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VIH : une découverte décisive pourrait déboucher sur une avancée thérapeutique majeure
©Maria TAN / AFP

Espoir

Une importante découverte vient d’être faite par une équipe de chercheurs californiens au sujet des mécanismes cellulaires de l’infection par le virus VIH.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Une importante découverte vient d’être faite par une équipe de chercheurs californiens au sujet des mécanismes cellulaires de l’infection par le virus VIH. En quoi est-ce là une avancée prometteuse?

Stéphane Gayet : Cette découverte était espérée depuis longtemps. Il s’agit d’une molécule d’ARN, liée à la multiplication du virus VIH dans la cellule, et qui est indispensable à la poursuite de l’infection virale. C’est même une molécule clef dont la découverte est porteuse de nouveaux espoirs thérapeutiques.

Les grandes lignes du virus du sida (virus VIH) et de ses particularités

La matière vivante, qu'elle soit animale, végétale ou bactérienne, est constituée d'unités de vie appelées cellules vivantes. Une cellule a un métabolisme, respire (consommation d'énergie), a des échanges avec son environnement et son histoire s'achève par la mort, excepté de très rares cellules tumorales immortelles.

Alors que les bactéries (êtres unicellulaires) sont bien vivantes, les virus ne sont que des organismes inertes, sans aucun métabolisme (ni consommation d'énergie, ni respiration), mais infectants et même obligatoirement infectants (en dehors de la situation où ils infectent une cellule, ils sont en état de persistance, plus ou moins durable selon leur résistance dans le milieu extérieur, c'est-à-dire le milieu extra cellulaire).

Le génome (caractères génétiques qui gouvernent une cellule et sont transmis à sa descendance) de tous les êtres vivants est constitué d'acide désoxyribonucléique (ADN), comprenant lui-même des dizaines de milliers d'unités fonctionnelles, qui sont appelées gènes. Certains gènes sont dits codants (ils contiennent le code de la synthèse de protéines) et d'autres sont dits non codants (ce sont des gènes schématiquement régulateurs). Qu'ils soient codants ou non, les gènes sont dans un premier temps, transcrits en ARN qui, à la différence de l'ADN, peut sortir du noyau cellulaire vers le cytoplasme. S'il s'agit de gènes codants, cet ARN est appelé ARN messager ou codant et il va être traduit dans un ribosome en instructions de synthèse pour fabriquer des protéines, grâce à l'intervention de plusieurs ARN de transfert. S'ils ne sont au contraire pas codants, l'ARN formé va coordonner et réguler les synthèses codées par un ou plusieurs ARN messagers.

À la différence des cellules (vivantes), le génome des virus est constitué, soit d'acide ribonucléique (ARN), soit, comme la matière vivante, d'acide désoxyribonucléique (ADN).

Les virus du sida (virus VIH-1 et VIH-2) sont des virus à ARN. Comme pour tous les virus, leur multiplication est passive, ce qui revient à dire que c'est la cellule hôte (cellule infectée) qui est seule active. La cellule reconnaît le virus qui est parvenu au contact de sa membrane plasmique, l'adsorbe, l'absorbe, l'ouvre, lit son génome et commence sa multiplication, qu'on appelle réplication (copie à l'identique). Le chef d'orchestre d'une cellule est son génome ; c'est donc le génome cellulaire qui va en général diriger la réplication virale. Cependant, avec les virus à ADN, c'est l'ADN viral qui orchestre lui-même la réplication virale à l'intérieur de la cellule. Pour les virus à ARN, il y a plusieurs possibilités, selon les familles de virus. S'agissant des rétrovirus comme les virus du sida (VIH-1 et VIH-2), l'ARN viral gagne le noyau cellulaire, est transcrit en ADN viral (opération « anormale ») grâce à une enzyme unique dans le monde biologique, la transcriptase inverse ou rétro transcriptase. Cet ADN viral est appelé provirus. Il s'intègre au cœur du génome cellulaire grâce à une deuxième enzyme, l'intégrase, et y reste, en principe jusqu'à la mort de la cellule. Si la cellule se divise, le provirus VIH est donc transmis à la descendance de la cellule. Du vivant de la cellule, le provirus peut, soit rester latent (latence virale, aussi appelée dormance virale), soit coder pour la fabrication de particules virales (infection virale active) ; mais la cellule ne peut produire que des chaînes de protéines virales, qui doivent donc être coupées en éléments viraux ; cette coupure nécessite, en effet, l'action d'une enzyme virale, la protéase virale (spécifique).

