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Vous ne savez peut-être pas ce que recouvre la question de la pertinence des actes médicaux. C’est pourtant essentiel pour la sécu… et pour votre santé
©Steve Perrin - Wikipedia

Primorial

Dans ce dossier sensible, comme dans tant d’autres, la résistance au changement l’emporte.

Claude Huriet

Claude Huriet

Claude Huriet est professeur agrégé de médecine et ancien sénateur.

Ancien Président de l'Institut Curie, il est membre du Comité international de Bioéthique de l'Unesco et membre honoris causa de l'Académie nationale de médecine.

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Tout citoyen préoccupé par sa propre santé a pu constater, pour lui-même ou pour son entourage, consultant le médecin, fréquentant l’officine du pharmacien, l’allongement, au fil des années, de la liste des examens, de la longueur des ordonnances, et de la fréquence de l’appel aux spécialistes.

Face à l’accroissement du nombre des actes médicaux, on est amené à s’interroger ; on se pose la question : les dépenses engendrées par lamultiplication des actes sont-elles toutes justifiées ? Autrement dit, sommes-nous certains « qu’en dépensant plus on est mieux soigné ? » Or si l’existence d’actes médicaux inutiles est avérée de longue date, bien que le creusement du déficit de l’assurance-maladie nécessite de nouvelles ressources, ces actes n’ont pas fait l’objet, de la part des financeurs ou du Parlement, d’études sérieuses concernant le nombre, la nature et le coût des actes inutiles. C’est « la société civile », en tant que troisième secteur de la société au sens de l’ONU, qui a été précurseur dans ce domaine. Il lui revient le mérite d’avoir fait apparaître ce gisement d’économie, qui a le mérite de ne pas compromettre la qualité des soins

Voici quelques semaines, la ministre des solidarités et de la santé a mis un terme à cette méconnaissance d’une situation qui n’a que trop duré.

Présentant, le 22 octobre, le Plan de santé pour le quinquennat, la ministre des solidarités et de la santé, a estimé que 30 % des dépenses d’assurance-maladie ne sont pas pertinentes. En conséquence, elle a érigé en priorité la pertinence des soins, qui constitue désormais l’un des principaux leviers d’économie dans le secteur de la santé.

L’acte médical pertinent est celui qui convient au malade à un moment donné, c’est le plus adapté et le plus efficace (R. Mornex)

Selon Agnès Buzyn, voici plus de 20 ans que nos concitoyens s’interrogent sur l’opportunité de certaines pratiques médicales ou parcours de soins, et pourtant, dit-elle, « les politiques publiques ne s’en sont saisies que très récemment ».

Précisons toutefois que nos concitoyens, dont la plupart sont plutôt satisfaits de leur système de santé, ne s’interrogent ni sur le déficit de l’assurance-maladie ni sur les moyens de le combler !

Cela ne signifie pas que des changements de comportement des prescripteurs et des consommateurs de soins en découlent logiquement. Dans ce dossier sensible, comme dans tant d’autres, la résistance au changement l’emporte. « Lutter contre les actes médicaux injustifiés » peut susciter des oppositions et des craintes concernant le maintien de la qualité des soins ou la liberté de prescription. C’est un risque politique, qui explique peut-être la passivité de la puissance publique, et le rôle déterminant qu’a joué la société civile depuis une dizaine d’années.

Ce sont en effet les fédérations hospitalières et l’Académie nationale de médecine qui ont établi un état des lieux, et fourni « la matière première » des actions à entreprendre pour organiser la pertinence des actes médicaux.

En 2008, la Fédération hospitalière de France recense, par territoire de santé, le nombre d’opérations de l’appendicite, de la cataracte et du canal carpien, qui dépassent de 50 % la moyenne nationale, alors que, dans le territoire voisin, il est inférieur de moitié à cette moyenne. Pour les drains trans tympaniques chez l’enfant, l’écart va de 10 % à 150 % de la moyenne !

 Les résultats sont publiés dans la Revue hospitalière de France, le 1er janvier 2010 (N°532).  Les auteurs (Pr Mornex et ses collaborateurs) précisent que la FHFne se reconnaît pas la compétence scientifique de déterminer le bon niveau pour chaque type d’intervention, et considère que c’est à la Haute Autorité de Santé d’y travailler.

A l’occasion du Forum mission santé, la Fédération de l’Hospitalisation Privée poursuit la réflexion sur la pertinence des actes ( Hospimédia - mai 2011)

En avril 2013, René Mornex présente, au nom de l’Académie Nationale de Médecine, un rapport qui constitue un texte de référence, intitulé « Améliorer la pertinence des stratégies médicales » dont le propos liminaire est le suivant : la recherche d’une pertinence des stratégies médicales doit être renforcée.

Chaque ARS devait être amenée, en 2015, à contractualiser « avec les établissements dont les pratiques auront été analysées comme s’écartant de la norme régionale » On n’en trouve aucune trace.

Mais on apprend, incidemment et non sans surprise que, depuis 2010, le ministère chargé de la santé pilote des travaux pour améliorer la pertinence des soins. Aucun des rares textes officiels s’y rapportant ne fait référence aux publications émanant de « la société civile » sur ce sujet, ce qui est pour le moins discourtois.

C’est donc à juste titre que la ministre déclare que les pouvoirs publics ne se sont intéressés à ce dossier que très récemment. La HAS, ayant été formellement saisie par la ministre le 13 novembre, le chantier « pertinence des actes médicaux » est désormais ouvert.

Il devra comporter la poursuite d’un inventaire de la situation, pouvant s’appuyer sur deux enquêtes publiées par la FHF le 27 novembre 2017, l’une sur la disparité des pratiques entre région (Atlas HEVA ), et l’autre sur la perception des usagers et des professionnels de santé ( Enquête ODOXA )

Simultanément, doivent être étudiés les moyens à déployer pour mettre un terme au gaspillage des ressources de l’assurance-maladie pour des actes inutiles.

Pour l’Académie nationale de Médecine, parmi d’autres mesures, les dispositions concernant le second cycle des études médicales et les bonnes pratiques cliniques, l’organisation des soins et la rémunération des activités médicales doivent y contribuer.

Selon l’enquête ODOXA, 77 % des Français pensent que lutter contre les actes médicaux injustifiés constituerait un moyen efficace de faire faire des économies à notre système de santé. En ce qui concerne les médecins, 34 %. (Ils étaient 20 % en 2012) pensent que plus de 20 % des actes et examens médicaux ne sont pas justifiés. Si l’on en croit les récentes enquêtes d’opinion, il semble que les Français soient désormais conscients de la nécessité de mettre un terme à l’endettement de l’assurance maladie (7,8 milliards d’euros en 2016) et que, de ce fait, ils soient davantage préparés à l’effort.

Encore faut-il obtenir de leur part un « consentement éclairé » 

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