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Voici ce à quoi aurait ressemblé l’Assemblée nationale de 2012 avec ce mode de scrutin.
Voici ce à quoi aurait ressemblé l’Assemblée nationale de 2012 avec ce mode de scrutin.
©Reuters

Promesse 48

François Hollande pourrait selon certaines rumeurs envisager un passage à la représentation proportionnelle intégrale pour l'élection de l'Assemblée nationale. Dans le contexte du renforcement d'une extrême droite déjà durablement installée dans le paysage politique français, les simulations électorales éclairent sur les conséquences possibles d'un tel changement de mode de scrutin.

Laurent de Boissieu

Laurent de Boissieu

Laurent de Boissieu est journaliste politique au quotidien La Croix et fondateur des sites France-politique.fr et Europe-politique.eu.

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2012 : la majorité  introuvable

Avec un FN plus fort qu’en 2007 mais une droite moins forte qu’en 2002, même une hypothétique coalition entre la droite de gouvernement et le FN ne permettrait pas de réunir la majorité absolue des sièges. Affaibli par rapport à 2007, le MoDem ne permettrait pas non plus à la gauche de gouvernement ou à la droite de gouvernement de former une coalition gouvernementale majoritaire. Encore une fois, par défaut la seule solution semblerait résider dans une « grande coalition » entre la droite et la gauche de gouvernement.

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2007 : le centre au centre du jeu

Si ni la droite ni la gauche n’atteignent la majorité absolue des députés (289), une coalition entre la droite et le centre atteindrait relativement confortablement 312 sièges. Cette hypothèse serait d’autant plus facile à mettre en œuvre que le centre, constitué par la MoDem, vient justement de la droite où sont restés une partie des anciens bayrouistes (Hervé Morin, François Sauvadet, Jean-Christophe Lagarde). Fort de ses 19% au premier tour de le présidentielle et des 49 députés de son nouveau parti, le MoDem, François Bayrou serait l’homme fort de la nouvelle coalition, celui sans qui aucune majorité n’est possible.

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2002 : la tentation du FN à droite

Aucune majorité ne se dégage spontanément. L’hypothèse d’une coalition gouvernementale entre la droite de gouvernement et le FN, qui atteindrait tout juste la majorité absolue des sièges, se heurterait certainement au refus d’une partie de la droite, à l’image de ce qui se passa au conseil régional de Rhône-Alpes en 1998. Resterait alors la solution d’une « grande coalition » à l’allemande, associant la gauche de gouvernement et la droite de gouvernement. Cette révolution culturelle en France serait sans doute l’unique moyen d’éviter une crise institutionnelle.

Laurent de Boissieu, fondateur des sites France-politique.fr et Europe-politique.eu

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Méthodologie : proportionnelle intégrale (méthode d'Hondt) à l'échelon national (et non départemental comme aux élections législatives de 1986); sauf rares exceptions (MRG et majorité présidentielle en 1988 et 1993), les regroupements ne correspondant pas à une alliance électorale effective (extrême gauche, divers gauche, divers droite) n'ont pas été pris en compte. Un seuil de 1% des suffrages exprimés a été appliqué.

Avertissement : les simulations électorales sont toujours hasardeuses, notamment parce que les comportements électoraux et la configuration politique dépendent du mode de scrutin; ces projections donnent cependant des ordres de grandeur suffisamment pertinents.

Les perdants : le PS et l’UMP

Les avantages et inconvénients des différents modes de scrutin sont connus. La représentation proportionnelle est la plus électoralement juste, car les sièges sont grosso modo répartis proportionnellement au nombre de voix obtenues. Le mode de scrutin majoritaire, lui, déforme la volonté mathématique du corps électoral mais permet, sauf exceptions, de dégager une majorité nette et donc d’assurer la stabilité gouvernementale. Depuis 1988, la gauche (en 1988, 1997 et 2012) ou la droite (en 1993, 2002 et 2007) ont ainsi à chaque fois remporté une majorité absolue des députés à l'Assemblée nationale.

Or, si on effectue une répartition proportionnelle des sièges à partir des résultats du premier tour des élections législatives depuis 1988, il n’y aurait eu qu’une seule fois sur six où la gauche ou la droite de gouvernement auraient atteint la majorité absolue des sièges (en l’espèce la gauche en 1988). Toutes les autres fois, des négociations, inédites sous la Ve République, auraient été nécessaires afin de dégager une majorité gouvernementale. Une situation courante dans des régimes parlementaires classiques. Mais un retour en France au « régime des partis » auquel Charles de Gaulle avait voulu mettre fin avec les institutions de la Ve République.

