La session extraordinaire, les devoirs de vacances des parlementaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Elisabeth Borne s'exprimant à l'Assemblée nationale lors de la réforme des retraites.
Elisabeth Borne s'exprimant à l'Assemblée nationale lors de la réforme des retraites.
©ALAIN JOCARD / AFP

Chroniques parlementaires

Les députés et sénateurs travaillent plus longtemps que prévu cet été avec les nombreux projets de réformes du gouvernement. Le Parlement est convoqué en session extraordinaire depuis le 3 juillet.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le temps parlementaire est strictement encadré, et les assemblées ne se réunissent pas de plein droit, quand elles en ont envie. Le calendrier est rythmé par les sessions, avec une session ordinaire, qui va du 1er octobre au 30 juin. Le reste du temps, députés et sénateurs ne sont pas censés siéger, sauf si le gouvernement le leur demande, en convoquant une session extraordinaire.

En session extraordinaire, le gouvernement dispose de tout le temps : pas de niches pour les propositions de lois, pas de création de commission d’enquête ni de semaines de contrôle. La seule obligation est d’avoir une séance de questions au gouvernement par semaine. C’est aussi le gouvernement qui prend, seul, la décision de convoquer ou pas, et fixe la liste des textes qui doivent être examinés. La convocation se fait par décret, qui contient la liste des textes, la session se terminant quand tout a été examiné et voté. Mais le gouvernement peut décider de clore la session avant, en prenant un décret de clôture. Il y a toujours, après le 14 juillet, ce petit parfum de chantage aux vacances de la part du gouvernement aux parlementaires : Si vous ne voulez pas siéger en août, accélérez le rythme !

C’est un mécanisme beaucoup plus confortable, pour le gouvernement, qui risque beaucoup moins d’être débordé par les initiatives parlementaires. Généralement, on a une session extraordinaire en juillet, qui va globalement jusqu’au 25 juillet, voire exceptionnellement début août. En septembre, le gouvernement convoque généralement les députés pour deux semaines, pour laisser du temps aux traditionnelles “journées parlementaires” qui sont des moments politiques importants, souvent délocalisés. Les socialistes ont très longtemps organisé ce grand ragoût médiatique de rentrée à La Rochelle.

Cette année est un peu particulière, car il y a des élections sénatoriales le 24 septembre. C’est donc délicat, si ce n’est impossible politiquement, de demander aux sénateurs de siéger, alors que certains sont dans la dernière ligne droite de leur campagne de réélection, ou pour d’autres, sont déjà en train de vider le bureau et de faire les cartons. Il est possible de ne convoquer que les députés, et pas les sénateurs, mais là encore, c’est politiquement délicat, les députés pouvant réagir à l'actualité, avec la séance de questions, mais pas les sénateurs. On pourrait donc, cette année, ne pas avoir de session en septembre.

Aujourd’hui, cette distinction n’a pas beaucoup d’enjeux, car la session ordinaire couvre l’essentiel de l’année. Mais avant la création de cette session unique, en 1995, il y avait deux sessions ordinaires, l’une allant du 1er avril au 30 juin, et l’autre du 1er octobre au 31 décembre. Il y avait donc 6 mois de l’année où les députés ne siégeaient pas, et ne pouvaient donc pas exercer leur pouvoir de contrôle, sauf si le gouvernement le voulait bien…

Depuis 2022, un petit enjeu supplémentaire s'ajoute, concernant l’article 49.3. La constitution prévoit qu’il ne peut être utilisé qu’une seule fois par session, pour un texte non financier. Si dans l’esprit du constituant, le “mot session ordinaire” est sous-entendu, la lettre dit “une fois par session”, ce qui pourrait donner l’idée au gouvernement d’interpréter cela comme la possibilité de l’utiliser aussi en session extraordinaire, et donc d’avoir plusieurs jokers au lieu d’un seul.

Ce système peut apparaître étrange, voire anachronique, et s’explique par des raisons historiques. Les parlements se sont imposés contre le pouvoir royal, qui a été obligé d’accepter cette forme de contrôle. Dès le début, les pouvoirs des parlements ont été considérés comme limités dans le temps : le roi convoque un parlement, qui disparaît une fois les décisions prises (en général des autorisations de lever les impôts). A aucun moment, il n’a été question pour le pouvoir exécutif d’accepter l’existence d’un pouvoir concurrent permanent, pouvant se réunir de plein droit. Si les assemblées ont conquis une autorité et une place importante dans les dispositifs constitutionnels, cette organisation en session subsiste, comme une survivance historique.

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