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"Supercondriaque" : grand film malade, "Monuments Men" : tant qu’il y aura ces hommes…, "The Grand Budapest Hotel" : avec vue sur l'ennui (sob)
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La revue des critiques ciné

"Supercondriaque" de Danny Boon, "Monuments Men" de George Clooney, "The Grand Budapest Hotel" de Wes Anderson… Tous vos journaux en parlent, les ont vus, aimés ou détestés... Mais les ont-ils bien jugés ? On est allé vérifier !

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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“ Supercondriaque ” de et avec Danny Boon

Affiche de Supercondriaque

“ 3 millions de spectateurs en à peine 12 jours ” s’exclamait “ Le Parisien ” mardi tandis qu’Allociné s’interrogeait devant le gouffre — sidérant — qui sépare l’avis des critiques et celui du public… “ Le degré zéro de la comédie française ” (“ Ecran large ”), “ la réédition d’un très vieux truc démodé, brutalement sorti — et sans raison valable — des oubliettes ” (“ Télérama ”), des “ gags (…) tellement surlignés que le rire est aux abonnés absents ” (Métro ”), les journaux, c’est le moins qu’on puisse dire, n’ont pas été tendres avec le nouveau film de Dany Boon... Certains, pourtant, l’ont apprécié : “ Cette comédie enlevée lorgne du côté de la romance et de l’action sans jamais perdre son efficacité comique ”, note “ Le Parisien ”. Pour “ Studio Ciné Live ”, “ Boon atteint la saveur des films de Francis Veber des années 1980, jouant parfaitement du duo retrouvé entre Kad Merad et lui ”. “ Danny Boon est à son meilleur niveau quand il s’amuse avec beaucoup d’autodérision de sa propre névrose, estime “ Télé 7 jours ”. Les gags s’enchaînent et son tandem burlesque avec Kad Merad est, une fois de plus, une bonne potion contre la sinistrose ”. Partagée, la critique ? On peut le dire ! Les experts sont tellement divisés qu’au final, “ Supercondriaque ” obtient tout juste la moyenne, avec une note de 2, 4 sur 5 d’après Allociné, alors qu’il caracole en tête du box-office pour la deuxième semaine consécutive… En voilà un bien drôle de mystère… Et on en sort comment, de tout ça, hmmm ? On y va, ou on n’y va pas, voir Danny et Kad ?

Ce qu’on en pense : Avec l’hypocondrie, ce mal contemporain si bien partagé, Danny le Chti, qui a du talent et du pif, a, pour sûr, trouvé un excellent sujet de comédie. En a-t-il exploité tout le potentiel ? C’est pas dit… Son numéro d’acteur séduit d’abord, parce que son corps, ses mimiques, sa gestuelle, ses tics de grand malade imaginaire produisent un effet comique irrésistible, quasi-réflexe. Au bout de sa quatrième aspersion de gel antibactérien accompagnée, comme il se doit, de force grimaces, grognements et autres explosions — toujours les mêmes —, on commence à se dire que, c’est bon, Danny, faudrait peut-être passer à autre chose, là… Et c’est là, justement, que tout part en bibeline. Pour sauver son patient, le bon Dr interprété par Kad Merad (pour le coup très sobre) décide de le confronter à la réalité de la maladie en l’embarquant dans une mission humanitaire qui, très vite, vire au grand n’importe quoi. Car voilà-t-y pas que notre grand flippé de la vie est confondu avec un héros révolutionnaire du Tcherkistan dont la tête est, bien sûr, mise à prix. Se surajoute à tout ça une histoire d’amour à laquelle on ne croit pas une seconde tant le duo Dany Boon-Alice Pol ne fonctionne pas. Pour résumer, passé les trois éclats de rire qu’on a eus les 10 premières minutes du film, on a trouvé le temps long… très, très long.