Dès lors, tout serait envisageable. D’autant plus que le vote comme l’offre politique dépendent du mode de scrutin : nul ne sait quelle serait l’étendue, dans la perspective d’un scrutin proportionnel à un tour, des deux principales coalitions, celle de droite et celle de gauche. Si le Front de gauche et Europe Écologie Les Verts se sont éloignés du PS, si l’UDI semble aujourd’hui prendre son autonomie vis-à-vis de l’UMP, cela n’a pas toujours été le cas, en particulier lors des législatives passées. Il s’agit là d’une limite de l’exercice de transposition des modes de scrutin. Tout au moins en ce qui concerne les rapports de force internes à la gauche de gouvernement et à la droite de gouvernement, car l’effet d’un changement de mode de scrutin est plus facile à appréhender pour les forces politiques qui proposent une troisième voie indépendante du PS et de l’UMP.

Les gagnants : le FN et le MoDem

L’actuel scrutin uninominal majoritaire à deux tours est un scrutin d’alliance au second tour. Les forces politiques qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas entre les deux tours s’allier avec le pôle de gauche, dominé par le PS, ou le pôle de droite, dominé par l’UMP, se trouvent laminées. C’est en particulier le cas du centre, à équidistance de la droite et de la gauche, et de l’extrême droite, isolée par le « cordon sanitaire » formé par les partis de gouvernement.

Le premier bénéficiaire d’un passage à la représentation proportionnelle intégrale serait en effet le Front national. Depuis les élections législatives de 1988, l’extrême droite est épisodiquement représentée au Parlement, et de façon marginale : une députée en 1988 (Yann Piat, qui quittera le FN dès octobre 1988) puis en 1989 à l’occasion d’une législative partielle (Marie-France Stirbois) ; un élu en 1997 (Jean-Marie Le Chevallier, dont l’élection sera finalement invalidée) ; trois élus en 2012 (Marion Maréchal - Le Pen, Gilbert Collard et Jacques Bompard). Avec la représentation proportionnelle, en revanche, le FN aurait continuellement bénéficié d’un groupe parlementaire avec 58 députés en 1988, 82 en 1993, 101 en 1997, 71 en 2002 (auxquels se seraient ajouts six dissidents mégrétistes), 27 en 2007 et 87 en 2012.

Le second bénéficiaire de ce changement de mode de scrutin serait le Mouvement démocrate. Si ce dernier s’est rapproché depuis novembre 2013 de l’UDI, au centre droit, le MoDem est historiquement issu de le la fraction de l’UDF que François Bayrou a détaché de la droite entre 2005 et 2007, votant en 2006 une motion de censure déposée par la gauche contre le gouvernement de Dominique de Villepin puis refusant en 2007 d'appeler à voter pour Nicolas Sarkozy entre les deux tours de l’élection présidentielle. Avec la représentation proportionnelle, son nouveau parti, le Mouvement démocrate, aurait gagné 49 députés aux législatives de 2007, contre cinq au scrutin majoritaire : François Bayrou, Jean Lassalle, Jean-Christophe Lagarde (qui quittera aussitôt l’UDF-MoDem), Thierry Benoit (qui quittera l’UDF-MoDem dès décembre 2007) et Abdoulatifou Aly. En 2012, à la proportionnelle, le MoDem, en perte de vitesse, aurait malgré tout encore conservé 11 députés, contre deux au scrutin majoritaire : Jean Lassalle et Thierry Robert.

2017 : une « grande coalition » face au FN ?

Le passage à la représentation proportionnelle intégrale pour les élections législatives de 2017, ou pour d’éventuelles législatives anticipées en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, pourrait aboutir à une situation inédite en France.

Si l’on se base sur les résultats des élections européennes de mai 2014 et sur les sondages d’intentions de vote pour la présidentielle de 2017, l’offre politique pourrait principalement se résumer à cinq pôles : la gauche de gouvernement autour du PS (dont une partie d’Europe Écologie Les Verts), la droite de gouvernement autour de l’UMP sarkozyste (dont une partie de l’UDI), le Front national, le Front de gauche (élargi à une partie d’Europe Écologie Les Verts) et le centre (MoDem et une partie de l’UDI).

Dans l’état actuel des choses, aucun de ces cinq pôles n’obtiendrait à lui tout seul la majorité absolue des sièges de l’Assemblée nationale. Face à un FN pesant autour de 30% des députés, l’unique coalition gouvernementale possible consisterait à associer la gauche de gouvernement (éventuellement délestée de son aile « frondeuse » antilibérale), le centre et la droite de gouvernement (éventuellement amputée de son aile la plus droitière). Ce serait la concrétisation de l’« UMPS »  dénoncée par Marine Le Pen. Ce serait aussi la réalisation du rêve de François Bayrou d’une majorité centrale, réalisant les réformes libérales découlant des engagements européens de la France mais qu'au pouvoir ni l'UMP ni le PS n'assument jusqu'au bout.

Propos recueillis et mis en forme par Franck Michel / sur Twitter

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