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Le magazine Youpi, destiné aux 5-8 ans, présente en couverture pour son édition de décembre la thématique suivante : « Enfin en France ! : l’histoire vraie d’une famille de réfugiés ».
Le magazine Youpi, destiné aux 5-8 ans, présente en couverture pour son édition de décembre la thématique suivante : « Enfin en France ! : l’histoire vraie d’une famille de réfugiés ».
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Choix éditorial

Le magazine Youpi, destiné aux 5-8 ans, présente en couverture pour son édition de décembre la thématique suivante : « Enfin en France ! : l’histoire vraie d’une famille de réfugiés ». Julien Aubert (LR) s'interroge sur ce choix éditorial à l'heure de la gestion de la crise de l'Ocean Viking.

Julien Aubert

Julien Aubert

Julien Aubert est ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains

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Youpi fête Noel. La publication de jeunesse destinée des 5-8 ans a décidé de titrer son numéro de décembre sur « Enfin en France : l’histoire vraie d’une famille de réfugiés ». Evidemment, alors que l’Ocean Viking accoste à Toulon, on est prié de croire que ce choix éditorial est un pur hasard.

Que lit-on dans cette histoire vraie : le récit par une petite fille qui est née en Afrique du Sud, (une démocratie bien connue pour être le pays le plus répressif d’Afrique) de parents angolais et congolais. Un jour, des hommes viennent ravager le salon de coiffure de sa maman et ses parents décident de partir loin car les sud-africains ne les veulent plus. Effectivement des scènes de violence ont été constatées contre les zimbabwéens en 2008 dans ce pays.

Retourne-t-il en Angola ? En RDC ? Non, ce sont des pays dangereux. Un autre pays d’Afrique, comme le Maroc ou la Tunisie, l’Egypte ou le Sénégal ? Non, visiblement le danger est encore trop grand : les parents choisissent l’Europe.

Un dessin les représente prenant l’avion. Ce sera l’Italie, mais là-bas, la famille dort dans la rue et n’a pas d’argent donc ils partent en France grâce à un gentil conducteur anonyme.

C’est ici que les choses commencent à dérailler. Youpi n’explique pas ce qu’est un réfugié. A le lire, un réfugié c’est quelqu’un qui fuit la violence. Ce n’est pas tout à fait exact : il faut qu’elle soit dirigée spécifiquement contre elle (c’est la différence avec un déplacé). Nulle part dans cette publication n’est expliqué comment fonctionne la demande d’asile, ni les règles européennes. Dans cette histoire, pas d’enregistrement, pas de titre de séjour. Il est seulement expliqué que la famille a dû fuir la gendarmerie car elle n’avait « pas le droit d’être en France ». Le parallèle en filigrane avec la période de l’Occupation est glaçant.

Bien évidemment, c’est grâce à de gentils citoyens que tout s’arrange pour avoir les papiers, et le Maire de Bruz, près de Rennes, qui trouve une maison. Allons nous renseigner. Le Maire de Bruz, élu sur une liste « Bruz, humaine, audacieuse et écologique » fait parti de « Nouvelle Donne », un parti de gauche « progressiste et humaniste » fondé par Pierre Larrouturu. Les positions de Larrouturu sont clairement immigrationnistes, comme en témoigne une tribune parue dans le JDD en 2019 : « Nous voulons instaurer un dispositif centralisé, permanent et contraignant de relocalisation, permettant de rediriger les demandeurs d’asile dans l’ensemble des États membres, en fonction de critères objectifs comme, entre autres, leur PIB et le nombre de réfugiés qu’ils ont déjà accueillis, les liens de ces derniers avec les pays d’accueil, etc. (…) Il est urgent de développer ces voies légales notamment à travers la mise en place de visas humanitaires et le développement d’une politique de migration légale. (…) Enfin, réussir l’intégration des réfugiés suppose d’y mettre des moyens : nous avons besoin d’un véritable plan d’action et de financement à destination des collectivités locales et territoriales pour les aider - ainsi que les associations de terrain - dans leur mission d’accompagnement et d’intégration des réfugiés arrivés sur le territoire européen. »

Ca tombe bien, l’histoire de Youpi permet d’illustrer à la perfection le bien-fondé de cette orientation idéologique. Tant pis si les lecteurs sont de jeunes enfants incapables d’exercer un esprit critique. Celui-ci leur aurait permis par exemple de savoir que la la n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse prévoit que « Les publications mentionnées à l'article 1er ne doivent comporter aucun contenu présentant un danger pour la jeunesse (…) lorsqu'il est susceptible d'inciter à (…) la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral de l'enfance ou la jeunesse ». Or si le délit d'entrée irrégulière et le délit de séjour irrégulier ont été abrogés par les amis socialistes de Nouvelle Donne, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise, en son article L823-1. qu’ « est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France ».

Comme ce gentil conducteur par exemple.

Bien entendu, lorsque je l’ai dénoncé sur Twitter, une horde de trolls est venue soutenir Youpi avec le même argument (« je vais l’acheter pour mes enfants »), soutenue par des anonymes invoquant les heures les plus sombres de notre histoire (mention spéciale à cet anonyme me ciblant : « Vous comprenez mieux l'Histoire lors de cette période terrible de Vichy ici. La structure mentale des collaborationnistes est bien illustrée à travers ce type ») avant de terminer avec ce tweet de la rédactrice en chef de la Croix : « Avec @JulienAubert84 non plus on n’est jamais déçu ! Voilà des années que @Bayard aide les enfants à devenir des citoyens responsables pour le bien commun de notre société. Et on va continuer! »

Former des jeunes enfants en faisant la publicité cachée d’un parti politique et d’une ligne ouvertement immigrationiste est-ce responsable ? Il n’y aurait donc que les méchants qui font respecter la loi et les gentils qui aident les migrants à les contourner.

Choisir une histoire qui vient percuter à la fois l’actualité (sensible) et étayer les arguments d’un parti politique, est-ce neutre ?

Enfin, faire l’apologie de l’immigration illégale, dépeindre la gendarmerie comme sous Vichy et minorer un délit, est-ce faire du bien à la société ?

Personnellement j’en doute. Il y avait 700 000 zimbabwéens en Afrique du Sud, en 2020, victimes des violences xénophobes. J’espère que youpi n’y est pas distribué.

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