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Yves Jégo : pourquoi l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen est désormais inéluctable
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Bonnes feuilles

Ce livre est né du constat qu'a fait Yves Jégo durant ses permanences de député, où il s'est de plus en plus souvent entendu dire par ceux qu'il recevait : "Puisque c'est comme ça, la prochaine fois, ce sera Marine." Inquiet de ces réactions fréquentes, le président par intérim de l'UDI a décidé de prendre la plume pour nous mettre solennellement en garde contre la tentation du vote Front National. Extrait de "Marine Le Pen arrivera au pouvoir", publié chez First (1/2).

Yves Jégo

Yves Jégo

Yves Jégo est président de l'Union des démocrates indépendants (UDI) par intérim depuis le 9 avril 2014, et vice-président du Parti radical.

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Tout le monde fait l’autruche. Pourtant, depuis qu’en 2011 la monarchie absolue héréditaire du parti à la flamme a vu la fille succéder au père, la vague bleu Marine monte.

Il y a d’abord les résultats électoraux, indicateur le plus fiable et le plus objectif de tous. Lors des élections cantonales de 2011, le FN a été en mesure de se maintenir au second tour dans 402 cantons sur les 1 400 à renouveler.

À l’issue du scrutin, bien que littéralement seul contre tous faute d’alliance avec un parti républicain, le parti à la flamme a obtenu deux sièges de conseillers généraux.

Lire également l'interview d'Yves Jégo : "Le centre aussi porte sa part de responsabilité dans la montée de l’extrême droite"

L’année suivante, en 2012, lors de l’élection présidentielle, Marine Le Pen a remporté la part de l’électorat la plus élevée jamais atteinte par un candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle : près de 18 %. Ainsi, non contente de retrouver le meilleur niveau de son père en 2002, la fille le dépassait.

Par la suite, aux élections législatives de la même année, non seulement le FN est parvenu pour la première fois de son histoire à faire entrer seul contre tous des députés à l’Assemblée – deux sièges –, mais de surcroît, alors que traditionnellement son score national s’effondre aux législatives, cette fois-ci il s’est bien mieux maintenu : 13,5 %.

Les succès du FN lors de récentes élections partielles sonnent également comme autant de coups de semonce.

2013 aura été à cet égard une annus horribilis. En mars, dans la deuxième circonscription de l’Oise, Florence Italiani, forte de 27 % des voix au premier tour, s’est qualifiée pour le second, lors duquel elle a atteint 48,5 % des voix. En juin, Étienne Bousquet-Cassagne, ayant obtenu 26 % des voix au premier tour, a fait 46 % au second. Par parenthèse, si le Conseil constitutionnel avait décidé d’invalider l’élection législative de Hénin- Beaumont, provoquant donc là aussi une élection partielle, nul ne sait si Marine Le Pen n’aurait pas, cette fois-ci, remporté le siège.

C’est là une première prise de conscience indispensable : la mort du jeu politique à deux forces, gauche contre droite. À force de flambée du vote de vengeance contre un système qui ne résout pas les problèmes cruciaux des Français, nous sommes passés d’un paysage politique bipolaire à un paysage politique tripolaire. De fait, aux pôles de gauche et de droite républicaine s’est ajouté le pôle d’extrême droite, hissé au rang de troisième force par son statut de réceptacle de toutes les colères.

À cela s’ajoute qu’au-delà des scores électoraux, les principales thèses défendues par le FN gagnent en soutien dans la population française.

Sur ce plan, l’enquête récente « Fractures françaises » du CEVIPOF1, diffusée en janvier 2014, est édifiante. Deux Français sur trois pensent qu’il y a trop d’étrangers en France et que l’islam est incompatible avec les valeurs du pays. Sept Français sur dix veulent diminuer les pouvoirs de l’Europe pour renforcer les pouvoirs nationaux. Un Français sur trois veut sortir de l’euro pour revenir au franc. Deux Français sur cinq pensent qu’appartenir à l’Union européenne est une mauvaise chose pour la France. Trois Français sur cinq sont pour le protectionnisme. Neuf Français sur dix pensent que la classe politique ne se préoccupe pas des gens. Deux Français sur trois pensent que les politiciens sont « tous pourris ». Quatre Français sur dix veulent rétablir la peine de mort.

Bien évidemment, par temps de « vaches grasses », de croissance, de plein-emploi, de telles idées seraient d’office reléguées aux marges de l’opinion publique française.

Pour ne prendre qu’un exemple, dans les années soixante-dix, il y avait peu ou prou le même pourcentage d’étrangers qu’aujourd’hui dans la population de la France. Cependant, parce qu’à l’époque, il n’y avait quasiment pas de chômage, l’idée qu’il y aurait trop d’immigrés en France n’était approuvée pour ainsi dire par aucun électeur. Plus globalement, dès que la crise économique perdure, dès que l’appauvrissement revient, dès que le chômage de masse s’installe sur la durée, des pans de plus en plus importants de la population française deviennent disponibles pour des discours de fermeture, de clôtures, de murailles, de lignes Maginot et de boucs émissaires.

L’exemple le plus évident dans notre histoire est la France des années trente, après le krach de 1929. À l’époque, prospérant sur les frustrations nées du chômage de masse et de l’appauvrissement, des mouvements d’extrême droite tels que les Croix-de-Feu et l’Action française, lointains ancêtres du FN, connurent l’apogée de leur audience dans la population française et firent vaciller la République. Ils mêlaient dans leurs slogans et leurs écrits le rejet des immigrés, une dénonciation de la classe politique républicaine de type « tous pourris », et l’appel à abattre le régime républicain pour le remplacer, qui par une monarchie réactionnaire, qui par un « vrai chef » sur le modèle de Benito Mussolini.

C’est là une seconde prise de conscience indispensable : l’inéluctable arrivée au pouvoir de Marine Le Pen, sauf si les républicains se décident au sursaut. C’est en effet la conclusion logique de la conjonction entre un vote-sanction pour le FN de plus en plus élevé, une abstention de plus en plus forte – autre forme de rejet du système – et l’adhésion croissante aux thèses du FN, quand bien même elle se fait sous l’effet du chômage, de l’appauvrissement et du désespoir, que cette adhésion croît.

De fait, comme en 2002, le FN peut se qualifier en 2017 au second tour de l’élection présidentielle. Il suffit pour cela que la gauche accumule des résultats si piteux sur le front du chômage que le candidat socialiste, François Hollande ou un autre, s’effondrera dans les urnes dès le premier tour.

Cela peut également se produire si l’opposition n’arrive pas à se réunir ; il est alors tout à fait possible que les candidats de la droite républicaine arrivent derrière celui du FN et celui du PS.

Extrait de "Marine Le Pen arrivera au pouvoir - Sauf si...", de Yves Jégo, publié chez First, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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