Les virus VIH sont constitués d'un génome à ARN, d'une protection (capside) et d'enzymes que ne possède pas la cellule. Ce sont donc les trois enzymes suivantes : la transcriptase inverse, l'intégrase et la protéase virale.

Le mode d'action des médicaments antirétroviraux actuels, donnés notamment en trithérapie

Les antirétroviraux actuels n'éliminent pas les virus, mais se contentent d'inhiber (de façon assez efficace) : l'adsorption, l'absorption ou la réplication virales par la cellule. Quand on cesse le traitement, l'infection virale qui était rendue latente par le traitement, reprend vigueur dans la très grande majorité des cas. La trithérapie est dès lors un traitement à prendre durant toute la vie, en attendant de nouvelles découvertes.

Les antirétroviraux inhibent, soit l'adsorption (attachement) du virus, soit son absorption par la membrane cellulaire, soit l'action de l'une des trois enzymes virales (transcriptase inverse, intégrase et protéase). Ce sont des traitements coûteux et comportant naturellement des effets secondaires, mais que l'on a réussi à adoucir au fur et à mesure des améliorations.

Il arrive bien sûr que certaines personnes arrêtent leur trithérapie pour des raisons assez diverses, avec naturellement les conséquences que l'on sait.

Quelle est cette découverte récente concernant la réplication cellulaire des virus VIH ?

Depuis des années, les différentes équipes de recherche passent au crible toutes les molécules intracellulaires induites par l'infection virale (molécules intranucléaires et molécules cytoplasmiques). L'idée était d'espérer trouver une molécule clef indispensable au maintien de l'infection virale. Car, comme on l'a vu, les antirétroviraux n'éradiquent pas les virus, mais les empêchent simplement d'exprimer leur génome intégré (provirus) au génome cellulaire.

La comparaison est certes critiquable, mais quand on arrête un criminel, on peut le juger, le condamner et l'incarcérer. Or, tant qu'il est détenu y compris à perpétuité, il conserve l'espoir et la possibilité de s'évader. En revanche, dès l'instant où il est exécuté, il n'y a plus de menace de ce type (ce n'est certes pas un plaidoyer pour la peine de mort).

Les différentes équipes de recherche espéraient donc trouver le moyen d'éradiquer complètement le virus, y compris dans le cas d'une infection latente ou dormante.

Des chercheurs de l’Université de Californie à San Diego (UCSD) ont peut-être trouvé une solution. L'équipe de recherche et plus particulièrement Tariq RANA, pédiatre et chercheur en biochimie, a identifié une molécule dont le blocage pourrait mettre fin à l'infection virale. Ce type de molécule clef, régulatrice, est parfois appelé molécule « interrupteur ».

Cette molécule de découverte récente est un ARN non codant (non messager), bien sûr transcrit par le génome proviral. Puisqu'il n'est pas codant, cet ARN est donc régulateur. Mais son rôle semble être hiérarchiquement élevé : son blocage ou son élimination stoppe radicalement l'infection virale qui ne peut plus redémarrer, y compris après arrêt d'un traitement antirétroviral en cours. Il s'agit d'une molécule d'ARN de grande taille, et l'équipe de recherche l'a appelée provisoirement «ARN long non codant et perfectionné du virus VIH-1» (les travaux portent en effet sur le virus VIH 1, le plus fréquent et le plus dangereux), soit en anglais « VIH-1 Enhanced L nc RNA » ou en acronyme HEAL. Et, fait plein d'intérêt, ces chercheurs ont constaté que cet ARN viral long et non codant était la transcription d'un gène viral qui serait apparu récemment dans l'évolution du virus VIH-1, ce qui représente une preuve de plus de l'étonnante adaptabilité de ce virus diabolique.

Nous n'en sommes qu'au stade de la découverte scientifique, mais on peut dire d'ores et déjà que cette découverte, qui était espérée, est décisive. Les essais ont en effet confirmé qu'en inactivant ou en éliminant la molécule HEAL, la cellule infectée par le virus VIH-1 en était définitivement débarrassée, donc guérie. C'est la première fois que l'on constate un phénomène de ce type. Il est trop tôt pour affirmer que cette découverte aura ou non des débouchés thérapeutiques, mais il est logique et rationnel de l'espérer. Il s'agit là une nouvelle fois d'une avancée marquante.

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