Coup d’Etat au Niger, sommet Russie Afrique à Moscou : et la France dans tout ça ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des partisans des forces de défense et de sécurité nigériennes attaquent le siège du PNDS, le parti du président renversé Mohamed Bazoum, à Niamey, le 27 juillet 2023.
Des partisans des forces de défense et de sécurité nigériennes attaquent le siège du PNDS, le parti du président renversé Mohamed Bazoum, à Niamey, le 27 juillet 2023.
©AFP

Géopolitico Scanner

La France « ne reconnaît pas les autorités » issues du putsch mené par le général Abdourahamane Tchiani et considère Mohamed Bazoum, « démocratiquement élu », comme « le seul président de la République du Niger », a indiqué vendredi le ministère français des Affaires étrangères.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : Au lendemain du coup d'Etat au Niger et du sommet Russie-Afrique à Moscou, le Mali vient de décider de renoncer au français comme langue officielle. Ces événements ne marquent-ils pas une perte d'influence de la France en Afrique ? La France a-t-elle encore un rôle à jouer sur ces questions et sur la scène internationale ?

Michael Lambert : La Russie est en confrontation avec les Etats-Unis, mais aussi avec des acteurs influents à l'echelle régionale, c'est le cas de la France en Afrique. 

Pour le Kremlin, l'influence de la France en Afrique représente un obstacle au renforcerment des relations Russo-Africaines, qui visent a controler des ressources strategiques dont dependent les pays occidentaux, c'est le cas de l'uranium au Niger.

Les pays africains sont en outre plus réceptifs à la propagande russe, en raison d'un passé colonial qui pénalise les européens, et c'est dans ce contexte que le groupe Wagner est parvenu à s'implanter en République centrafricaine, au Mali, pu encore au Mozambique (avant de s'en retirer pour laisser place a l’Afrique du Sud). Il convient par ailleurs de rappeler que si le groupe Wagner a joué un rôle primordial pour Moscou, le gouvernement russe dispose en parallèle d'une stratégie de soft power et d'alliés dans la région, dont le Burkina Faso.

Lors du sommet Russie-Afrique de 2023, la Russie a annoncé qu'elle offrirait des céréales à plusieurs pays africains, un paradoxe quant on sait que ces derniers ont été les premiers à souffrir de l'invasion de l'Ukraine et de l'absence d'approvisionnement depuis la mer Noire.

En définitive, ce n'est pas tant que les pays africains n'apprecient plus autant la France, mais davantage un choix pragmatique, la France n'étant pas en mesure d'apporter une aide alimentaire et énergétique comparable à celle de la Russie.

Dans la mesure ou la France ne peut contrer l'influence de la Russie en Afrique, elle aurait interet a s'allier avec d'autres pays de l'Union européenne, le plus rapidement possible, pour developer de nouvelles strategies d’influence.

Toutefois, à long terme, l'influence russe n'est pas appelée à durer, pour la simple raison que la Russie offre des solutions temporaires aux pays africains en crise. En effet, à long terme, c'est la Chine qui prendra le pas sur la Russie, car elle offre des réponses plus pérennes.

Quelles sont les conséquences, parfois insoupçonnées, de la perte d'influence de la France ?

La perte d'influence de la France face à la Russie et à la Chine est patent. On le constate au Mali, où les troupes françaises se sont retirées au profit du groupe Wagner, au Niger, avec le coup d'Etat qui va mettre à mal la production d'électricité française (1/3 de l'approvisionnement en uranium de la France provient de ce pays), ou encore au Togo, qui vient de rejoindre le Commonwealth en juin 2022.

En somme, le retrait de la France est l'occasion pour un certain nombre d'acteurs, au premier rang desquels la Chine, mais aussi la Russie et la Grande-Bretagne, pour n'en citer que quelques-uns, de prendre le relais. Loin d'être inquiétant, il s'agit de la poursuite du lent processus de décolonisation entamé après la Seconde Guerre mondiale, et montre que la France est désormais en passe de devenir une puissance régionale et européenne, un processus que d'autres anciens empires, comme les Pays-Bas, ont déjà vécu.

Quel jeu trouble la Russie joue-t-elle réellement en Afrique, notamment à travers le sommet Russie-Afrique, mais aussi à travers l'influence de Wagner sur les intérêts français ?

L'idée du groupe Wagner, du moins jusqu'à récemment, était de créer une Union des pays africains en Afrique subsaharienne, ce qui aurait eu pour effet d'affaiblir l'approvisionnement énergétique de l'Europe et sa machine industrielle, et d'accroître les tensions sociales liées à l'inflation.

Dans les grandes lignes, la Russie tente de repousser la France et la Grande-Bretagne en jouant la carte de la propagande, mais surtout en proposant de fournir aux États africains défaillants de l'électricité et des céréales. En définitive, le véritable problème de l'Afrique réside dans la corruption de ses élites et la pauvreté en général. L'Afrique a tout ce qu'il faut pour réussir, les ressources et la démographie, mais la mauvaise gouvernance reste un obstacle de taille.

Pour la Russie, le continent africain est donc avant tout un terrain propice à l'influence, ce qui explique l'intérêt du Kremlin pour cette partie du monde.

La France a-t-elle encore un rôle à jouer sur le plan diplomatique et géopolitique ? L'influence d'Emmanuel Macron est-elle toujours aussi forte ? Que peut espérer la France ? Le corps diplomatique français à l'étranger est-il toujours aussi efficace, influent et respecté ? Les contrats signés avec l'Inde le 14 juillet dernier ne sont-ils pas porteurs d'espoir ?

La France ne peut continuer à jouer seule le rôle de gendarme de l'Afrique, pour la simple raison qu'elle n'est plus en mesure d'offrir une alternative aux Etats-Unis, à la Chine ou à la Russie. Elle doit donc parvenir a se reinventer au sein de l'Union européenne et de l'OTAN pour conserver son influence.

À cet égard, au retrait de la France de l'Afrique pourrait se substituer une présence européenne (UE), qui semble être la seule alternative face à des géants comme la Chine. Cependant, l'Union européenne dans sa forme actuelle ne saurait s'imposer pleinement. Il est donc temps de réfléchir à l'avenir de l'UE et à son évolution vers une fédération, ou idéalement une confédération sur le modèle de la Suisse.

La France reste naturellement un grand pays, mais le monde dans lequel nous vivons a vu l'émergence de concurrents d'une telle taille, notamment la Chine, qu'elle doit se remettre en question. 

Cette situation n'est pas propre à la France : de nombreux empires européens ont dû s'adapter et renoncer à un statut de puissance internationale au profit d'un statut plus régional. Les Pays-Bas sont le meilleur exemple d'une approche réussie dont la France pourrait s'inspirer.

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