“ Monuments Men ”, de et avec George Clooney

Affiche Monument Men

C’est le film qu’on attend, celui qui est sur toutes les lèvres… et dans tous vos journaux. C’est un détail qui peut avoir valeur d’indice : plusieurs d’entre eux ont opté pour une interview de l’acteur-producteur-réalisateur et… ont étrangement fait l’impasse sur la critique du film. C’est le cas de “ Gala ” mais aussi, plus étonnamment… du “ Nouvel Obs ” (hé oui !) Y aurait-il un lézard dans la méga-super-production de l’enfant chéri de l’Amérique ? A lire la critique, il le semble, oui… Le problème — car il y a un problème — c’est qu’ici comme partout dans le monde, on aime beaucoup le beau, le généreux George C. et toute sa joyeuse bande… Signe qu’on est prêt à — presque — tout lui pardonner, certains plaident l’indulgence. George Clooney “ signe une comédie d’aventures dont on pardonne les petites maladresses, car elle prouve que Hollywood peut aussi s’engager, quand elle le veut, dans la défense de la culture ”, écrit “ Grazia ”. “ Un sujet passionnant, inspiré de la réalité, traité de façon classique et sans climax par George Clooney. Mais sauvé par son casting éminemment sympathique et ses traits d’humour ”, estime, de son côté, “ Voici ”. Mais d’autres — hélas, les plus nombreux — prennent beaucoup moins de gants : “ Si la mise en scène (…) est efficace, note “ VSD ”, le côté caricatural des personnages et l’ambiance de légèreté générale empêchent toute réelle émotion ”. “ Après “ De l’or pour les braves ”, juge “ Le Point ”, voici “ de l’art pour les braves ”, sauf qu’on ne croit malheureusement pas à ces “ experts ” qui n’ont ni l’art ni la manière ”. “ Elle ” y va encore plus fort : “ C’est ce qu’on appelle un ratage. What else ? ” Ouch !

Ce qu’on en pense : A quoi, grands dieux !, s’attendait la critique ? A un film d’histoire qui aurait la rigueur d’un documentaire ? On est dans la grosse production, les gars, pas dans le film d’art et d’essai, faut se calmer, là… Entre les deux, certes, il y a un — juste — milieu… et il faut reconnaître que George Clooney, réalisateur, a souvent la main lourde, il ne fait pas dans le petit point de croix, quoi… Ses méchants — les Nazis — ont des vrais gueules de méchants, ses gentils n’ont pas des physiques de jeunes premiers — ils ont pas mal d’heures au compteur — mais, pour l’amour de l’art et de l’humanité, ils sont prêts à tout, même à y laisser leur peau. Tout cela, c’est sûr, n’est pas léger, léger… Sans compter que le scénario, plutôt bien ficelé, pèche quand même par une certaine lenteur, pour ne pas dire une lenteur certaine… Reste que le dialogue fait mouche : on rit, on sourit souvent. Il arrive même que l’on s’émeuve. Tout cela tient à l’évidence au jeu des acteurs qui font corps autour de Clooney : Matt Damon, Bill Murray, mais aussi Hugh Bonneville, John Goodman, Bob Balaban (et, dans une moindre mesure, Jean Dujardin), tous impeccables et surtout - surtout - en parfaite, totale, symbiose. A travers elle, on retrouve quelque chose de l’entente qui régnait entre les membres de “ Ocean’s Eleven ” et de ses suites. Quelque part, oui, “ Monuments Men ” fait penser à un “ Ocean’s Eleven ” version Historia. Vous me direz qu’il y avait matière à faire plus et mieux… C’est pas faux. Mais c’est déjà ça, bah…

