« X », ex-Twitter, après un « fuck you » retentissant, les annonceurs prouvent à Elon Musk qu’ils sont capables de réguler les réseaux sociaux<!-- --> | Atlantico.fr
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Elon Musk lors d'une conférence à Miami, en Floride, le 18 avril 2023
Elon Musk lors d'une conférence à Miami, en Floride, le 18 avril 2023
©CHANDAN KHANNA / AFP

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Quelle leçon ! Elon Musk se croyait intouchable. Mais la réalité du marché publicitaire risque de faire couler Twitter. Les annonceurs s'enfuient les uns après les autres. Et son management a du mal à les récupérer.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Elon Musk, icône du siècle pour tous les étudiants en management, vient de s'apercevoir qu'il ne pouvait pas dire ou faire n’importe quoi. Le chef d’entreprise qui a pris en très peu de temps le leadership du marché automobile mondial avec la Tesla, celui-là même qui est entré sur le marché des lanceurs spatiaux en bouleversant le modèle économique, autant d’innovations techniques, industrielles et commerciales qui lui ont valu de grimper à la première place des capitalisations boursières ? Celui que la génération digitale considère comme une Rock star… s’est aperçu très rapidement depuis quelques semaines que les marchés pouvaient lui imposer des limites à ses initiatives et ses provocations.

En cause, la gestion de Twitter, réseau social très important dans le monde entier et notamment dans les classes moyennes et supérieures, le monde des affaires et de la politique. Twitter a été acheté très cher, plus de 45 milliards. Pour la petite histoire, Elon Musk n’en voulait pas vraiment parce qu'il n’y avait pas de modèle économique évident, mais engagé dans l'affaire, il semble bien qu'il a finalement finalisé cette acquisition contraint et forcé par les offres d’achat qu’il avait signées.

Une fois payé (à crédit pour une grande part), il a bien fallu se mettre aux commandes, définir une stratégie et mobiliser des moyens. Très vite, il a même pensé à monétiser la formidable capacité d’audience dans le monde et de lancer des abonnements payants dont l'avantage serait de ne pas être asservi à la publicité. Parallèlement, pour renforcer son audience, Elon Musk a fait ce qu'il sait faire : de la provocation sur le terrain politique. Il a débloqué les comptes de Donald Trump, parce qu'il y avait un marché, et surtout, il a excité ce marché populaire et populiste par des tweets antisémites. Elon Musk était-il antisémite... personne ne le sait, pas même lui. Son ego en revanche le moussait systématiquement a passer la ligne jaune. Ce qu’il retenait lui, c’est que l’antisémitisme était dans l'air du temps. Il a même pimenté certains tweets de racisme...

Le problème, c’est que les grands annonceurs ne l'ont pas supporté, pas mécontents d'assécher ainsi, ce « patron agaçant ». 

Du coup, la liste des partants s’est allongée depuis 3 semaines d'une façon alarmante pour l'équilibre financier de l’entreprise : que du beau monde, Disney, Apple, IBM, Paramount, NBC Universal, Comcast, Lionsgate, Warner Bros... Énorme, près de 50% du chiffre d'affaires publicitaire. La semaine dernière, Elon Musk s’est publiquement fâché en accusant les annonceurs de vouloir les étouffer. Il a cru les remettre en place par un retentissant « Fuck you !! », ce qui aux États-Unis est très, très vulgaire. Inadmissible quand on trône en tête des capitalisations boursières. 

Du coup, hier dimanche, Walmart, la première chaîne de grands magasins de détail aux États-Unis, a annoncé qu'elle suspendait sa campagne de publicité pour le mois de décembre, le mois de Noël et des fêtes de fin d’année. Walmart n'explique pas son départ par les accents antisémites de Elon Musk, mais par une désaffection de la clientèle. Walmart explique que les audiences ne sont plus à la hauteur des promesses. En qualité et en quantité. Bref c’est le marché qui décide 

A priori, cette semaine, Elon Musk doit changer de ton, faire le tour des annonceurs pour les assurer d’un comportement plus conforme aux valeurs traditionnelles américaines et aux responsabilités nouvelles qui sont les siennes en tant que directeur d’un média. 

Parce que s'il a vraiment perdu près de la moitié de ses revenus publicitaires, les abonnements payants sont loin de compenser les pertes. Dans ce cas-là, Twitter a absolument besoin des revenus publics, sinon Elon Musk ne tiendra pas. Son endettement est trop lourd.

Cette histoire est très intéressante parce qu’elle marque les limites qui s’imposent aux réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont connu un développement incroyable au cours des 20 dernières années parce qu’ils ont offert gratuitement une diffusion de l'information à tout le monde, sans contrôle ni régulation. La liberté est totale, d'où la multiplication des fake news et des manipulations politiques possibles sur le terrain de la démocratie. Les autorités administratives et politiques ne peuvent pas réguler parce qu'elles seraient immédiatement accusées d’attenter à la sacrosainte liberté d'expression. Les seuls acteurs capables de modérer les réseaux sociaux appartiennent au marché. Les entreprises, les grandes marques ont cette liberté et ce droit de choisir leurs annonceurs. 

Ce qui est curieux, c’est qu'un homme comme Elon Musk, dont la réussite s’est faite grâce au marché et à la concurrence privée, n’a pas pressenti que son entreprise de média était aussi , comme les autres tributaire de ses clients.

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