Frange centriste ou aile droite : quel est l'électorat le plus captif à droite ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Tous les électorats sont caractérisés par de véritables "bastions" sociologiques.
Tous les électorats sont caractérisés par de véritables "bastions" sociologiques.
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Tous les électorats sont caractérisés par de véritables "bastions" sociologiques. A droite, ils se distribuent entre travailleurs indépendants, agriculteurs, professions libérales et catholiques, notamment pratiquants. Reste l'électorat volatil et l'ouverture au second tour de la présidentielle qui contraindra la droite à reconquérir des électeurs du FN sans perdre ceux du centre.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Quels sont les profils socio-professionnels types de l'électorat de droite qui votera mécaniquement pour le candidat UMP en 2017, qu'il s'agisse d'Alain Juppé ou de Nicolas Sarkozy, et quel que soit le programme politique ?

Bruno Cautrès : Tous les électorats, et pas seulement celui de la droite, sont avant tout caractérisés par de véritables « bastions » sociologiques. Ces bastions sont composés d’électeurs dont l’attachement à leur famille politique est de longue durée, le fruit de socialisations politiques de long terme qui remontent parfois même au climat politique de sa famille, aux caractéristiques du lieu où l’on a découvert la politique pendant son adolescence. Le milieu social, la catégorie sociale, la religion ou le niveau de diplôme agissent comme de puissants facteurs explicatifs du vote.

Pour la droite le premier bastion sociologique est celui des travailleurs indépendants. Les agriculteurs mais aussi les patrons, les professions libérales et les commerçants et artisans. Ils sont attachés à la liberté d’entreprendre, au patrimoine et à sa transmission, ils considèrent que l’Etat et sa fiscalité sont des entraves à l’activité économique.

Un second bastion sociologique est composé des catholiques, notamment pratiquants : ils défendent les valeurs traditionnelles de la famille catholique, les valeurs du conservatisme, parfois teinté de conservatisme social. Nous sommes ici sur une véritable ligne de faille de la vie politique française où le combat gauche-droite s’est construit également à travers la question du rôle de l’Eglise et de la laïcité.

Au plan géographique, les bastions de la droite, par exemple au centre de la France, en Alsace, dans le Nord-Est ou dans l’Ile de la France élargie, sont toujours là mais ont connu des évolutions : François Hollande a fait fortement progresser le vote de gauche dans la « grande Chiraquie », Marine Le Pen a fortement progressé en Alsace, dans le sud-est et dans le Nord ; le PS a également conquis des terres dans l’Ouest de la France qui a longtemps constituait le cœur de la droite catholique.

Le candidat de la droite de 2017 ne devra pas négliger ces dimensions territoriales, il lui faudra « labourer » le terrain à l’écoute des territoires perdus en 2012 au profit de Marine Le Pen.

Derrière ces évolutions se cache un clivage entre les grandes villes, plutôt à gauche aujourd’hui et les petites villes ou villes moyennes ; la dimension urbaine du vote de gauche reste une question sociologique qui se pose à la droite. De même, la composante la plus populaire de l’électorat s’est assez massivement portée vers le Front national : de quelle manière le candidat de l’UMP va-t-il parler à ces franges de la populations ?

Quelle part de l'électorat de droite représente ces différentes franges de population ?

Ces bastions représentent une part importante de l’électorat de droite. Parmi les catholiques pratiquants, âgés, le vote de droite est très largement dominants par exemple ; de même chez les petits commerçants, même dans un contexte de progression du vote Le Pen.

Au premier tour de la présidentielle de 2012, l’électorat Sarkozy était même assez replié à ces seuls bastions et les salariés, notamment du secteur public ou les milieux populaires lui ont fait défaut.

Quels sont ceux qui constituent un électorat plus volatil ? Et qui pourraient se tourner vers le centre ?

Les électeurs de droite qui sont acquis aux valeurs de la tolérance culturelle (par exemple favorables au mariage homosexuel), ceux qui souhaitent une droite apaisée avec ces questions de société ou ceux qui considèrent que Nicolas Sarkozy est trop « clivant » peuvent être tentés par le vote Bayrou si celui-ci se présente en cas de candidature Sarkozy. Il s’agit d’électeurs plus proches sociologiquement des classes moyennes éduquées de gauche.

