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Alexa ou Siri, s’il vous plaît... Les femmes s’adressent plus poliment aux assistants vocaux que les hommes
©ROBYN BECK / AFP

La Minute tech

D'après une étude du Centre de recherche de Pew, la plupart des utilisateurs d'un boitier intelligent, tel qu'Alexa, termineraient leur demande par "s'il-te-plait".

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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Atlantico : Une étude du Centre de recherche de Pew montre que plus de la moitié des utilisateurs d'un boitier intelligent terminent leur demande par un "s'il-te-plait". Qu'est-ce que cette courtoisie à l'égard d'un objet, aussi doué d'intelligence artificielle soit-il, révèle de notre socialisation envers les technologies ?

Nathalie Nadaud-Albertini : L’étude du centre de recherche de Pew met en évidence une différence genrée concernant notre socialisation envers les technologies, puisque ce sont les femmes qui à 62 % s’adressent à un objet doué d’IA en disant « s’il-te-plaît » et « merci ». Ce résultat renvoie aux stéréotypes genré du rapport des hommes et des femmes vis-à-vis de la technologie. En effet, traditionnellement on considère que la technologie est « virile », « une affaire d’hommes », de sorte qu’il y a souvent chez les hommes une attitude qui considère la technologie comme une évidence. Ainsi face à un objet doué d’IA, les hommes peuvent se dire qu’il va de soi que l’objet leur obéisse.

De plus, cette étude met en évidence un autre stéréotype genré relatif à la technologie. Il est lié au fait que les boîtiers type « Alexa » ont très souvent une voix féminine, ce qui rejoint le stéréotype selon lequel les hommes seraient légitimes à donner des ordres alors que les femmes seraient davantage dans une position de docilité et de mise à disposition de soi pour venir en aide à autrui.

En résumé, la courtoisie ou l’absence de courtoisie avec les objets doués d’IA montre avant tout une socialisation en termes de stéréotypes genrés. 

Peut-on considérer que nos habitudes sociales sont restées inchangées face aux nouvelles technologies ?

Si l’on considère ces habitudes du point de vue des stéréotypes genrés, oui, malheureusement. Mais si on les considère du point de vue des liens que nous permettent de créer les nouvelles technologies, il y a bien une évolution. En effet, grâce aux nouvelles technologies, nous sommes moins tributaires des limites de temps et d’espace que par le passé. On le voit dans le domaine professionnel, notamment avec le télétravail ou les visioconférences. On le constate également dans le domaine de relations amicales. De même, avant les nouvelles technologies, les relations d’amitié passaient beaucoup par des contacts en présence. Aujourd’hui, ils peuvent se faire par échange de messages, d’images, d’émoticônes et de gifs, permettant ainsi à des personnes vivant à distance les unes des autres d’entretenir des échanges plus rapprochés et plus humanisés que ce que la forme épistolaire traditionnelle permet.

En outre, les nouvelles technologies peuvent également permettre de garder ou de renouer des liens autour d’une culture, d’un lieu, d’une langue ou d’une pratique. À titre d’exemple, le Facebook Corscia, u nostru paese met en ligne des photos et des textes (des poèmes notamment) d’habitants vivants ou décédés de Corscia, un village de Haute-Corse. Cette interface numérique permet ainsi à toutes les personnes originaires de ce village, qu’elles vivent en Corse ou appartiennent à la diaspora, de renouer avec la mémoire de ce lieu, tout en gardant un lien avec la langue corse dans laquelle les messages sont rédigés. Un tel monument numérique de mémoire aurait été impossible il y a vingt ans, parce que la technologie ne le permettait pas.

Google a mis en place un système de notation des marques de politesse des enfants, mesure jugée éducative par les parents. Dans quelle mesure peut-on considérer que l'intelligence artificielle interroge le sens que l'on construit autour de l'objet ? 

L’IA interroge le sens que l’on construit autour des objets dans la mesure où la première réaction est de se dire qu’il est étrange de se montrer poli, courtois ou bienveillant envers un objet, parce qu’il est inanimé et donc pas humain. Cependant, si l’on questionne plus avant notre rapport aux objets, nous nous apercevons que nous nous montrons déjà courtois et respectueux envers certains objets : ceux auxquels nous tenons.

En général, nous sommes attachés aux objets que l’on considère soit comme une extension d’une autre personne, soit comme une extension de nous-mêmes. Les premiers peuvent être une photo que l’on garde précieusement en souvenir d’une personne décédée, ou un cadeau fait par une personne à qui on tient. Dans ce cas, nous nous montrons respectueux envers ces objets parce que nous les traitons comme la personne qu’ils représentent pour nous.

Les seconds sont des objets que l’on manie tous les jours et qui sont fondamentaux dans l’exercice de nos activités. Nos outils de travail par exemple. Il arrive souvent que quand un ordinateur « plante », son utilisateur s’adresse à la machine en lui disant « s’il-te-plaît ne me laisse pas tomber », bien que la machine ne puisse pas lui répondre…

Autrement dit, le fait d’interagir avec les objets comme s’ils étaient doués d’une forme d’humanité est une pratique que nous avons déjà. L’existence d’objets faits pour que l’on s’adresse à eux ne fait que mettre en évidence cette pratique et la renforcer. 

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