement rhétorique contre le “néolibéralisme” et le libre-échange. Il était en ligne avec une synthèse vaticane qui critique à la fois les excès (ou pas seulement les excès) du capitalisme et le crypto-marxisme de la théologie de la libération. La critique romaine du capitalisme s'est accentuée depuis la crise financière internationale, avec l'encyclique de Benoît XVI L'amour dans la vérité, très critique à l'encontre de la mondialisation et de la finance.

La vision de l'économie qui ressort du Vatican depuis le Concile Vatican II se limite souvent à la vision des démocrates-chrétiens et des sociaux-démocrates de l'Europe de la deuxième moitié du XXe siècle (et pas par hasard, c'est de ce contexte que sont issus la plupart des penseurs économiques actuels de l'Eglise) : un peu de libre-entreprise, mais pas trop ; un peu de syndicalisme, mais pas trop ; un peu de redistribution fiscale, mais pas trop. Cette vision a beaucoup d'arguments pour elle, mais est-elle encore adaptée à la réalité du XXIe siècle, où la mondialisation est une réalité et l'innovation une nécessité ?

La philosophie de la doctrine sociale de l'Eglise est beaucoup plus riche que cette synthèse qui peut en émerger. Si le nouveau pape veut adapter cette doctrine au XXIe siècle, il y a déjà beaucoup d'outils qui peuvent l'y aider.

Premier exemple : la subsidiarité. La subsidiarité est un principe qui veut qu'une décision doit être prise par l'entité la plus petite à même de résoudre le problème. Cette très vieille doctrine de l'Eglise date de l'effondrement de l'Empire romain, où l'Eglise s'est soudain trouvée la seule entité administrative encore intacte. La subsidiarité n'est pas seulement une règle de prudence politique, c'est une sage reconnaissance de ce que doit être l'humilité humaine.

La subsidiarité a également des implications pour l'économie. La vision de l'économie de Hayek se fonde sur les imperfections d'informations qui sont dans l'économie. Un grand planificateur central (qu'il soit public ou privé) ne peut tout simplement pas avoir assez d'informations sur tout ce qu'il gère pour distribuer efficacement les ressources. Parce que nous avons tous une information imparfaite, les décisions économiques doivent être prises au plus petit échelon : l'individu d'abord, le marché et l'entreprise ensuite. Cette vision de l'économie est une conséquence logique du principe de subsidiarité bien compris.

Deuxième exemple : le distributisme. Cette école de pensée catholique date du début du XXème siècle, pour tracer une “troisième voie” entre marxisme et capitalisme débridé. L'idée centrale du distributisme est de répandre la propriété des moyens de production le plus possible dans la société afin de permettre l'indépendance de chacun et d'empêcher la domination, à la fois de l'Etat ou des grandes entreprises.

Certaines idées du distributisme, comme le retour des guildes, sont anti-économiques (les guildes créent une barrière à l'emploi et réduisent le pouvoir d'achat). Mais le principe général, ainsi résumé par GK Chesterton : “Trop de capitalisme ne signifie pas trop de capitalistes, mais pas assez” est très riche.

Avec internet où chacun peut devenir marchand sur eBay ou auteur sur Kindle, et où les barrières à l'entrée à l'entrepreneuriat sont plus que jamais réduites, la vision distributiste est plus que jamais pertinente. A contrario, notre système financier corporatiste, où l'Etat subventionne les grandes banques et les protège de la concurrence, bénéficierait d'une bonne dose de distributisme. 

On pourrait disserter très longuement sur la richesse de la doctrine sociale de l'Eglise. L'idée n'est pas que l'Eglise devrait être “plus libérale” : même si le libéralisme est bon, il est utile d'avoir des prophètes pour nous rappeler les dangers de l'argent. L'idée est de constater que la pensée catholique sur l'économie a une richesse insoupçonnée et peut être parfaitement pertinente aux défis du 21ème siècle. Mais celle-ci préfère trop souvent rester sur des rails très prévisibles (pour caricaturer : “le capitalisme financier néo-libéral c'est mal mais on est pas des communistes non plus”) plutôt que d'être un vrai signe de contradiction et de contribuer des idées vraiment nouvelles au débat économique, qui en a bien besoin.

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