Quelle part de l'électorat de droite représentent-ils ?

Cette part est difficile à estimer aujourd’hui. Tout dépendra de trois inconnues : qui est le candidat UMP en 2017 ? y a-t-il ou pas un candidat du centre ? quelle campagne mènera le candidat de l’UMP (peut-être elle-même ‘relookée’) ?

On a vu en 2012 que le terrain perdu par Nicolas Sarkozy dans les milieux et les territoires qui avaient voté Marine Le Pen n’avait pas été compensés par des gains dans les zones de force de centrisme au second tour. D’autre part, on ne sait pas encore grand-chose de l’état d’esprit des électeurs de droite même si l’on peut penser que leur volonté de prendre leur revanche sur François Hollande sera immense.

Quels sont ceux qui pourraient se tourner vers l'extrême droite en fonction du programme politique du candidat UMP ?

Les électeurs qui sont à la fois les plus fragiles socialement et économiquement et ceux qui considèrent qu’entre 2007 et 2012 Nicolas Sarkozy n’a pas été au bout de ses idées sur la fin des 35 heures, la question de l’identité nationale, l’immigration, la réforme de l’Etat. Ces électeurs seraient d’autant plus tentés par un vote Le Pen que la Présidente du Front national est incontestablement dans une logique ascendante depuis 2012.

Un programme se présentant comme très « libéral », à la manière dont François Fillon a présenté ses premières propositions, a toutes les chances de ne pas être entendus des milieux populaires. Il y a donc une mission difficile pour le futur candidat de la droite à la présidentielle : expliquer que la réduction des déficits publics va s’amplifier sans donner le sentiment aux milieux populaires qu’on va les laisser tomber.

A cet égard, un discours combinant le thème égalitaire au thème d’une réorientation des dépenses publiques devra être trouvé. C’est tout le thème de la « réforme de l’Etat », thème sur lequel la gauche hésite également.

Quelle part de l'électorat de droite représentent-ils ?

Une minorité sans doute, mais une minorité pouvant avoir de grandes  conséquences sur la capacité du candidat de droite à gagner

En conséquence, quelles seront les thèmes porteurs pour le candidat UMP ?

Comme tout candidat, le candidat de la droite devra réaliser un grand écart entre l’impératif de rassemblement et de dynamique du second tour et l’impératif d’être très fort dans ses bastions au premier tour. L’élection de notre Président au suffrage majoritaire à deux tours recèle un redoutable piège dans lequel beaucoup sont tombés et qui explique en partie l’ampleur de leur impopularité ensuite : qu’il s’agisse de Nicolas Sarkozy 2007 ou de François Hollande 2012, il sont élus au second tour par un électorat nettement élargi par rapport à leur premier ; cela leur donne l’illusion d’être mandatés pour réaliser leur programme alors que c’est en fait seulement leur électorat de premier tour qui a  validé ce choix.

Les transferts de vote entre les deux tours ne valent pas un chèque en blanc. Prenons l’exemple de François Hollande en 2012 : un tiers des ouvriers a voté Marine Le Pen au premier tour mais une large majorité a voté Hollande au second tour. Ce ne sont pas forcément les mêmes, mais parfois c’est le cas.

Pour le candidat de la droite en 2017, il lui faudra à la fois conserver ses bastions sociologiques (ce qui devrait  être facile pour les franges les plus exposées à la pression fiscale), reconquérir des électeurs qui ont pu voter FN aux municipales ou européennes 2014, ne pas compromettre les reports de voix des électeurs centristes. Une sorte d’Alain Sarkozy ou de Nicolas Juppé, en quelque sorte... A moins que la qualification de Marine Le Pen pour le second tour ne rende l’opération de reconquête de l’Elysée plus simple…

En sachant que plus de la moitié de l'électorat FN souhaite que la droite prenne en compte leurs attentes, est-il entendu que les propositions consensuelles de l'électorat de droite céderont pour partie du terrain à des prises de position plus clivantes ?

Cela dépendra du candidat de la droite, mais il est fort possible que cela soit le cas…

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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