“ The Grand Budapest Hotel ”, de Wes Anderson

Affiche de The Grand Budapest Hotel

Sans conteste, il a eu la presse la plus large — la plus chic, aussi, et cela dans tous les sens du terme… Il faut dire que Wes Anderson est de l’espèce des élégants, des vrais subtils, des cultivés. En témoignent ses castings, à chaque fois plus éblouissants, où figurent, cette fois, Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Harvey Keitel, Jude Law, Mathieu Amalric, mais aussi les fidèles Bill Murray et Adrien Brody… Amoureux du beau réalisateur, “ Les Inrocks ” ? L’hebdo ne lui a pas seulement consacré une longue critique et un grand entretien (avec le créateur d’APC Jean Touitou), il lui a aussi, et en toute simplicité, offert sa une ! Si ça n’est pas de l’amour… “ Face à toutes les barbaries, le travail importe plus que le style ”, c’est la leçon que le mag rock tire du film… et qu’aurait aussi bien pu signer “ Télérama ”, qui est du même avis. Dans sa critique d’une page et demie, le journal voit en effet dans “ l’univers chic et suranné de Wes Anderson (un) rempart loufoque contre la barbarie. (…) L’élégance sans faille d’un artisanat pour conjurer l’obscurité : c’est tout le charme, une fois encore, du cinéma de M. Wes ”, conclut-il. “ Tout contribue à faire du “ Grand Budapest Hotel ” un spectacle emballant ”, s’enthousiasme “ Le Nouvel Obs ”, à qui “ Gala ” — “ Gala ”, oui — fait étrangement écho : “ Rétro poétique et toujours foutraque : un régal ”, jure le mag. De la presse “ exigeante ” à la presse people, tout le monde semble également séduit. Si “ L’Express Styles ” émet une petite réserve, c’est pour la lever aussitôt : “ Comme souvent chez Anderson, le film commence par prendre son temps — parfois un chouia trop — pour s’accélérer petit à petit et finir en feu d’artifice virtuose ”. C’est à noter, toutefois : comme “ Paris-Match ”, “ L’Express ” a préféré à la critique circonstanciée un portrait du réalisateur : “ C’est tout le talent de Wes Anderson, conclut-il, que de ne pas se forcer à avoir bon goût. Naturellement chic ”. Chic, élégance, charme… décidément, on n’en sort pas… A telle enseigne que “ Grazia ”, plutôt que de parler du film, fait un focus de six pages sur “ 8 hôtels à la manière de Wes Anderson ” ! L’intérêt de “ The Grand Budapest Hotel ” se résumerait-il à sa “ leçon de style ” ? Voilà que, tout à coup, un doute nous saisit…

Ce qu’on en pense : Fan de Wes Anderson, on l’est — ou plutôt, on l’a été. Pour tout vous dire - allez, on va se lâcher -, “ La famille Tenenbaum ”, “ La vie aquatique ”, “ A bord du Darjeeling Limited ” (dont l’affiche trône en grand dans notre salon) font partie de nos films préférés. D’abord, c’est vrai, parce qu’ils étaient beaux à regarder, que leur esthétique à la fois kitsch et ultra-léchée nous ravissait l’œil en même temps qu’elle nous déroutait. Si on était émerveillé, c’était à cause de ce mélange de beauté et d’étrangeté, d’absurde, qui, toujours, faisait qu’on perdait délicieusement pied et qu’on accédait à un autre plan, un autre point de vue. Le beau pour le beau, vous l’admettrez avec nous : en soi, ce n’est pas très intéressant. Le beau qui déstabilise, qui décontenance, qui ouvre à quelque chose d’inconnu, d’inattendu — qui interroge, en somme : ça, par contre, c’est accrochant… c’est même ce qui fait tout l’intérêt d’une œuvre, a fortiori d’une œuvre d’art. “ The Grand Budapest Hotel ” nous a-t-il “ dérouté ” autant qu’on l’aurait aimé ? Hélas, non, et c’est bien là le problème… Si artistique que soit l’univers créé par Anderson, il tourne à vide, précisément parce qu'il n'est que cela : "artistique", "esthétique", "chic". Malgré tous les efforts que déploie le réalisateur pour tenter de nous épater — par le choix du décor, ultra-sophistiqué et complètement déglingué, de ses personnages "loufoques", aussi raffinés que cabossés, voire dépravés —, à aucun moment, on ne ressent de surprise, encore moins d’émotion… Car sous le lustre de la production, du casting étincelant, “ l’histoire ” n’offre aucune aspérité : elle est même bête comme chou. Il n’y est question que d’un homme qui prend sous son aile un jeune étranger alors que son pays bascule dans la guerre et le fascisme. Point barre. Pour la profondeur - et même si c'est bien gentil, tout ça -, franchement, Wes, tu nous avais habitués à mieux… Quant à savoir si tout ce luxe attaché à la mise en scène et à la distribution était vraiment nécessaire… A force de vouloir faire" beau" et "élégant", Mr Anderson s’est, visiblement, un peu perdu en route. On dirait même qu’il tourne en rond.

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