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 La baisse du chômage révèle la fracture entre une France où l’ascenseur social est reparti et une France où il est toujours en panne
©Reuters

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Le taux de chômage en forte baisse est évidemment le résultat des réformes structurelles, mais il révèle, une fois de plus l’existence d’une fracture qui coupe la France en deux. Entre la France qui a trouvé du travail et celle qui n’en cherche plus tellement, c’est difficile.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il faut évidemment se féliciter des résultats de l’emploi. Le taux de chômage est descendu à son plus bas niveau depuis 2008 aux alentours de 8 %. Même au gouvernement, Muriel Pénicaud, la ministre du travail, révèle qu‘elle ne croyait pas que le système serait capable de réaliser une telle performance si rapidement. Ce phénomène est d’autant plus étonnant que la croissance française est restée très faible. Le vrai changement prend sa source dans ce paradoxe. L’économie française crée désormais plus d’emplois avec une croissance faible de 1,2%  qu’avec une croissance de 2, 5%.

Comme disent les économistes, la croissance française est faible mais beaucoup plus riche en emplois qu‘il y a 10 ou 20 ans. Plusieurs explications à ce paradoxe apparent. D’abord, si la France a perdu son industrie pour cause de délocalisation dans les pays émergents à faible cout de main d’œuvre (textile, mécanique, automobile), la France est devenue principalement une économie de services à fort contenu d’innovation et de formation. La productivité de ces secteurs est faible, donc leur taux d’emploi est fort.

Ensuite la deuxième explication, c‘est que les réformes structurelles ont commencé à porter leurs fruits et le crédit en revient aux différents gouvernements qui se sont succédés depuis 15 ans. Nicolas Sarkozy a pris des mesures au moment de la crise pour éviter que l'appareil de production français ne s’effondre, François Hollande avec Manuel Valls, a fini par lancer un plan de réduction des charges qui pèsent sur l‘emploi, avec le CICE, puis la loi El Khomri. Emmanuel Macron a supprimé l’impôt sur la fortune, instauré la flat tax, puis amélioré la flexibilité du travail, et des allocations chômage rendant le système incitatif à l‘emploi. Emmanuel Macron a aussi reformé les prud’hommes et la formation, ce qui a libéré la capacité d’emploi des entreprises.

Enfin, s’est institué dans le pays, au niveau des classes dirigeantes un climat pro business qui a changé le statut des chefs d’entreprises. Parallèlement, on a constaté un retour des investisseurs étrangers. L’attractivité du pays n’a fait que croitre à partir du jour où les réformes se multipliaient

Tous ces facteurs mis bout à bout ont boosté les créations d’emplois. Les créations d’emplois ont permis de faire reculer le chômage.

Reste que cette amélioration globale porte des distorsions qui seront difficiles et longues à résorber :

1er distorsion, la France reste le pays en Europe où le taux de chômage est encore le plus élevé. La courbe du chômage s’est bien inversée mais en dépit des créations d’emplois, la part des personnes sans emploi reste toutefois supérieure à la moyenne des pays occidentaux. Selon Eurostat, le taux de chômage de l'Hexagone était toujours le quatrième le plus élevé de l'Union européenne à la fin de l'année 2019. Derrière la Grèce (16,2 %), l'Espagne (13,7 %) et l'Italie (9,8 %). À l'opposé, c'est en République tchèque (2,0 %) ainsi qu'en Allemagne et aux Pays-Bas (3,2 %) que les taux sont les plus bas.

2e distorsion : Les inégalités sociologiques devant l‘emploi. On retrouve là la fameuse fracture entre la France d’en haut qui travaille et celle d’en bas qui en cherche depuis si longtemps que la plupart ont abandonné et se sont installés dans le déclassement.

Très précisément, un quart des départements français s’en tirent particulièrement bien, mais à côté de ça, des territoires immenses et toujours oubliés. «  26 départements en situation de plein emploi, » se félicite le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. De quoi parle-t-il ? Des 26 départements où le taux de chômage est descendu en dessous de 7%, l’objectif de 2022 et la barre que s’est fixée le gouvernement pour parler de plein emploi (alors que l’on parle normalement plus en Europe de 5%).

La situation de plein emploi doit permettre à un chômeur de retrouver facilement et rapidement un travail, c’est aussi ce qu’on appelle chômage frictionnel, un chômage de transition le temps de retrouver un emploi. On retrouve là le phénomène d’une faible croissance riche en emploi, phénomène on l’a vu, lié aux baisses de charges patronales et la pérennisation du dispositif CICE. D’autant plus que le taux d’emploi des personnes augmente, et qu’on n’est donc pas vers un transfert massif des chômeurs vers des inactifs.

Du coté des mieux lotis,  les départements français les plus proches du plein emploi sont en Auvergne et en Rhône Alpes qui comptent des très bons élèves comme la Lozère ou le Cantal – département où le taux de chômage est le plus bas en France, avec un taux de chômage proche des 5%, et des départements frontaliers avec la Suisse (Ain, Jura, Savoie et Haute-Savoie) qui sont à 6% de chômage.

Deuxième zone à tirer son épingle du jeu, les Pays de la Loire et la Basse-Normandie, avec notamment la Mayenne (5,5% de chômage), la Manche et l’Ille et Vilaine (6.3%), L’Ouest de la France.

En revanche, les régions très touchées par le chômage sont :

Le bassin méditerranéen, des Bouches du Rhône et son arrière-pays jusqu’aux Pyrénées, département français où le chômage est le plus élevé, à 14% et jusqu’à 23% à Perpignan-même.

Le Nord de la France, affiche encore 11% de taux de chômage en moyenne.

Département à plus de 12% de chômage, dans une région qui se porte pourtant très bien, la Seine Saint Denis.

Ce fossé  qui persiste entre les départements touchés par le chômage et ceux qui vont mieux n’est pas une fracture entre départements urbains et ruraux, ni Nord Sud ou même Est/Ouest. On retrouve deux grands clivages :

Par diplômes. La catégorie des cadres est en situation de plein emploi avec un taux de chômage, à 3,8% selon l’APEC, soit la moitié moins du niveau national. Par âge. Les plus jeunes n’ont pas bénéficié de la baisse du chômage.

En bref, la France est coupée en deux. Entre une France où l’ascenseur social est reparti, et une France où il est toujours en panne.

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