90% des Français veulent le blocage des prix de l'essence, mais ils sont 60% à ne pas croire à ce miracle<!-- --> | Atlantico.fr
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88 % des Français seraient favorables à un blocage temporaire des prix des carburants.
88 % des Français seraient favorables à un blocage temporaire des prix des carburants.
©Reuters

"Politico Scanner"

Si François Hollande avait promis pendant la campagne électorale un blocage temporaire des prix de l'essence, plus de la moitié des Français pensent qu'il ne pourra pas tenir cette promesse.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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1 – Signe de son importance, le thème de la hausse des carburants occupe une place très importante dans les conversations des Français

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On constate que depuis la rentrée 2005, la thématique de la hausse des carburants a constitué à de multiples reprises un sujet de conversation pour en moyenne près de huit Français sur dix. Cette question du prix de l’essence se situe de ce fait très régulièrement en tête du baromètre Ifop/Paris-Match sur les conversations des Français. Si ce sujet avait perdu en intensité en avril dernier, gageons que la hausse actuelle des prix à la pompe devrait se traduire par une remontée significative de ce thème dans les conversations dans les semaines qui viennent. Dans le détail, on observe que les catégories populaires se montrent plus sensibles à ce sujet que les cadres notamment sur la dernière période. Et si l’importance accordée au sujet varie fortement parmi les conversations de CSP+ (le sujet n’occupant chez eux une place centrale que lors des pics de hausse des prix), elle est constante parmi celles des ouvriers, chez qui ce sujet semble être en permanence un sujet de préoccupation majeur.

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2 – Une hausse des prix qui a déjà modifié les comportements des automobilistes

Face à cette hausse des carburants qui fait régulièrement beaucoup parlé les Français, comment ces derniers réagissent-ils ? Alors que lors d’une précédente flambée des prix à la pompe en début d’année 2000, le réflexe premier consistait à faire jouer la concurrence, il semble que douze ans plus tard, face à un mouvement beaucoup plus structurel et durable, des comportements plus radicaux ont été adoptés. Le fait d’essayer de changer de station-service pour trouver de l’essence moins chère recule de 16 points (passant de 39% à 23%) car une bonne partie des automobilistes a sans doute constaté que les prix s’étaient progressivement alignés partout et ce, à un niveau élevé. Dans ce contexte, 39% d’entre eux (soit une progression de 15 points, quasi symétrique à la baisse constatée sur l’item précédent) indiquent qu’ils utilisent moins leur véhicule.

Dans le détail, les moins de 35 ans, catégorie la plus concernée par les problèmes de pouvoir d’achat, se distinguent en étant plus nombreux à tenter de faire des économies (27% vont changer de station-service, 20% dépenseront moins dans d’autres domaines) mais sont moins enclins à réduire l’utilisation de leur voiture (32%, -7 points par rapport à la moyenne et -18 points par rapport aux personnes âgées, moins dépendantes de la voiture car n’ayant plus à travailler). On retrouve cette tendance chez les professions libérales et cadres supérieurs, encore moins tentés de laisser leur véhicule au garage (29% seulement), contrairement aux inactifs (47%).

La proximité partisane joue également sur ce point précis puisque les électeurs du Front de Gauche et d’Europe Ecologie – Les Verts privilégient nettement la réduction de l’utilisation de la voiture pour combattre la hausse des prix des carburants (à respectivement 57 et 52%) par rapport aux autres solutions proposées, que ce soit par nécessité (seulement 10% des personnes se déclarant proches du FG pensent dépenser moins dans d’autres domaines) ou par idéologie.

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Si les comportements ont donc déjà évolué, le seuil psychologique semble être de 1,5 euro par litre même si par un effet d’accoutumance, une proportion significative de Français semble se résigner à consacrer davantage comme s’ils avaient intégré le fait que les prix de l’essence, quoi qu’il en soit, était désormais destiné à augmenter. En six ans (entre 2005 et 2011), la part des automobilistes qui déclarent attendre que le prix au litre atteigne ou dépasse 1,5 euro pour réduire leur consommation est passée de 24% en 2005 à 34% en 2011.

Mais parallèlement à ce mouvement, on observe également que près de 4 automobilistes sur 10 (soit une forte proportion), ont déjà réduit leur consommation de carburant, soit le même ordre de grandeur que celui observé à la question précédente.

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Les solutions privilégiées pour diminuer sa consommation de carburants n’ont guère changé depuis la première flambée des prix à la pompe en septembre 2005. Le recours au vélo ou la marche à pied est privilégié (au détriment de la voiture) sur les courts trajets par 52% des automobilistes. Ces derniers sont également sensibles aux consignes de limitation de la vitesse au volant (pratiquée par 44% d’entre eux). De manière relativement logique, la catégorie socioprofessionnelle, et le niveau de revenus auquel elle renvoie, impacte les comportements : 19% des cadres et professions libérales ne réduiront pas leur consommation quel que soit le prix du litre (contre 11% en moyenne) lorsque 49% des ouvriers s’y sont déjà résignés (contre 40% en moyenne). De la même manière, les ruraux, qui ne disposent pourtant pas de réseaux de transports en commun et sont contraints à des déplacements plus importants notamment dans le cadre professionnel, constituent une catégorie qui, d’ores et déjà, a davantage adapté sa consommation de carburant (45%) au regard d’une hausse des prix.

