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Voilà pourquoi la révolution digitale ne sera pas française
©Pixabay

Bonnes feuilles

Dans leur ouvrage "Remède contre l'hystérie numérique" (ed. Robert Laffont), Jobic de Calan et Jérôme Cauchard veulent ramener, sans la dénigrer, la "révolution digitale" à sa juste place. Ils aident aussi à comprendre les enjeux que représente une technologie omniprésente et à décrypter une société qui privilégie souvent les discours au détriment des faits, et l'hystérie sur la raison et l'analyse. 1/2

Jérôme Cauchard

Jérôme Cauchard

Jérôme Cauchard est dirigeant d'une entreprise de solutions digitales. Il enseigne aussi à l'Institut d'études politiques de Paris. Diplômé de cette école et de la Sorbonne, il a travaillé pendant plus de quinze ans pour TF1, puis Google.

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Jobic  de Calan

Jobic de Calan

Jobic de Calan est consultant en stratégie de communication. Il enseigne aussi à l'Institut d'études politiques de Paris. Diplômé de cette école, de la Sorbonne et de la Columbia Business School, il a vécu dix ans à New York où il travaillait dans les médias et le digital.

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Car s’il faut parler d’innovation, et non plus de progrès, il faut regarder un point essentiel, qui peut être un point de blocage, au-delà de l’argent, de l’action de l’Etat et d’un certain désir de modernité. Il s’agit de la culture de l’innovation, à laquelle Dan Senor et Saul Singer consacrent toute la première partie d’Israël. La nation start-up, dont nous pouvons douter que le président de la République ou ses conseillers l’aient lu. Elément aussi insaisissable qu’essentiel, cette culture est le terreau sur lequel se construisent des projets entrepreneuriaux, c’est-à-dire un ensemble de réflexes, de comportements et de règles inconscientes qui permettent à des femmes et à des hommes d’inventer et de renouveler. Ils mettent en valeur ces traits israéliens que sont chutzpah et rosh gadol, et qui conviennent si bien aux entrepreneurs. Chutzpah est une forme d’insolence, de culot ou d’audace, qu’on retrouve dans cette aptitude à remettre en cause la décision de quelqu’un, même si c’est un supérieur hiérarchique. Cette capacité, encouragée lors du service militaire obligatoire, est une force quand elle est appliquée à la création d’entreprise ou à l’innovation, car elle permet de ne pas se satisfaire de l’existant et d’exercer un test de résistance quasi permanent pour son projet. Dans le même ordre d’idée, rosh gadol met en avant la capacité d’un individu à utiliser son jugement pour prendre la meilleure décision, et, si nécessaire, à improviser, en remettant en cause la hiérarchie.

La limite, presque infranchissable, reste une culture française rigide, autoritaire, allergique à l’échec. La verticalité française n’est pas seulement celle de l’E´tat ; c’est aussi celle de beaucoup de ses grands groupes, dont la plupart ont été modelés d’après la fonction publique et dont sont issus de nombreux dirigeants. Le jupitérisme n’est pas une invention d’Emmanuel Macron.

Il est l’avatar d’une permanence absolutiste, qu’elle soit royaliste ou républicaine. Pourtant, Senor et Singer le notent bien : l’existence d’une hiérarchie n’est pas antithétique à cette aptitude à critiquer et à remettre en cause les décisions des chefs, comme cela se passe dans l’armée israélienne.

La route sera encore très longue, et quelques révolutions industrielles seront déjà passées par là, avant que la France ne descende de son trône jupitérien et n’accepte que, au nom de l’innovation, de l’efficacité et d’une certaine idée de l’égalité, chacun ait le droit de remettre en cause l’autorité du chef, et que le génie de chaque individu soit libéré. Nous nous permettons de douter qu’une autre culture du travail et de la coopération s’impose à court terme dans ce pays qui a conservé, malgré quelques changements de régime et une passion pour l’égalité, cette distance aristocratique et cette rigidité hiérarchique héritées de l’Ancien Régime, qui ont infusé toute forme d’exercice de l’autorité, de l’école à l’entreprise en passant par l’Administration.

Extrait de "Remède contre l'hystérie numérique" de Jobic de Calan et Jérôme Cauchard, publié chez Robert Laffont.

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