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Vol de données et espionnage : comment la France peut retrouver sa souveraineté numérique
©Reuters

Bonnes feuilles

La France et l'Europe n'ont aucune maîtrise sur la révolution numérique. L'Internet et ses services sont contrôlés par les Américains. L'Internet siphonne nos emplois, nos données, nos vies privées, notre propriété intellectuelle, notre prospérité, notre fiscalité, notre souveraineté. Nous allons donc subir ce bouleversement qui mettra un terme à notre modèle social et économique. Y a-t-il pour nous une alternative ? Oui. Extrait de "La souveraineté numérique", de Pierre Bellanger, aux éditions Stock (2/2).

Le vol de données : l’économie et le pays en danger

Les systèmes de sécurisation des communications offerts aux gouvernements européens et à leurs équipes, considérés – à juste titre – comme trop fastidieux, ont été souvent abandonnés pour un usage facile et immédiat d’un service de courrier électronique en ligne américain. La préparation de réunions internationales engageant les intérêts européens a été ainsi, en temps réel, connue du renseignement outre- Atlantique. Il est arrivé que des équipes européennes travaillant sur des systèmes d’armement, fruit d’une collaboration communautaire, passent par des services de traduction en ligne pour échanger, livrant ainsi tout leur travail à la concurrence sans même le savoir.

Une nation sans secret n’a plus d’économie : sa propriété intellectuelle est maraudée. Une nation sans secret n’a plus de défense : sa stratégie connue d’avance restera sans effet. Pour les individus, c’est leur être intime qui est menacé. Leur intégrité et leur dignité sont en jeu. Ils sont à la merci de toute interprétation, altération, manoeuvre, manipulation, chantage, déstabilisation, malveillance. Leur vulnérabilité est totale.

Qui connaît les méthodes des services secrets sait qu’il y a là une source de pressions et d’influence quasi infinie et qui n’épargne personne, quels que soient le niveau ou la position auxquels elles se trouvent. Qui peut croire que ces leviers ne soient utilisés actuellement ? Nous sommes dans une situation collective de non- assistance à personne en danger dont la responsabilité revient aux pouvoirs publics. Face à ce défi, notre souveraineté numérique est la clef de voûte de notre maintien en tant que puissance et du devenir de notre prospérité et de nos libertés.

LA RÉSISTANCE

Il faut à notre tour nous servir de la puissance du réseau. Seul un réseau peut en affronter un autre. Nous ne nous en sortirons pas sans cette dynamique. L’objectif est de faire de notre pays une nation en réseau. Il faut reconfigurer notre pays autour du réseau, secteur par secteur.

L’enjeu et la mobilisation nécessaire sont tels que l’initiative ne peut en revenir qu’à l’État. D’ores et déjà, les nouvelles technologies sont fort justement invoquées à chaque rapport public sur l’avenir du pays. Il manque cependant le mode d’emploi et la volonté. Les moyens font également défaut : le récent rapport de la Commission Innovation 2030 a identifié sept priorités d’avenir, dont le big data, et lancé un concours ouvert aux entreprises et doté de 300 millions d’euros… soit 13,8 % du bénéfice net de Google pour le seul troisième trimestre 2013. L’électrochoc Snowden pose soudain la question publique de notre perte de souveraineté. La prise de conscience de la gravité de la situation est en cours. Elle devra se concrétiser par une volonté politique qui engagera le pays entier.

Comment faire ? Comment réorganiser la société dans son ensemble et secteur par secteur autour du réseau ?

Il faut agir immédiatement avec des résultats dans les délais les plus rapprochés. L’incendie n’attendra pas une loi sur les extincteurs. Pour cela, il faut un champion national de l’Internet autour duquel se structurent notre riposte et la reconquête de notre souveraineté numérique.

Plusieurs solutions sont possibles :

– L’initiative publique pourrait susciter l’émergence de ce champion à partir d’un ou plusieurs acteurs de l’Internet français. L’avantage est de propulser la culture

Internet à une dimension industrielle nationale en s’appuyant sur ses entrepreneurs et de ses entreprises les plus dynamiques, pour autant qu’ils le souhaitent. La question se posera de la capitalisation, des ressources et du pouvoir.

– Un deuxième scénario reposerait sur une alliance des opérateurs de télécommunications nationaux au sein d’une filiale commune chargée de constituer le résogiciel national. Le modèle pourrait en être l’opérateur mobile et fournisseur d’accès anglais EE. La société, détenue à parité par Orange et Deutsche Telekom, est une whollyowned subsidiary, c’est- à- dire une filiale propriété à 100 % des deux opérateurs mais disposant en droit et par les demandes du régulateur d’une réelle autonomie de gestion. L’avantage de ce projet est la mutualisation de moyens puissants, un accès aux réseaux de chacun et une dynamique libérée des contraintes de leurs actionnaires. L’inconvénient est, comme le premier scénario, la divergence des intérêts et le contrôle.

– Une troisième possibilité combinerait les deux premiers scenarii avec pour avantage d’associer la culture Internet et la culture des télécommunications en une seule entité, mais démultipliant ainsi les problèmes de tensions centrifuges et de points de vue antinomiques. Comme le disait Churchill : « Un chameau est un cheval dessiné par un comité. » Ces combinatoires peuvent avoir aussi une résonance européenne sous la forme d’un consortium en réseau multinational. Un Airbus du réseau, en quelque sorte.

– Enfin, dernier scénario pour incarner le moteur de cette révolution par le réseau : choisir le premier et principal opérateur de télécommunications national : France Télécom, aujourd’hui Orange. C’est le seul qui maîtrise encore les réseaux et c’est le seul qui a la taille, les compétences et les ressources nécessaires pour se transformer en acteur majeur de l’Internet. Il s’agit également d’une société où l’État a le rôle principal et qu’une dynamique de service public est indispensable pour s’en sortir. C’est autour de cette dorsale numérique que notre destin se jouerait, car Orange peut créer les outils, les services et les réseaux qui vont changer la donne de nos industries et de nos services. Le projet : mettre la France en réseau et faire d’Orange le coeur de ce réseau. France Télécom constitue le premier réseau, le premier fédérateur de talents et de compétences, le premier acteur de l’économie numérique. Orange est de fait la première entreprise Internet de France. C’est à l’opérateur que reviendrait ce rôle majeur, de catalyseur et d’animateur de la mise en réseau nationale.

Extrait de "La souveraineté numérique", Pierre Bellanger, (Editions Stock), 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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