Guerre d'Algérie, la fin des passions ? Pour la 1ère fois, une (petite) majorité de Français se prononce en faveur d'excuses officielles sur les exactions commises par l'armée française pendant le conflit<!-- --> | Atlantico.fr
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Si la guerre d'Algérie est terminée depuis désormais un demi-siècle, elle n'en demeure pas moins plus fraîche que la seconde guerre mondiale dans les esprits. Elle affleure toujours régulièrement dans le débat.
Si la guerre d'Algérie est terminée depuis désormais un demi-siècle, elle n'en demeure pas moins plus fraîche que la seconde guerre mondiale dans les esprits. Elle affleure toujours régulièrement dans le débat.
©wikipédia

Politico Scanner

Selon un sondage IFOP réalisé pour TSA, une majorité de Français se prononce aujourd'hui en faveur d'excuses à l'égard du peuple algérien, pour les exactions commises durant la guerre d'Algérie. La question continue cependant de cliver dans l'opinion et sur la scène politique.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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(Sondage IFOP pour TSA, cliquer pour agrandir)

On constate que plus de 50 ans après la fin de la guerre d'Algérie, le sujet demeure extrêmement sensible dans l'opinion publique. Le pays est encore littéralement coupé en deux sur la question de l'expression d'une forme de repentance ou d'excuse vis-à-vis des exactions commises par l'armée française sur le théâtre algérien. Récemment, François Hollande s'est rendu à Montreuil-Bellay dans un camp d'internement de gens du voyage. Il s'y est exprimé sur les crimes et les exactions commises par Vichy pendant l'occupation. N'oublions pas non plus le discours de Jacques Chirac au Vélodrome d'Hiver. Tout cela renvoie à la question de la mémoire historique, à celle de la trace laissée par les événements dans les mémoires collectives ainsi qu'à la capacité d'une société et de ses représentants à revenir sur un passé douloureux.

Dans le cas présent, on constate que le pays est très divisé sur l'opportunité que représente ce genre de décision. Il a fallu énormément de temps pour qu'un gouvernement français s'engage dans ce type de commémorations ou de reconnaissance, après la seconde guerre mondiale. Le discours de Jacques Chirac au Vélodrome d'Hiver a lieu en 1995. Celui de François Hollande à Montreuil-Bellay est encore tout récent. Certes, la guerre d'Algérie est terminée depuis désormais un demi-siècle. Elle n'en demeure pas moins plus fraîche que la seconde guerre mondiale dans les esprits. Elle affleure toujours régulièrement dans le débat : les relations franco-algériennes sont toujours un sujet éminemment sensible. Il y a quelques mois elles constituaient d'ailleurs l'objet d'une passe d'arme entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la primaire de la droite. Il s'agissait alors de reconsidérer le traitement privilégié des demandes de visa de ressortissants algériens, jusqu'à présent justifiée par l'histoire commune entre nos deux pays. 

Cette mémoire est donc encore très présente. Elle a de nombreuses implications politiques. Rappelons-nous les mesures fortes que voulait Patrick Buisson et qu'il a tenté d'imposer à Nicolas Sarkozy entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2012. Tout cela nous renseigne évidemment sur ce que certains appellent le passé "rétro-colonial". Il est encore très présent dans les esprits et les mémoires collectives.

Quand on regarde dans le détail des résultats, il est tout à fait fascinant de voir à quel point les résultats sont corrélés selon deux variables : d'une part la sensibilité politique et d'autre part l'âge. Cela renvoie à ce que nous évoquions précédemment, avec le rôle du temps qui passe dans la capacité d'un certain nombre de sociétés à faire ou non acte de repentance. On le voit très clairement dans les chiffres détaillés du sondage : les jeunes générations sont aux deux tiers favorables à une telle décision. En revanche, plus on monte en âge, plus on se rapproche des générations qui ont été contemporaines des événements de la guerre d'Algérie, plus l'hostilité est massive. Chez les 65 et plus, on compte deux tiers d'opposés. Le temps doit faire son travail. Petit à petit, alors que les générations se renouvellent, les regards et les jugements sur la question évoluent. Manifestement, plus de cinquante ans après, la société française est toujours très partagée sur la question, au moins en termes générationnels. D'un côté, tous ceux qui ont vécu la situation sont massivement opposés et pensent que les "torts" sont partagés – les exactions étaient courantes des deux côtés. Dans ce cadre-là de nombreux seniors ne sont absolument pas favorables à ce que la France reconnaisse de manière unilatérale une responsabilité particulière. A l'inverse, les générations qui ont suivi sont beaucoup plus ouvertes sur cette question.


(Sondage IFOP pour TSA, cliquer pour agrandir)

On retrouve le même type de clivage, et c'est là que c'est intéressant, en fonction des sensibilités politiques. Cela traduit évidemment que le fait d'avoir été exposé ou non aux événements n'est pas le seul facteur. De manière assez attendue et classique, on constate un clivage gauche-droite très marqué. D'une part on rencontre une gauche très favorable à une action de repentance sur le conflit algérien. La droite, et a fortiori le FN, sont vent debout contre une telle décision. Cela renvoie par exemple à la décision de Robert Ménard de débaptiser la rue 19 mars 1962 pour lui donner le nom de Elie Denoix de Saint-Marc, qui était un officier supérieur de la légion étrangère et qui a participé au putsch d'Alger. Cette mémoire, politiquement, est toujours très chargée d'affect. Et ce, pas uniquement pour le Front National ! Les sympathisants des Républicains sont tout à fait opposés dans des proportions très importantes à de telles initiatives.

Nous évoquions Jacques Chirac et François Hollande tout à l'heure… Clairement il apparaît que de telles décisions, prises par des présidents de la République, engagent le pays tout entier. Ces décisions constituent des événements marquants historiquement, dans la mesure où il s'agit de solder – ou d'essayer, tout du moins – des contentieux. Cependant, ils n'ont pas une importance pour les seuls historiens ou la seule mémoire collective : ils répondent d'une dimension éminemment politique, au sens le plus contemporain du terme. Manifestement, la question algérienne continue d'être un sujet de controverse et d'antagonisme très clair entre la gauche et la droite.


(Sondage IFOP pour TSA, cliquer pour agrandir)

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