Xénotransplantation : les greffes d’organes de l’animal à l’homme, entre espoirs et vertiges éthiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Un chirurgien et son équipe effectuent une transplantation rénale sur un patient à l'hôpital La Paz de Madrid, le 28 février 2017.
Un chirurgien et son équipe effectuent une transplantation rénale sur un patient à l'hôpital La Paz de Madrid, le 28 février 2017.
©PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Innovation médicale

Pour la première fois, un rein de porc génétiquement modifié a été transplanté à un humain par une équipe médicale américaine et a pu fonctionner pendant 54 heures sans être rejeté. D'un point de vue médical, cette solution pourrait permettre de résoudre la difficulté liée au recul des dons d'organes et de lutter contre le trafic d’organes. La recherche médicale va tenter d'aller encore plus loin avec une greffe parfaitement fonctionnelle et durable via cette solution alternative.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Pour la première fois, un rein de porc génétiquement modifié a été transplanté à un humain par une équipe médicale américaine et a pu fonctionner pendant 54 heures sans être rejeté. Quels espoirs suscite cette expérience ?

Laurent Alexandre : Il y a plusieurs façon d’appréhender le problème de la science rénale. La première c’est de miniaturiser le dispositif pour obtenir des reins artificiels électroniques implantés. Il s’agit donc de transformer l’énorme machine de dialyse rénale qui pèse des dizaines de kilos pour en faire un appareil de quelques centaines de grammes que l’on implanterait dans le corps du malade. 

La deuxième voie serait de trouver des traitements médicaux pour les maladies rénales, pour éviter que les malades en arrivent à la science rénale. 

La troisième et dernière voie, c’est d’améliorer la transplantation en produisant davantage de greffons. Pour cela, la voie la plus simple c’est la xénogreffe, qui est rendue quasiment impossible aujourd’hui à cause de la sécurité routière. Le principal gisement d’organes jeunes pour la transplantation vient des accidents de la route. Pourtant, le nombre de morts sur les routes s’est effondré, passant de 17 000 en 1972 à autour de 3 000 aujourd’hui. On a donc a un effondrement du nombre de morts de personnes jeunes grâce à la sécurité routière. Cela crée donc un besoin d’organes qui n’est plus satisfait.

54 heures semble un bon début mais à quel point est-on encore loin d’avoir une greffe parfaitement fonctionnement et durablement ? 

Le succès d’une transplantation se juge sur la durée. Quelle est la fonction rénale du rein qu’on a transplanté au bout de 6 mois, 1 an, 5 ans, 10 ans ? Bien évidemment, sur une expérience de 54 heures, nous avons très peu d’éléments de réponse à cette question. Si on décide d’aller plus loin, il va falloir mettre en place des protocoles compliqués avec les agences qui régulent la santé et les comités d’éthiques. Il paraît plus raisonnable de tester des transplantations sur le rein que sur le foie ou sur le coeur. Si l’opération échoue, il est toujours possible de repasser le malade en dialyse. Si un problème apparaît sur une greffe cardiaque ou hépatique, c’est mortel. Nous sommes au tout début d’un processus qui va s’étendre sur des décennies pour optimiser ces xénogreffes. 

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Quelles sont les problématiques éthiques suscitées par cette avancée scientifique ? Y a-t-il un risque de non acceptation sociale des humains bénéficiant de ces greffes ?

L’hypothèse que les xénogreffes soient bloquées par les « techno-conservateurs » est à prendre en compte. De plus, le fait d’utiliser des organes d’animaux dans l'espèce humaine pose un certain nombre de problèmes aux religions. Puisque l’animal le plus simple à utiliser est le porc, cela risque de poser un gros problème chez les juifs ou les musulmans, mais aussi chez les catholiques conservateurs qui considèrent que cela relève d’une technique transhumaniste inacceptable. 

Dans une société de plus en plus attentive au bien être animale, pourrait-il y avoir un refus d’utiliser les animaux comme banque d’organes ? 

A partir du moment où la consommation alimentaire de viande n’est pas interdite, il est difficile de s’opposer à l’utilisation des porcs comme banque d’organes. Je pense que pour l’immense majorité des gens, si cela concerne leurs proches, ils ne refuseront pas qu’on utilise un porc pour fournir un organe.

Ces animaux sont-ils élevés dans des conditions spécifiques ?

Oui bien sûr. Il est évidemment hors de question de récupérer les organes de porcs vivant dans une porcherie. Les porcs doivent être à l’abri des bactéries et virus qui pourraient être dangereux pour l’espèce humaine. Il est clair qu’il y aura des élevages spécifiques si la technologie se développe. Cela veut dire des laboratoires qui développeront des animaux qui serviront de réserve d’organes avec des critères de propreté et de sécurité biologique qui ressembleront à l’industrie biotech ou pharmaceutique.

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Quels risques que ces greffes soient utilisées hors du cadre médical de remplacement d’un organe défaillant ?

Il y a assez peu de gens qui voudraient d’un rognon de porc dans leur corps s’ils ne souffrent pas d’insuffisance rénale. L’idée d’une utilisation récréative parait hautement improbable, sauf dans certains groupes masochistes ultra-marginaux. 

On évoque la xénotransplantation comme un moyen de lutter contre le trafic d’organes. Qu’en pensez-vous ? 

Le trafic d’organes est assez largement surestimé mais il est clair qu’utiliser des organes de porc plutôt que des organes humains a plusieurs avantages. Il permet d’éviter les risques au sein de la famille quand on prend des greffons sur donneurs vivants. Il y a déjà eu des accidents et certains donneurs sont morts pendant le prélèvement d’organes, notamment rénales. Par ailleurs, le prélèvement d’organes sur des personnes décédées abime les corps, ce qui pose un vrai problème éthique également. Prélever un rein de porc risque de poser moins de problèmes éthiques aux familles. 

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