Victime de son succès : comment l'abondance de gaz de schiste américain a tué la rentabilité de son exploitation <!-- --> | Atlantico.fr
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10 milliards de dollars ont été passés en dépréciation pour les seuls groupes européens sur leurs investissements dans les gazs de schiste.
10 milliards de dollars ont été passés en dépréciation pour les seuls groupes européens sur leurs investissements dans les gazs de schiste.
©Reuters

Décod'Eco

Souvent présenté comme le nouveau "miracle américain", le gaz de schiste a toutefois des revers - et ce n'est pas Rex Tillerson, P-DG d'ExxonMobil, qui ira dire le contraire puisque les géants de l'énergie ont d'ores et déjà noyé le marché.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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L’année dernière, Rex Tillerson, P-DG d’ExxonMobil, avait déclaré que les groupes impliqués dans l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis étaient en train de “perdre leur chemise”. La raison était simple. Autant avoir une idée inédite d’investissement peut s’avérer exceptionnellement rentable, autant avoir cette même idée en même temps qu’une cinquantaine d’autres investisseurs peut s’avérer catastrophique. C’est ce qui s’est passé dans le gaz de schiste.

Rex Tillerson, ainsi que Peter Voser, Christophe de Margerie ou Marius Kloppers, respectivement P-DG d’ExxonMobil, Shell, Total et BHP Billiton, ont tous décidé en quelques mois de monter à bord de la révolution des gaz de schiste. A coups de milliards de dollars, ils ont racheté à partir de 2010 les quelques groupes qui avaient lancé l’aventure. La production a alors réellement décollé.

Résultat, avec leurs capacités d’investissement, ces groupes ont rapidement noyé le marché. Comme l’explique Thomas Porcher, auteur du Mirage du gaz de schiste“, “le prix est tombé à 3 $ par million de BTU (l’unité d’énergie utilisée pour quantifier le gaz, NDLR). Mais à 3 $, le gaz de schiste n’est plus rentable du tout !”.

Cet effondrement a entraîné des pertes financières très importantes. Selon la société d’analyse financière AlphaValue, 10 milliards de dollars ont été passés en dépréciation pour les seuls groupes européens sur leurs investissements dans les gaz de schiste. Et les dépréciations ont atteint 2,8 milliards de dollars pour BHP Billiton, 2,1 milliards pour BP et 800 millions pour Total.

Les conséquences sont allées au-delà de pertes financières, puisque Chesapeake, la société la plus en vue de cette révolution, a licencié son P-DG Aubrey McClendon en début d’année. Leader des gaz de schiste, le cours de la société stagnait autour des 16 $ début janvier, soit au même niveau que début 2009, au plus fort de la crise économique.

Une baisse, cinq opportunités

Le malheur des producteurs de gaz a longtemps fait le bonheur des acteurs économiques et industriels. L’industrie du gaz de schiste aurait ainsi permis de créer entre 400 000 et 650 000 emplois entre 2007 et 2012. Ils pourraient être suivis de 600 000 nouveaux emplois d’ici 2020, si l’on en croit les promesses de campagne du président Obama en novembre dernier.

La baisse des prix a également été une aubaine pour les industriels, qui ont maintenu ou installé sur le sol américain leurs activités les plus énergivores, comme la production d’engrais ou de produits chimiques. Mais les producteurs de gaz ont fini par se réveiller, et multiplient depuis quelques mois les stratégies.

Arrêter d’investir

C’est la solution la plus conservatrice : si produire coûte de l’argent, alors il faut arrêter de le faire. Chesapeake a été une des premières à remettre en cause ses investissements, d’autant plus qu’ils avaient sérieusement endetté la société.

Exploiter du pétrole de schiste

Comme l’expliquait Denis Florin, associé de Lavoisier Conseil, interviewé par Le Monde, dès “qu’il y a aussi des condensats ou du pétrole de schiste dans ces gisements, alors les groupes gagnent de l’argent“. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le petit producteur de pétrole de schiste Kodiak Oil & Gas, a vu son chiffre d’affaires croître de 238% entre 2011 et 2012. Sa marge brute a atteint le taux exceptionnel de 78% !

Les grands groupes sont d’ailleurs de plus en plus tentés de séparer leurs opérations dans le pétrole de schiste américain de leurs opérations à l’international, afin d’accroître leur capitalisation.

Miser sur l’aval

D’autres vont chercher la croissance là où elle est. Ce sont les activités avals qui profitent de la baisse des prix. Ainsi Shell a décidé de construire une usine pétrochimique en Pennsylvanie.

Exporter le surplus

Shell, encore lui, s’est associé avec Kinder Morgan pour créer une usine de gaz naturel liquéfié (GNL) sur la côte américaine. Cheniere Energy a également été un des premiers à miser sur le GNL. A 3 $ le MMBTU, le gaz américain sera particulièrement compétitif sur les marchés européen et asiatique.

Attendre que les prix remontent

Si c’est l’option la moins interventionniste, il n’en reste pas moins que le marché de l’énergie est un marché volatil et soumis à des cycles. Or, il semble bien que la réduction de l’offre et des investissements ces derniers mois commencent à porter leurs fruits. Les prix du MMBTU sont enfin passés au-dessus des 3 $. Le secteur estime que la production de gaz naturel ne sera rentable que lorsque les prix auront atteints les 6-7 $. Les cours ont peut-être touché leur plancher l’année dernière, à 2 $.

Au final, il est probable que le marché du gaz revienne à l’équilibre, poussé par la demande croissante des industriels et les réglementations plus strictes de l’EPA, l’agence de l’environnement américaine, sur les puits de gaz non conventionnels.

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