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Ne désinfectez plus votre maison ! Une étude américaine montre que les produits chimiques du quotidien polluent désormais autant que les voitures
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Au fur et à mesure que les voitures devenaient moins polluantes, la pollution chimique occasionnée par les produits chimiques comme les pesticides, les produits d'entretien ou les parfums d'ambiance augmentaient, selon une étude de l'université du Colorado.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Une étude menée par le professeur Brian McDonald de l'université du Colorado s'est intéressée aux mutations de la pollution de l'air. Résultat : au fur et à mesure que les voitures devenaient moins polluantes, la pollution chimique occasionnée par les produits chimiques comme les pesticides, les produits d'entretien ou même les parfums d'ambiance augmentaient. Quel est l'impact de cette pollution au niveau environnemental et au niveau de la santé ?

Stéphane Gayet : La pollution de l’air intérieur de nos habitations a beaucoup augmenté ces dernières années.En effet, beaucoup de progrès ont été accomplis en matière de réduction de la pollution générée par les véhicules à moteur thermique alimenté par des carburants dérivés du pétrole. Mais il ne faut pas oublier que le nombre de voitures et de camions en circulation augmente constamment.

Pendant ce temps, la pollution interne de nos habitations a considérablement crû. On peut distinguer les polluants internes selon leur source et leur nature.

Selon leur source, il y a les polluants provenant de l’air extérieur : particules fines, ozone, dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, hydrocarbures, pollens, poussières végétales et minérales, spores de champignons ; les polluants liés à notre habitation : murs, sols, plafonds (peintures, revêtements, colles, liants, agents plastifiants, antioxydants, anticorrosion, conservateurs, agents de finition), tapis, canapés, fauteuils, moquettes, literie (acariens), animaux, chaudière à gaz, fuel, charbon ou lignite, chauffe-eau, climatiseur, voiture dans un garage en sous-sol, imprimantes à laser, moteurs électriques ; les polluants liés à nos activités : cuisine, bricolage, tabagisme, encens, bougies, huiles essentielles, entretien avec des produits détergents et désinfectants, entretien des vêtements (pressing, lessives, eau de repassage parfumée), désodorisants.

Selon leur nature, il y a les polluants chimiques : hydrocarbures, aldéhydes, oxydes de carbone, oxydes d’azote, oxydes de soufre, alcools, chlore (eau de Javel), éléments simples (métaux et autres) ; les polluants végétaux : pollens, spores de champignons et champignons (mérule, moisissures) ; les polluants animaux : acariens, poils de chat et de chiens, rongeurs, déjections de petits animaux, moucherons microscopiques ; les polluants particulaires : poussières minérales, particules fines PM 2,5, PM 5 ; les polluants radioactifs et électromagnétiques : radon (massifs granitiques), ondes électromagnétiques (four à microondes, plaque à induction, wifi, ordinateurs, imprimantes à laser).

Du côté des fabricants, c’est une aubaine. Les produits à usage professionnel sont de plus en plus réglementés et contrôlés ; les produits à usage personnel ou domestique le sont beaucoup moins. Les ménages subissent une pollution plus ou moins éclairée en achetant des produits chimiques (entretien, désinfection, désodorisation, diffusion de parfums, bricolage…) et souvent aveugle en achetant des meubles et des revêtements de sol et de mur. Sans parler du chauffage polluant ni des animaux.

La pollution de l’air intérieur de nos habitations est une source de pollution atmosphérique et hydrique.

En plus du fait que cette pollution interne multi composite empoisonne littéralement l’air de nos habitations, elle finit par sortir et se retrouver dans l’air atmosphérique. De surcroît, beaucoup de produits chimiques toxiques sont éliminés dans nos canalisations d’eaux usées qui vont polluer le sol, les nappes phréatiques et finalement les cours d’eau. Il va sans dire que les stations d’épuration font ce qu’elles peuvent, mais que leur efficacité est forcément limitée et que bien des polluants leur échappent (micropolluants notamment : dioxines…).

L’impact de cette pollution chimique domestique est non négligeable et réellement préoccupant.

On peut distinguer cinq types schématiques d’effets sur la santé.

Les effets bénins à court terme sont les suivants : irritation oculaire, nasale, buccale, pharyngée, laryngée, céphalées, démangeaisons, toux, éternuement, écoulement nasal, larmoiement, fatigue, troubles du sommeil.

Les effets à moyen terme sont les suivants : facilitation des infections respiratoires aiguës virales (rhinite, conjonctivite, pharyngite, laryngite, trachéite, bronchite).

Les effets sensibilisants et allergisants sont les suivants : augmentation des phénomènes allergiques (conjonctivite, rhinite, asthme bronchique, eczéma).

Les effets carcinogènes (ou cancérigènes) sont les suivants : cancer bronchique (hydrocarbures), cancer du nasopharynx (formaldéhyde ou formol), pour ne citer que les plus évidents ; car il y a aussi le foie et le rein qui sont des organes épurateurs.

