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Non, le travail ne se résume pas à une activité salariée
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Ouverture d'esprit

Dans son dernier livre "Sortir de la crise : un banquier chrétien s'engage", Franck Margain explique comment la société pourrait repenser sa vision du travail. Le salaire ne serait pas une fin en soi... (Extrait 2/2).

Franck Margain

Franck Margain

Franck Margain est vice-Président du Parti Chrétien Démocrate et conseiller régional UMP en Ile-de-France.

Après des études en finances, il est devenu cadre dans une grande banque internationale.

 

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Il faut cependant, à ce stade, s'entendre sur une définition du travail. Contrairement à la conception qui prévaut aujourd'hui, je ne crois pas que l'on puisse le résumer à l'activité salariée. Il y a travail, selon moi, dès l'instant où l'esprit est sollicité pour agir : que ce soit une personne engagée dans la vie associative, une mère de famille qui élève ses enfants, un cadre salarié dans une banque ou encore un écrivain devant son cahier, on travaille dès lors que l'esprit est engagé.

Or, aujourd'hui, soit vous êtes salarié, soit vous n'êtes... rien. Il n'y a qu'à voir le mépris qui entoure les personnes au chômage, mépris qui éclate au plein jour lors du cérémonial des statistiques : chaque mois, tandis que les médias annoncent le nombre de demandeurs d'emplois sur un ton théâtral, les chômeurs sont cloués au pilori. La société, refusant toute dignité fondée autrement que sur le travail salarié, fait peser un jugement sans appel sur l'homme ou la femme privé d'emploi et donc de revenus. Ironie du sort, c'est au moment où l'emploi est devenu la seule valeur de référence dans une société sans valeur qu'il est devenu impossible de donner un emploi à chacun...

Comment expliquer ce paradoxe ? En fait, si le chômeur est tellement déconsidéré, c'est parce qu'il est exclu du salariat, cette forme de travail qui en quelques années s'est vue sur-valorisée. Je le crois profondément : si le salariat est ainsi porté aux nues, c'est parce qu'il est un vecteur de consommation. Le salaire permet de mesurer la capacité à consommer ; par lui, nous devenons un consommateur potentiel. À l'inverse, si les personnes qui donnent leur temps par exemple dans un engagement associatif ne sont pas valorisées, c'est parce qu'aucun salaire ne vient valider leur propension à consommer, à acheter des vacances...

Ne rendent-ils pas pourtant un service éminent à la société ? Si, évidemment, et la valeur de leur activité excède souvent le travail d'un salarié du tertiaire... Reste que, aujourd'hui, ce que la société valorise, c'est la capacité d'une personne à générer de la consommation à travers un salaire. Pourtant, en France, seulement seize millions de personnes sont salariées. Faut-il jeter aux oubliettes les activités non salariées des 50 autres millions ? Considérer qu'elles n'existent pas, ou qu'elles pratiquent la paresse la plus absolue ? Ou estimer, au contraire, que les 20 millions de personnes engagées dans des associations à titre bénévole ou les 400 000 qui militent dans des partis politiques sans en tirer de salaire, travaillent et apportent à la société une plus-value inestimable ?

Le temps est donc venu de sortir de cette vision étroite du travail salarié qui exclut moralement le chômeur de la vie. Le temps est venu de porter un autre regard sur le travail. Notre société refuse de reconnaître de la valeur ou de l'utilité sociale à des activités, pourtant essentielles, parce qu'elles ne correspondent pas à une activité salariée. Ainsi de la famille qui, du seul fait de son existence, est un service éminent rendu à la nation. Or, la société du travail occulte la valeur de cette utilité là. On nous parle « du métier de parents », mais on exige des femmes au foyer qu'elles indiquent sans profession sur les formulaires administratifs et du même mouvement, on refuse aux parents sans emploi la seule valeur de reconnaissance que la société accorde à ses membres : le salaire.

La persistance de la question du chômage implique de transformer profondément le regard sur l'activité humaine. Si nous ne pouvons plus fournir un travail salarié à chacun, et si, comme je le crois, la dignité passe par une activité socialement utile, il faut alors promouvoir les activités non salariées. Il faut donc trouver un moyen de valoriser toutes les actions, même non rémunérées, qui trouvent un sens dans le monde social.

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Extrait de Sortir de la crise : un banquier chrétien s'engage, Les éditions Gascogne (le 16 mars 2012)

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