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3 – Le blocage des prix des carburants : une mesure souhaitée mais guère attendue

Interrogés au mois d’août avant les annonces gouvernementales en la matière, seuls 40% des Français pronostiquaient que le gouvernement allait tenir l’engagement que François Hollande avait pris durant la campagne à propos d’une baisse des taxes perçues sur les carburants.

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Ce scepticisme est nourri par l’idée que les marges de manœuvre pour rogner sur la fiscalité des carburants sont faibles dans un contexte de déficit élevé alors que les taxes sur l’essence et le gazole constituent une pompe à recettes fiscales très puissante. Ce constat, qui prévalait en janvier dernier, n’empêche pas pour autant les Français d’être très massivement favorables (à 88 %...) à un blocage temporaire des prix des carburants.

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Les sympathisants du Front de gauche (66 %), comme ceux du FN (61 %) et du PS (57 %) sont ceux qui parmi lesquels la proportion de « très favorables » est la plus forte, signe d’une intensité de cette attente particulièrement aiguës dans ces catégories. On constate le même phénomène parmi les ouvriers (63 % de « très favorables » contre 43 % seulement parmi les cadres) et assez logiquement en milieu rural : 60 % de « très favorables », contre 53 % auprès des habitants des agglomérations de province et 43 % en région parisienne.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault annonçait le 22 août 2012 une prochaine baisse « modeste » et « provisoire » des taxes perçues par l’Etat sur les carburants.

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Face à cette mesure d’envergure limitée, 55 % des Français se déclarent « plutôt mécontents, car le prix des carburants ne baissera que très peu, l’effort financier de l’Etat n’étant pas suffisant ». Si le mécontentement prédomine assez nettement, il n’est pas aussi massif que ce à quoi on aurait pu s’attendre compte-tenu des fortes attentes qui s’étaient exprimées dans la précédente enquête. 43 %, soit une proportion non négligeable, se disent « plutôt satisfaits, car même si le prix ne baissera que faiblement, l’Etat fait un effort financier important en cette période de crise ».

Dans le détail, on observe bien entendu des réactions différentes selon la sensibilité politique des personnes interrogées. 60 % des sympathisants de gauche sont plutôt satisfaits contre seulement 27 % parmi les proches de l’UMP et 20 % parmi ceux du FN. Mais le clivage est au moins aussi voir davantage marqué en termes de sociologiques, la sensibilité à la question du prix des carburants étant très fortement corrélée à l’appartenance sociale. Ainsi, si la satisfaction vis-à-vis de cette annonce et la prise en compte de la faiblesse des marges de manoeuvre dont dispose le gouvernement sont majoritaires (58 %) parmi les cadres supérieurs et les professions libérales, les classes moyennes sont très partagées (48 % de mécontents et 52 % de satisfaits) quand les milieux populaires basculent eux très nettement dans le mécontentement. Souvent davantage tributaires de leur véhicule pour aller travailler et disposant de niveaux de revenus leur permettant de moins en moins d’absorber les hausses successives des prix à la pompe, les employés et plus encore les ouvriers font montre d’un très grand mécontentement (respectivement 59 % et 76 %). Dans ces catégories très durement impactées par l’augmentation des prix des carburants, l’argument selon lequel une baisse même limitée des taxes représente déjà un effort substantiel de l’Etat en cette période de crise budgétaire ne porte quasiment pas.

Dans le même ordre d’idée, on observe que le mécontentement gagne en intensité au fur et à mesure que l’on s’éloigne des zones les plus urbanisées qui abritent les populations les moins dépendantes de la voiture. « Seuls » 48 % des habitants de l’agglomération parisienne sont plutôt mécontents, cette proportion passant à 54 % parmi les personnes résidant dans les agglomérations urbaines de province puis à 62 % parmi les ruraux.

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1 Sondage Ifop pour L’auto journal réalisé les 24 et 25 février 2000 par téléphone auprès d’un échantillon de 522 automobilistes âgés de 18 ans et plus.

2 Sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France réalisé du 24 au 27 janvier 2012 auprès d’un échantillon national représentatif de 992 personnes.

3 Sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France réalisé du 1er au 2 septembre 2005 auprès d’un échantillon national représentatif de 956 personnes

4 Sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France réalisé du 18 au 19 septembre 2008 auprès d’un échantillon national représentatif de 956 personnes

5 Sondage Ifop pour Sud Ouest Dimanche réalisé du 10 au 11 mars 2011 auprès d’un échantillon national représentatif de 956 personnes

6 Sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France réalisé du 1er au 2 septembre 2005 auprès d’un échantillon national représentatif de 956 personnes

7 Sondage Ifop pour Sud-Ouest Dimanche réalisé auprès d’un échantillon national représentatif de 958 personnes du 19 au 20 janvier 2012. Le libellé de la question était le suivant : « François Hollande s’est engagé, s’il était élu Président, à bloquer temporairement le prix de l’essence et à réduire par la suite les taxes perçues par l’Etat sur les carburants en cas de nouvelles hausses des prix de l’essence. Pensez-vous que s’il est élu, il tiendra cet engagement ? »
8 Sondage pour l’Humanité réalisé du 9 au 11 août 2012 auprès d’un échantillon national représentatif de 1005 personnes

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