Voilà ce que va coûter à la France le fait de n’avoir jamais essayé le zéro Covid<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Voilà ce que va coûter à la France le fait de n’avoir jamais essayé le zéro Covid.
Voilà ce que va coûter à la France le fait de n’avoir jamais essayé le zéro Covid.
©THOMAS COEX / POOL / AFP

Impact économique de la crise sanitaire

La fermeture des écoles et des commerces « non essentiels » sur l’ensemble du territoire va coûter environ 11 milliards d’euros en aides pour ce mois d'avril. Les 5,8% de croissance annoncés jusqu'ici pour 2021 vont être revus à la baisse, selon les précisions de Bruno Le Maire. Le confinement très strict du printemps 2020 avait amputé le PIB d'environ 30% par mois. Les restrictions sanitaires de novembre dernier ont coûté nettement moins cher à l'économie française. Selon l'Insee, la perte représentait 8% du PIB.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

Voir la bio »

Atlantico : Dans votre article "Aiming for zero Covid-19 to ensure economic growth" vous expliquez que la stratégie de suppression virale est la plus à même de préserver et redynamiser l’économie. Sur quoi vous appuyez vous ?

Patrick Artus : D’abord, il semble un peu tard pour mettre en place une stratégie de zéro Covid. Si on arrive effectivement à mettre en place la vaccination, sans émergence de nouveaux variants, on sortira de la crise par ce biais en juin-juillet. S’il y avait un échappement du virus, comme l’envisagent certains épidémiologistes, la question pourrait de nouveau se poser. Donc la réflexion commence à avoir un aspect rétrospectif, sauf en cas de rebond de la pandémie, et doit permettre d’envisager les prochaines. Ensuite, tous les travaux de comparaison internationale ou à l’intérieur des pays arrivent à la même conclusion : la stratégie de laisser subsister un nombre élevé de cas puis de faire du stop and go, comme ce qu’on fait en Europe, est plus coûteux en vie humaine et en PIB que la stratégie zéro Covid qui consiste à faire baisser drastiquement le nombre de cas.  Elle est moins coûteuse pour l’économie car la plupart du temps, tout fonctionne normalement. Et est aussi beaucoup moins coûteuse en vies humaines. Au mois de juin, elle aurait peut-être été un peu difficile à mettre en place, mais en octobre, novembre, on aurait pu le faire. On aurait pu fermer plus tôt et ne relâcher que quand il ne restait que peu de cas. C’est ce qu’avait annoncé le président Macron en donnant l’objectif de 5.000 cas. On a réouvert à 12.000 et c’est rapidement monté à 20.000. Des travaux américains montrent que ce qui détruit du PIB, ce n’est pas la sévérité des mesures mais le nombre d’infections. Moins il y a d’infections, moins il y a de pertes. Ce qui coûte de l’argent, c’est qu’il y ait des gens malades.

À Lire Aussi

Mais pourquoi la France ne se range-t-elle pas à la stratégie du Zéro Covid ?

Pourquoi n-a-t-on pas appliqué cette stratégie ?

C’est, selon moi, dû à une mauvaise conception dans la perception collective car on a l’impression qu’il y a un arbitrage à faire entre protéger les gens et protéger l’économie. En réalité, ce qui protège les gens protège l’économie. Evidemment ce n’est pas vrai à très court terme. Une fermeture de six semaines couterait plusieurs points de PIB, mais six mois plus tard, on en aurait moins perdu qu’en appliquant notre stratégie de stop and go. Il faut avoir le courage de ces mesures très dures ainsi qu’une stratégie de localisation des cas, d’isolement des personnes, de tests. Ce qu’on fait plusieurs pays qui ne sont pas tous des îles ou des pays autoritaires comme on a pu souvent le dire. On parle souvent du prix d’une vie sauvée, mais ça n’a pas de sens. Peut être aussi est-ce dû à la crainte que la population n’accepte pas cette stratégie, mais je ne vois pas pourquoi. En Australie ou en Nouvelle-Zélande, les gens ont compris que c’était dans leur intérêt. Il y a aussi l’idée que nous n’avions pas la technologie. Mais pourquoi ne l’aurions-nous pas eu alors que l’Islande ou le Vietnam l’avaient ?  En Europe, on a aussi utilisé l’argument qu’un seul pays ne pouvait pas le faire car il aurait fallu fermer les frontières. Mais l’Union européenne aurait pu le faire globalement.

A combien estime-t-on le coût de la différence de stratégie ?

Aujourd’hui, en Asie Pacifique, les économies fonctionnent à peu près normalement depuis le printemps 2020. La Chine a eu environ 2 points de croissance, soit une perte de 4 points de PIB par rapport aux prévisions, l’année dernière. Mais en 2021, elle devrait atteindre 8 points. Donc à la fin de cette année, ils devraient atteindre le PIB qu’ils auraient eu sans la crise à la même époque. Si l’on fait le même calcul en Europe, on va rattraper le PIB qu’on aurait dû avoir sans la crise début 2024. On perd plus de deux ans de croissance par rapport à l’Asie Pacifique. Et quand vous avez un trou dans la croissance aussi long, des gens perdent leurs compétences, des entreprises disparaissent ou s’endettent. Donc il y a plein d’effets induits d’une crise aussi longue. Donc cette stratégie aurait pu nous permettre d’avoir une crise beaucoup plus courte et des dégâts beaucoup moins graves. C’est un mauvais calcul économique car pour éviter de perdre du PIB pendant un mois, on en perd pendant 4 ans. L’année dernière, nous avons enregistré en France – 8,3 % de croissance, là ou aurait dû faire environ + 1,5 %. C’est donc 10 % de PIB qui sont perdus. En 2021, on estime que le pays va connaître 5,5 % de croissance, à mon sens plutôt 4,5 % car la crise va durer. Si 2022 se passe bien, il faudra tout de même la majeure partie de 2023 pour rattraper le retard. Ça sera donc une crise de 4 ans, soit deux fois plus longue que celle des subprimes

À Lire Aussi

Zéro Covid ou confinement : l’Asie (démocratique) dont on ne veut pas, l’Asie (autoritaire) dont on s’inspire

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !