Violences urbaines et émeutes : 2023, énième année d’échec pour la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres des forces l'ordre arrêtent un émeutier lors de rassemblements après la mort de Nahel à Nanterre.
Des membres des forces l'ordre arrêtent un émeutier lors de rassemblements après la mort de Nahel à Nanterre.
©ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Lutte contre la délinquance

Au total, 722 membres des forces de l'ordre ont été blessées et 35 sapeurs-pompiers lors des émeutes urbaines de l'été 2023.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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La mort de Nahel, cet adolescent de 17 ans, lors d'un contrôle routier à Nanterre le 27 juin, a provoqué une flambée de violences sur l'ensemble du territoire français. De Villeurbanne à Marseille, de Rennes à Cayenne. Les émeutes urbaines, les incendies de bâtiments publics et les pillages de commerces ont touché y compris de petites et moyennes communes. Entre la nuit du 27 au 28 juin et celle du 2 au 3 juillet, 3 354 personnes ont été interpellées par les forces de l'ordre dont un tiers de mineurs, parfois de jeunes enfants. Le bilan est lourd, atteignant un milliard € selon les assureurs : 11 113 incendies sur la voie publique en six jours (principalement des feux de poubelles) et 5 662 véhicules brûlés, 1 313 bâtiments incendiés ou dégradés, dont 254 locaux de la police nationale comme municipale et de la gendarmerie. A Marseille, 400 commerces ont été pillés et vandalisés. Le nombre de policiers mobilisés a augmenté au fil des nuits, passant de 7 000 le premier soir des émeutes à 45 000 par la suite. 722 membres des forces de l'ordre ont été blessées et 35 sapeurs-pompiers.

Le déferlement de violence a été plus bref que lors des émeutes de banlieues d’octobre-novembre 2005 qui avaient duré presque trois semaines, mais beaucoupplus intense. A l’époque 200 bâtiments publics avaient été incendiés et 130 policiers blessés, 4500 personnes interpellées. Pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, le gouvernement a été contraint, le 8 novembre, de décréter l’Etat d’urgence. La fin du quinquennat de Jacques Chirac avait été gravement ternie par cette dramatique secousse.

Ainsi, tous les gouvernements et de toutes les majorités échouent sur la question des banlieues. Depuis 2005, quatre présidents de la République se sont succédé au pouvoir, et huit premiers ministres. En près de vingt ans, tout se passe comme si rien n’avait changé malgré les efforts financiers gigantesques accomplis par la Nation en faveur des cités sensibles. Un rapport de la Cour des comptes du 2 décembre 2020 sur l’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires a pointé les dépenses réalisées dans ce but : « Depuis 40 ans, la politique de la ville a pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers dits « prioritaires » et les autres, en améliorant les conditions de vie de leurs habitants. L’État y consacre environ 10 milliards d’euros chaque année, auxquels s’ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables, des collectivités territoriales. »

En vérité, tout le monde était prévenu du caractère explosif de la situation. L’ancien ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, lançait le 3 octobre 2018, lors de sa cérémonie de passation de pouvoir, un avertissement solennel au gouvernement qu’il quittait : «Monsieur le Premier ministre, si j’ai un message à faire passer – je suis allé dans tous ces quartiers, des quartiers nord de Marseille, au Mirail à Toulouse, à ceux de la couronne parisienne Corbeil, Aulnay, Sevran – c’est que la situation est très dégradée et le terme de reconquête républicaine prend là tout son sens parce qu’aujourd’hui dans ces quartiers c’est la loi du plus fort qui s’impose, celle des narcotrafiquants et des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. Il faut à nouveau assurer la sécurité dans ces quartiers mais je crois qu’il faut fondamentalement les changer, quand des quartiers se ghettoïsent, se paupérisent, il ne peut y avoir que des difficultés et donc (…) il faut une vision d’ensemble car on vit côte à côte et je le dis, moi je crains que demain on ne vive face à face, nous sommes en face de problèmes immenses ».

Six mois plus tard, nul ne reparle encore de ces événements qu’on aimerait pouvoir oublier. Ils ont exercé sur l’inconscient collectif, un effet comparable à celui d’un immense traumatisme sur une personne. Ils sont comme refoulés mais toujours omniprésents, obsessionnels. A l’image des propos de l’ancien ministre de l’Intérieur, ils donnent l’idée d’un conflit violent entre deux France face à face. 2023 fut encore pire que 2005 et qu’en sera-t-il la prochaine fois ? Cette question hante l’inconscient collectif. La révolte des banlieues est d’autant plus tragique qu’elle est irrationnelle, privée de toute revendication et semblant d’organisation, signe du chaos qui s’est emparé d’une partie de la jeunesse sinon de l’enfance… Pis : nul ne perçoit la solution. Jadis, face aux violences sociales, il existait une réponse par la négociation combinée à la fermeté. Tel n’est pas le cas. Quoi qu’il en soit, la réponse ne peut se limiter à des mesures policières, judiciaires, ni même sociales ou urbanistiques. Elle touche à une question de civilisation. La seule réponse possible est de très long terme et consiste, notamment par l’école, à promouvoir, auprès de la jeunesse poussée vers le chaos, les valeurs qui sont celle d’une nation rassemblée autour de ses principales richesses : littéraires, philosophiques, scientifiques, artistiques et ses paysages ainsi que la passion de son histoire, autrement, dit, faire aimer la France. Cela peut paraître utopique mais de fait, il n’existe pas d’autre alternative. 

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