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"30 ans de renoncements", nouveau leitmotiv de la droite. Mais les politiques sont-ils seuls responsables ? Et la fin du "renoncement" est-elle vraiment possible ?
©wikipédia

Le changement c’est pour quand ?

Quelles que soient les proclamations de "ça va mieux" et de "redressement" de l’actuel président, la messe économique de son quinquennat est dite. Ce qui ne veut nullement dire que la messe politique le soit.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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La condamnation de l’inaction publique depuis des décennies revient en boucle dans le discours de (presque) tous les candidats à la primaire de la droite, avec une crédibilité évidemment variable selon le propre passé politique de chacun. C’est pour Alain Juppé et surtout Nicolas Sarkozy que le thème est plus délicat à manier, l’un et l’autre ayant été responsables de la gestion du pays pendant une bonne part de ces « 30 ans ». 

Or, en matière rhétorique, la crédibilité de l’orateur est, leçon première d’Aristote, le facteur décisif : sans elle point d’adhésion et encore moins de victoire, même si bien des hommes politiques et des communicants semblent l’avoir oublié. 

C’est pourquoi une chose reste sûre en ce qui concerne les deux favoris (actuels) de la primaire : ils ne pourront pas se dérober à une évaluation convaincante du passé car ils y seront sommés par leurs concurrents. Autrement dit, Alain Juppé devra se confronter au bilan du chiraquisme qui n’aura pas été la période la plus réformatrice de l’histoire contemporaine française…. Quant à Nicolas Sarkozy, il aura beaucoup tardé à faire le bilan de son propre quinquennat. L’exercice amorcé dans sa France pour la vie est loin d’être achevé. Pour le pire mais aussi pour le meilleur : l’on s’étonne ainsi que l’ancien président n’ait pas, dès son retour en politique, comparé ses résultats avec ceux de son successeur. Nicolas Goetzmann vient de le faire pour Atlantico dans un article définitif. 

Quelles que soient les proclamations de « ça va mieux » et de « redressement » de l’actuel président, la messe économique de son quinquennat est dite. 

Ce qui ne veut nullement dire que la messe politique le soit.

On passera vite sur les nombreux cadeaux faits à divers électorats, que le Pouvoir espère rattraper par le col de l’intérêt bien compris. La ficelle est un peu grosse et les sondages montrent que les Français n’y croient pas (problème de crédibilité encore). Mais est-on si sûr qu’il en soit de même dans un an ? Que dira la droite lorsqu’elle sera harcelée de questions – et elle le sera très vite, n’en doutons pas –   sur le maintien ou non de tous ces petits avantages ? Et, plus généralement, sur les économies précises, secteur par secteur, poste par poste, qu’elle compte faire ? Le Président n’a-t-il pas ainsi préparé sa riposte future, en armant l’un de ces nouveaux pièges rhétorico-politiques dont il a le secret ? 

Mais la question posée par la tactique de François Hollande est bien plus profonde et elle est fondamentale : la France est-elle enfin prête aux réformes, aux vraies, c’est-à-dire aux douloureuses ? Certes, les Français les plébiscitent à chaque enquête, mais pour les rejeter à chaque projet : cf. la loi El Khomri. Certes les Français râlent comme jamais : mais n’est-ce pas d’abord pour préserver leurs « avantages acquis », doux nom social de la bonne vieille rente ? Certes, ils ne jurent que par le « changement » : mais celui des seules têtes ou celui des projets ? L’on objectera que bien des choses ont justement « changé » dans le pays : l’entreprise n’est plus vilipendée, la dépense publique n’est plus plébiscitée, le traitement social du chômage suscite des doutes. Mais le mot de « libéral » n’est-il pas toujours la pire insulte du débat politique ? La méfiance à l’égard de tous les « patrons » prompte à se réveiller à chaque excès de gourmandise au sein du CAC 40 ? L’attachement aux 35 heures toujours majoritaire ? Le « modèle social » toujours sacralisé ? Et le non-sens économique, du partage du travail à la taxation des CDD, toujours triomphant ?

Et c’est là que s’impose une considération historique majeure. Si tant de gouvernants ont renoncé pendant ces « trente ans d’inaction », ce n’est pas nécessairement par manque de caractère ni excès d’ambition personnelle ; c’est tout simplement parce qu’une majorité des Français l’a voulu. Ils l’ont d’abord voulu par leur vote, si rarement favorable aux réformateurs courageux de 1981 jusqu’à 2012 inclus : voir Rocard et Barre. Et voir l’évolution d’un Jacques Chirac, échaudé par la défaite de 1988 et les grèves de 1995, c’est-à-dire, au terme de deux sérieuses tentatives de réforme. Il aura compris après F. Mitterrand et avant F. Hollande, qu’en France, le conservatisme paie toujours à condition qu’il s’accompagne d’un discours flamboyant (et réciproquement) : « changer la vie », « fracture sociale » ou « rêve français ». 

Cruelle hypothèse (on espère se tromper !) qu’aucun candidat, évidemment, ne peut avancer publiquement. Mais qu’il doit garder en tête s’il veut garder ses chances. Voilà qui va demander des trésors de conviction, donc de génie rhétorique, à ceux d’entre eux qui sont bel et bien résolus à changer les choses…

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