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Vraie fausse valeur : de Meghan Markle à Jean-Luc Mélenchon, anatomie de l'insoumission contemporaine
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Effet de mode ?

Alors que le procès de Jean-Luc Mélenchon vient de s'achever, Meghan Markle est qualifiée d'"insoumise" à la une du dernier numéro de Paris-Match. Damien Le Guay revient sur la notion de l'insoumission contemporaine.

Damien Le Guay

Damien Le Guay

Philosophe et critique littéraire, Damien Le Guay est l'auteur de plusieurs livres, notamment de La mort en cendres (Editions le Cerf) et La face cachée d'Halloween (Editions le Cerf).

Il est maître de conférences à l'École des hautes études commerciales (HEC), à l'IRCOM d'Angers, et président du Comité national d'éthique du funéraire.

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Atlantico.fr : A l'heure actuelle, être insoumis semble être presque pré-requis. Comment définir l'insoumission contemporaine ?

Damien Le Guay : L'insoumission est devenue une forme de diktat obligatoire comme si la première des soumissions c'était d'être insoumis. Il n'y a plus aujourd'hui d'individus qui affirment leur soumission. La posture obligatoire, depuis 1968, pour qui que ce soit, sur n'importe quel thème que ce soit, c'est d'être insoumis. Insoumis à quoi ? On ne sait pas. Comment ? On ne sait pas non plus. Mais la première des obligations c'est d'être dans une posture de rebelle, de pirate de la pensée ou de l'attitude à l'égard d'une soumission supposée que personne ne connaît ni ne définit mais qui est devenue en elle -même une forme d'abomination absolue.

Comment expliquez-vous que cette insoumission soit devenue la norme ?

C'est le problème de la culture et de la contre-culture. En 1968, il y a avait une culture et une contre-culture. Ce que l'on appelle la contre-culture c'est la culture qui s'oppose à la culture dominante et qui est de nature à mettre en évidence les failles de la pensée dominante. Comme il y a eu depuis 68 une forme d'effondrement de la pensée dominante, la contre-culture est devenue la pensée dominante. Donc la pensée dominante c'est aujourd'hui la contre-culture. Ce qui veut dire qu'il n'y a plus de culture. Il n'y a plus de soumission et ceux qui sont ou qui pourraient se mettre dans cette posture sont considérés comme des fasciste, des réactionnaires... 

Ainsi, vous avez maintenant le parti de la rébellion, le parti de la soumission, le parti qui occupe tout l'espace mais qui en tant que tel a pris le pouvoir et s'impose comme parti dominant. Ceci peut faire penser exactement au Parti Révolutionnaire Institutionnel mexicain. C'est exactement à celui-ci que l'on peut comparer l'insoumission actuelle. Une insoumission d’opérette qui occupe tout l'espace médiatique et culturel. 

Nous avons donc à la fois une absence d'insoumission à l'égard de la vraie soumission qu'est la notre et un refus du conformisme qui se fait dans l'insoumission.

Finalement y-a-t-il une forme authentique d'insoumission qui résiste ?

La première chose c'est de dénoncer cette langue de bois qui consiste à se poser obligatoirement contre un ennemi imaginaire. Ennemi qui est le conformisme ou encore la soumission à l'ordre... La première chose c'est de dénoncer ce symptôme d'une soumission qui se pare de la vertu de l'insoumission obligatoire, complète et revendiquée comme telle. Vous ne verrez jamais quelqu'un qui se revendiquera conformiste, dans la normes ou alors il sera désigné comme infréquentable.

Ce symptôme là relève quelque part de mai 68 et relève de ce basculement d'une contre-culture qui vient prendre le pas d'une culture tout en imaginant qu'il y a une culture dominante qui est abominable bien qu'on ne la voit pas. C'est comme si elle était absente mais toujours dénoncée.

L'insoumission de Jean-Luc Mélenchon vous semble-t-elle véritable ? Ou au contraire voyez-vous dans le monde politique des traces de cette insoumission imaginaire ?

Qui aujourd'hui, dans le monde politique ou intellectuel est soumis ? Personne. Ainsi, soit vous désignez l'insoumission politique comme l'opposition - mais à ce moment là tout le monde est insoumis - ou alors vous considérez que personne dans le monde politique n'est soumis à quoi que ce soit. Si vous dites, effectivement qu'Emmanuel Macron, par exemple, est soumis là aussi on voit un paradoxe : c'est l'homme qui fait la "Révolution" tout en étant au centre du pouvoir.

Pour ce qui est de Mélenchon, ce qui est problématique dans sa revendication de l'insoumission, c'est que lorsque l'on fait la loi (lorsque l'on est député) on est également censé obéir à la loi que l'on a instauré. Ainsi, il importe de mettre en place la soumission, le fait de se mettre sous l'autorité de la loi. Or, être insoumis à la loi lorsque l'on en est à l'origine et se mettre en opposition aux fonctionnaires c'est étrange. Cette posture semble être soit révolutionnaire - on cherche à mettre à bas le monde tel qu'il est - soit contradictoire. Que l'on veuille changer les choses c'est normal mais s'opposer à des fonctionnaires qui gagnent mal ou assez mal leur vie, qui ne font qu'obéir aux ordres, c'est une façon un peu étonnante de s'approprier la loi, la République, l'insoumission et une insoumission qui va contre la loi. Il y a là quelque chose de problématique d'autant plus quand on est homme politique, député, fondateur d'un parti... 

C'est comme si l'insoumission de Jean-Luc Mélenchon était une insoumission à l'égard de ce qui l'affecte lui et non à l'égard des principes. En outre, il n'a jamais adopté cette posture d'insoumission lorsque François Fillon ou Nicolas Sarkozy étaient confrontés à des affaires médiatique et à la justice. 

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