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ZAD de Notre-Dame-Des-Landes : mais comment en est-on arrivé à un monde où l’évacuation d’une zone de non-droit paraisse quasi infaisable ?
©Reuters

Comme un problème d’ordre public

La zone d'aménagement différé (ZAD) du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes a été surnommée "Zone à Défendre" dès 2008 par les groupes d'opposants. Près de 10 ans après sa création, elle n'a jamais été évacuée.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Alors que Bernard Cazeneuve avait renoncé à l'évacuation des zadistes de Notre Dame des Landes, pour cause d'opération Sentinelle en cours, comment évaluer l'action du gouvernement dans une telle situation ? Du précédent de la mort de Rémi Fraisse en 2014, au laissé faire actuel, quels sont les critères pris en compte par le gouvernement dans sa décision d'évacuation ?

Gérald Pandelon : Il s'agit, à l"évidence, d'un dossier difficile où toute décision qui pourrait apparaître comme trop tranchée serait insatisfaisante. Certes, m'objectera-t-on, le propre du politique réside en sa capacité précisément de décider, mais il est comme souvent infiniment plus aisée de se faire philosophe et donneur de leçons que d'être, en la matière, un véritable politique, la critique, nous le savons tous, est facile mais l'art difficile. Car il s'agit, d'abord, d'un vieux dossier pour ne pas dire d'un vieux contentieux. En effet, le projet d'un aéroport pour le Grand Ouest (Région nantaise et Bretagne) apparaît pour la première fois en 1965 dans un contexte favorable de développement économique et d'une volonté affirmée des pouvoirs publics d'un rééquilibrage territorial autour de 8 métropoles ; c'est ainsi que naîtra, en 1974, en toute légalité, la zone d'aménagement différée (ZAD), à ne pas confondre avec l'actuelle ZAD ("zone à défendre") qui, elle, n'en déplaise à leurs thuriféraires est illégale car elle constitue un squat à vocation politique. Il n'endemeure pas moins que les arguments de nos actuels "zadistes" ne sont pas totalement dépourvus d'intérêt. En effet, par sa démesure (un nouvel espace de 1225 hectares, soit 1750 terrains de foot), son inutilité relative (il suffirait, en réalité, d’agrandir et rénover l'actuel aéroport de Nantes), et par le fait qu'il est, sans aucun doute possible,néfaste pour l'environnement, il est possible de se poser la question de l'opportunité dudit projet.  C'est ainsi que conscient de la controverse légitime que l'idée d'un nouvel aéroport allait susciter, les gouvernements successifs vont souhaiter plutôt dialoguer ; d'ailleurs, outre la difficulté à trancher dans un dossier difficile, cela permettait aux divers acteurs politiques, comme à l'accoutumée, de ne pas avoir à réellement décider, ce qui était infiniment plus confortable et moins risqué sur un plan électoral. Suspendant ainsi l'opération "César" qui visait à expulser les "zadistes", le gouvernement mettait en place "une commission dialogue" et concluait à la nécessité d'instaurer des compensations environnementales afin de sauvegarder, en raison de l'humidité du site, une centaine d'espèces protégées. Aujourd'hui, les principaux critères qui semblent être pris en compte par le gouvernement pour procéder à l'expulsion des occupants reposent non seulement sur le rappel du caractère illégal de ladite "zone à défendre"puisque la justice administrative en a décidé ainsi par un jugement rendu le 25 janvier 2016 mais également parce que la construction du nouvel aéroport répondrait, à la suite d'une consultation locale des électeurs de Loire Atlantique, à une majorité de 55 % des suffrages exprimés. Que, ce faisant, le projet serait à la fois démocratique, légal et légitime ; il n'en demeure pas moins que la question n'est pas tranchée de savoir si l'érection d'un nouvel aéroport  dans la petite commune de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) est juste et répond donc à une impérieuse nécessité. D'ailleurs, qui se souvient qu'à la tête des opposants au projet se trouvaient un certain De Rugy qui, curieusement aujourd'hui, devenu président de l’Assemblée Nationale, semble avoir totalement changé d'avis ; mais, me direz-vous, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Dont acte.  

Peut on estimer que le risque de l'inaction, découlant de la volonté de ne pas provoquer un "accident" est sous estimé par le gouvernement, comme il a pu l'être dans le passé ?

La mort tragique du jeune Rémi Fraisse doit nécessairement conduire à de la mesure dans ce dossier qui, effectivement, est ardu et épineux et ce, d'autant que notre actuel chef de l'Etat, fin stratège, ne souhaite pas enflammer donc envenimer le conflit dans une affaire où, en toutes hypothèses, personne n'est capable d'avoir une idée claire et parfaitement tranchée sur ce qu'il conviendrait de faire ou de ne pa faire d'ailleurs. A ce propos, pourquoi avoir recours à des experts si nos gouvernants avaient une idée précise et aboutie sur le sujet ? C'est précisément parce qu'ils n'en savent rien qu'ils ont recours à des techniciens réputés savants, même si ces derniers n'en savent pas davantage (ils avancent des "options" sur le dossier) et n'ont que rarement des idées novatrices... De la même manière que pour quels motifs, plus précisément, cibler comme un objectif prioritaire à atteindre la petite commune de N-D-D-L ? La question mérite d'être soulevée. En effet, pourquoi ne pas évoquer d'autres collectivités oubliées sinon méconnues comme celles de Bouriège (Aude), de Saint-Victor (Aveyron), de Saint-Fraigne qui dispose déjà de 6 éoliennes ou encore Montjean (Charente), des entités au sein desquelles les citoyens se battent au quotidien en raison des nuisances sonores, autrement dit pourquoi précisément au lieudit de N-D-D-L ériger un tel projet ? Spécifiquement pour quel motif ? Pour quelles raisons cachées, au-delà des poncifs... ?  

Quels sont les bénéfices à attendre d'une évacuation réussie par le gouvernement, notamment en ce qui concerne les forces de l'ordre ?

Encore faudrait-il que nos gouvernants sachent précisément quels sont les effets bénéfiques à attendre de ladite expulsion.  En effet, le dossier démontre à l'envi, et sans aucun doute possible, que nos édiles ne disposent, comme bien souvent, d'aucune conviction sur le sujet comme en témoigne les hésitations et tergiversations gouvernementales. D'ailleurs, aujourd'hui encore, le Premier Ministre assure qu'il prendra une décision "claire" et "assumée d'ici à la fin du mois de janvier". Entendu, mais laquelle précisément ? Autrement dit, les ressorts profonds qui sont à l'oeuvre pour la création d'un nouvel aéroport demeurent et demeureront mystérieux, à moins qu'ils ne soient également mystérieux pour nos gouvernants eux-mêmes qui semblent, en la matière, piloter à vue. La vérité dans ce dossier comme dans bien d'autres, c'est que le gouvernement ne sait pas si la création d'un nouvel aéroport constitue une bonne chose ou non ; d'ailleurs, les experts eux-mêmes, qui viennent de remette leur rapport, n'en savent pas davantage puisqu'ils optent pour deux solutions (l’agrandissement de l'actuel aéroport ou la création d'un nouveau sur le site de NDDL), en d'autres termes personne n'en sait rien.

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