Les intoxications aiguës plus ou moins graves sont les suivantes : intoxication au monoxyde de carbone (CO : céphalées, asthénie, gêne respiratoire, anxiété, nausées, étourdissements) ; ozone ; huiles essentielles ; hydrocarbures.

Pourquoi constate-t-on peu d'intérêt pour cet aspect de la pollution ?

Cette pollution est peu perceptible, insidieuse et peu étudiée à la différence de la pollution atmosphérique.

La majorité des produits toxiques qui se trouvent dans notre air intérieur nous sont imperceptibles. Lorsque nous entrons dans un appartement neuf ou rénové, une maison neuve ou rénovée ou un véhicule neuf, nous percevons des odeurs fortes, mais pas désagréables : elles sont liées à tous les produits volatils qui se trouvent dans les constituants et les revêtements. La plupart sont toxiques, mais pas à court terme, sauf dans le cas de sujets allergiques ou de très jeunes enfants.

On a tendance à se plaindre de ce qui vient de l’extérieur, car c’est « La faute aux pouvoirs publics ».

Beaucoup de mesures de la pollution atmosphérique sont effectuées dans les grandes villes, mais qui va donc venir mesurer la pollution dans chaque habitation ? Il est possible de la faire mesurer, mais c’est en général payant ou alors cela entre dans le cadre d’une opération commerciale. Et puis ces contrôles domestiques sont très limités : CO2, CO et formol en général. Ce sont trois marqueurs de pollution interne, certes, mais ils sont loin de refléter l’ensemble du risque chimique à l’intérieur de notre habitation.

Nous avons de toute façon tendance à chercher un coupable dans tout ce qui ne va pas, un coupable extérieur à nous. Nous dénonçons la pollution atmosphérique, mais à qui se plaindre en cas de pollution intérieure ? Dans le cas d’une location, on peut toujours essayer de se plaindre auprès du bailleur… qui va s’adresser au syndic… le cas échéant. Qui va aller se plaindre auprès d’une entreprise de rénovation intérieure que son jeune enfant est devenu asthmatique depuis cette rénovation ?

Qu'est-il urgent d'arrêter de faire ? De quel produit peut-on aisément se passer qui est nocif pour l'environnement et la santé ?

Nos habitations « modernes » sont devenues des concentrés de produits chimiques volatils.

Nous sommes victimes de la publicité et de la force de vente. La très grande majorité des produits d’entretien (sols, sanitaires, éviers, paillasses, meubles…) est toxique, et cela inutilement. La désinfection de nos intérieurs est inutile et toxique. Elle nous empoisonne et n’évite aucune maladie. L’eau de Javel est un excellent désinfectant, mais très toxique. Son emploi domestique ne se justifie pas le plus souvent, sauf peut-être pour son effet blanchissant. L’usage forcené des produits désinfectants est devenu très à la mode : les fabricants et les revendeurs ont abusé de notre crédulité. Nous ne sommes plus au temps de la peste, du choléra ni du typhus. Ces produits nous empoisonnent, mais ne nous protègent pas, au contraire. Les produits chimiques pour l’entretien et la rénovation des parquets et des meubles sont en général riches en produits toxiques volatils. Lorsque nous faisons entretenir des textiles dans un pressing, ils reviennent chargés en produits très toxiques. Les parfums d’ambiance et les huiles essentielles sont des produits à utiliser avec beaucoup de parcimonie, car eux aussi toxiques. Tous les meubles neufs, surtout en mélaminé, contreplaqué, aggloméré… sont toxiques, car ils relarguent dans l’air beaucoup de produits volatils dangereux. Et sans parler des peintures ni des vernis…

Il est urgent de cesser de polluer notre air intérieur avec des produits toxiques qui sont souvent inutiles.

En somme, nettoyer sans désinfecter, entretenir sans chercher à tout prix à obtenir l’éclat du neuf, limiter les rénovations et les achats de meubles neufs et aérer au moins une fois par jour l’intérieur de nos habitations : voilà des mesures qui peuvent contribuer à assainir notre air intérieur. Les meubles d’occasion sont à la fois moins coûteux et plus sains. Les habitations d’occasion aussi, mais à condition de ne pas les rénover du sol au plafond. Évidemment, les industriels et les professionnels du bâtiment vous diront le contraire, mais c’est leur gagne-pain qui est en jeu. Dans l’article cité en référence, il est en effet écrit que les industriels contestent les conclusions de l’étude en question. Bien sûr, ce n’est pas nouveau. Chacun défend ses intérêts et les personnes habiles et documentées savent très bien argumenter. Il existe du reste encore des personnes pour prétendre que la fumée de tabac n’est pas si dangereuse que l’on veut bien le dire.

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