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La colère des CRS exténués monte et certains se mettent en arrêt maladie.
La colère des CRS exténués monte et certains se mettent en arrêt maladie.
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Gare à leur colère !

Depuis les attentats sanglants de janvier 2015, les CRS ont vu leurs missions considérablement augmentées. Certaines compagnies sont depuis plus de quatre mois en constant déplacement. La situation est si tendue que bon nombre de policiers exténués se sont mis en arrêt maladie, au grand dam du cabinet du ministre de l’Intérieur. État des lieux.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Traumatisé par les attentats de janvier et les émeutes du Trocadéro en mai 2013, le gouvernement a tendance à surmultiplier la présence des CRS en région parisienne
  • Le résultat est que bon nombre de CRS  demeurent éloignés de leur caserne. Ainsi,  la CRS de Saint-Omer (Somme), pour les quatre premiers mois de l’année a été 86 jours en déplacement ; la CRS 23 de Charleville ( Ardennes), 81 jours. 
  • Aussi n’est-il pas surprenant qu’une grogne, aujourd’hui larvée, mais qui pourrait monter, se fait sentir dans les compagnies… Avec comme conséquence, arrêts de maladie et dépressions
  • Le Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve semble avoir compris l’ampleur du problème et s’apprête à en discuter avec les différents syndicats de police. Et aussi avec les commissaires.

Un vent de fronde souffle dans la police. Un vent qui pourrait se transformer en tempête. Certes, le gouvernement Valls – qui pourrait le nier ? – a raison de renforcer la présence des forces de police à la suite des attentats de janvier qui ont causé la mort de 17 personnes dont trois policiers…Sauf que du côté de la police, on se demande comment peut-on « faire plus avec moins. » En effet,  en 5 ans, entre 2007 et 2012,  la révision générale des politiques publiques( RGPP) a eu pour effet de supprimer 13 500 postes de policiers et de gendarmes, sans qu’il en résulte une diminution de leurs missions. Bien au contraire. D’autant plus que le pouvoir qui a décidé  une montée maximale du plan Vigipirate souhaite coûte que coûte mobiliser la police, principalement les CRS, de façon intensive. Traumatisé par les attentats de janvier  dernier, le gouvernement le demeure tout autant par les évènements survenus le 13 mai 2013 au  Trocadéro où des centaines de supporters du PSG, venus acclamer les vainqueurs de la coupe de France  ont fait la loi dans les rues avoisinantes pendant plusieurs  heures, la police ayant été débordée. Il est vrai qu’elle était en sous-effectif. Pourtant, le préfet de police, Bernard Boucault, avait été alerté des risques de débordement en laissant les supporters venir au Trocadéro. Les pouvoirs publics semblent atteints par le syndrome du Trocadéro, ce qui les conduit à prévoir un effectif «  surdimensionné » au cas  où…Il n’est pas rare du reste, que les autorités  réclament la présence de deux compagnies de CRS  (80 fonctionnaires opérationnels dans chacune)… alors qu’une seule suffirait.

Depuis le 8 janvier 2015, lendemain  de la tuerie de Charlie Hebdo par les frères Kouachi qui poursuivront leur équipée sauvage jusqu’à l’imprimerie de Dammartin-en Goële ( Seine-et-Marne) où ils seront abattus – sans oublier la prise d’otages du 9,  suivie de l’assassinat par Amedy Coulibaly de quatre clients de l’ Hypercacher de la porte de Vincennes-  les CRS se voient confier de nouvelles missions de garde statique, effectuées principalement en région parisienne. Précisément, à cause de ce nouveau genre de travail, bon nombre de CRS demeurent éloignés de leur caserne. Parfois  très longtemps. Ainsi, la CRS 16 en poste à Saint –Omer (Somme) a, du 7 janvier au 30 avril 2015, travaillé 91 jours dont 86 en déplacement… La CRS 23, installée à Charleville (Ardennes) connait, elle aussi, un nombre de jours travaillés non négligeables : 83 dont 81 en déplacement. A la CRS 23, l’état psychologique des policiers en a pris un sacré coup, puisque sur les 133 personnels que compte la compagnie,  une dizaine, exténuée par le rythme de travail, s’est fait porter pâle fin mars… Ce qui a eu le don d’énerver le cabinet du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. A la CRS 57 de Carcassonne (Aude), la situation semble tout aussi alarmante, tant les effectifs sont en baisse. Les fourgons, dit-on, sont de moins remplis. Mais comme il faut accomplir les missions demandées, adieu les jours de récupération. Songez que  pour le seul premier trimestre 2015, la CRS 57 a été en déplacement 62 jours, 8 week-ends sur 13… De telles conditions de travail ne sont pas sans conséquence sur la vie privée et familiale. Il n’est pas rare, par exemple, que le déplacement d’un CRS prévu pour 3 ou 4 jours, s’éternise pour durer deux voire trois semaines. L’épouse doit s’occuper des enfants, les accompagner à l’école  ou au lycée….Parfois, il arrive ce qui devait arriver : le couple se déglingue et survient le divorce. Et avec lui, une spirale infernale, nous raconte Philippe Capon le secrétaire général de l’Unsa-Police : « En effet, le CRS qui divorce se trouve souvent dans l’impossibilité, surtout lorsqu’il est en déplacement, d’exercer son droit de garde.  Si l’ex-épouse est compréhensive, les choses se passent bien. Mais dans le cas contraire, il n’est pas rare que cette dernière dépose une main courante contre son ex-conjoint, soit à la gendarmerie soit au commissariat de police » Et Philippe Capon de préciser : «  Je connais même des cas où le CRS, qui ne peut pas s’occuper des enfants le week-end pour des raisons indépendantes de sa volonté, doit affronter des procédures judiciaires. Je peux vous dire que ces tristes histoires ne relèvent pas de mon imagination et qu’elles débouchent parfois sur un burn out  ou un état dépressif sévère du fonctionnaire nécessitant un arrêt de maladie. Bernard  Cazeneuve semble avoir pris conscience de l’ampleur du « spleen » voir du mal-être des personnels de police, notamment des CRS. C’est ce qui ressort d’une lettre –dont Atlantico a eu copie- qu’il a adressée le 8 avril dernier à Philippe Capon. Après avoir abordé la question du recrutement de 1404 fonctionnaires d’ici 2017 – 538 sont prévus en 2015-, le ministre de l’ Intérieur se veut rassurant : « Je sais que les policiers  sont en attente  d’améliorations de leur qualité de vie  au travail, et en particulier de la rénovation des cycles horaires prévus par l’organisation générale du travail ( IGOT).  Cazeneuve qui a bien conscience que le feu couve, poursuit son cajolage.  En faisant savoir qu’il présidera prochainement deux réunions  sur la prévention des suicides et des risques psychosociaux et qu’il se penchera sur la carte de circulation des policiers dans l’agglomération parisienne. Les commissaires de police ne sont pas oubliés. Dans une lettre adressée, toujours le 8 avril dernier, à la secrétaire générale Céline Berthon du syndicat, le ministre de l’Intérieur promet pour les cadres de la police une meilleure lisibilité de leur carrière… Attention tout de même que le slogan « on rase gratis » ne devienne pas monnaie courante du côté de la place Beauvau !

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