Ces cinq grandes mesures que nous pourrions prendre pour décarboner la production alimentaire mondiale <!-- --> | Atlantico.fr
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L’Université d’Oxford propose des solutions pour contribuer à réduire les émissions de la production alimentaire.
L’Université d’Oxford propose des solutions pour contribuer à réduire les émissions de la production alimentaire.
©LOIC VENANCE / AFP

Atlantico Green

L’Université d’Oxford propose des solutions pour contribuer à réduire les émissions de la production alimentaire via notamment l’augmentation des rendements, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou bien encore de meilleures pratiques agricoles.

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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Atlantico : L’Université d’Oxford via son site d’information de graphique Our World In Data vient de publier 5 propositions afin de contribuer à réduire les émissions de la production alimentaire. Sa première proposition est d’augmenter les rendements, est-ce une bonne solution ? 

Marcel Kuntz : Disons d’abord qu’il est généralement admis que la production des aliments participe significativement à la production mondiale de gaz à effet de serre. Au total, les émissions provenant de l'agriculture et de l'utilisation des terres associées représenteraient aujourd'hui environ un quart du total de toutes les activités économiques. Il faut distinguer les émissions provenant des processus de production végétale et animale, y compris la consommation d'énergie à la ferme, et d’autre part d’autres effets comme le changement d'affectation des terres qui représente une part importante des émissions totales. Donc, si on évite de nouvelles déforestations, on améliorera le bilan carbone apparent de l’agriculture. Et dans ce but, oui, augmenter les rendements est important. Sinon, la population étant en croissance, on ne la nourrira qu’au prix de la conquête de nouvelles terres pour l’agriculture.

Il existe différents paramètres sur lesquels agir, notamment pour éviter des pertes de récoltes qui peuvent être massives dans les pays pauvres. Il faut une utilisation judicieuse de l’irrigation, des variétés génétiquement sélectionnées pour résister aux ravageurs, aux maladies, aux conditions environnementales, etc.

Réduire de moitié le gaspillage alimentaire serait-il efficace ? 

Je ne suis pas climatologue et suis assez sceptique, non pas sur le réchauffement climatique, mais sur la capacité des modèles actuels à lier l’émission mondiale des gaz à effet de serre à une augmentation de la température à un chiffre près après la virgule… En revanche, éviter des gaspillages est toujours une bonne chose, hors de la question climatique. Il ne faut pas oublier que nous allons vers une augmentation significative des prix de l’alimentation. Donc de réduction du pouvoir d’achat. La réduction du gaspillage, quel que soit le niveau, va prendre une importance croissante.

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Dans la production de l’alimentation, on distingue les processus de pré- et post-production. Les premiers sont par exemple la fabrication d'engrais ou la préparation des semences. Les seconds concernent la transformation des aliments, l’emballage, le transport, la vente au détail, la consommation des ménages et l’élimination des déchets alimentaires. On comprend que l’on peut agir à différents niveaux, ce qui est déjà en cours dans les pays riches, et le processus s’amplifiera. Chacun y a intérêt.

Bousculer le régime alimentaire des pays riches vers la consommation de nourritures saines aura-t-il un impact sur l’environnement ? 

Il faudrait définir ce qu’est une nourriture saine. L’alimentation en général est saine (équilibrée), ou non. Un aliment pris individuellement n’est pas sain ou pas sain en soi. Il faut réexpliquer cela sans relâche. De plus, il n’y a aucune raison de se culpabiliser sur la question environnementale.

En effet, les calculs d’une étude polonaise publiée ce mois indiquent qu'en moyenne, les pays de l'Union européenne (à 28) ont réduit l'intensité des émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de production alimentaire lors de la période de 2010 à 2017. Je ne vois donc pas de raison de continuer à culpabiliser les pays de l’UE qui croulent déjà sous les directives, règlements et autres normes.

Cela n’empêche pas de réfléchir, et chacun peut le faire, sur le fait que produire de la viande de bœuf est responsable de plus de production de gaz à effet de serre que d’autres viandes. Je ne crois pas qu’il faille pour autant imposer un régime alimentaire duquel serait bannie la viande de bœuf.

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De meilleures pratiques agricoles sont-elles nécessaires pour décarboner notre alimentation ? 

L'Asie du Sud et du Sud-Est et l'Amérique du Sud seraient les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre liés à la production alimentaire. Il y a certainement dans ces pays des marges de progression importantes. Mais des études alertent sur le fait qu’une politique d'atténuation climatique rigoureuse, si elle est appliquée uniformément dans tous les secteurs et toutes les régions du monde, aurait un impact négatif plus important sur la faim et la consommation alimentaire dans le monde que les impacts directs du changement climatique. Les impacts négatifs seraient plus répandus dans les régions vulnérables et à faible revenu telles que l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud, où les problèmes de sécurité alimentaire sont déjà aigus.

Ces marges de progression sont plus faibles en France et en Europe. Il y a différents modèles économiques quant à l’impact du Pacte Vert de l’Union européenne (qui a un objectif climatique). Certains suggèrent qu’en raison de l’augmentation des prix qu’induiront ces contraintes européennes, une partie des consommateurs se tournera vers des produits d’importation moins chers. Et donc le bénéfice supposé de la décarbonation en Europe sera annihilé. Ce sont des questions complexes et je ne crois pas que des contraintes règlementaires soient la solution. Je crois plus en des innovations, à condition que le précautionnisme européen ne les tue pas, comme il l’a fait pour les biotechnologies végétales…

Le flexitarisme avec un régime riche en plantes a-t-il un effet ? 

Le régime flexitarien, avec une alimentation riche en fruits, en légumes, en légumineuses et céréales, avec une consommation réduite de viande : c’est un peu ce que l’on appelait, avant que le concept soit à la mode, le « régime crétois », dont on a des raisons de penser qu’il est bon pour la santé.

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Peut-être que demain les futurs régimes flexitariens incorporerontdes protéines demicroalgues, insectes, champignons, viande cultivée et viande végétale. Ils impliqueront une faible utilisation des terres (sauf pour la viande végétale), mais aussi une forte demande énergétique. Ces futurs aliments, s’ils sont acceptés par les consommateurs, promettent de soutenir des régimes « durables », mais il est encore trop tôt pour avoir des certitudes en la matière.

On peut donc raisonnablement penser, sur la base de la littérature scientifique, que si les effets d’un régime plus riche en plantes aura un effet positif sur la santé, il n’y a pas de certitudes pour l’environnement.

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