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Bruno Le Maire économie industrie
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©BERTRAND GUAY / AFP

Compétitivité

Alors que les difficultés s'accumulent, liées au dossier de l'usine Bridgestone de Béthune et suite à l'impact économique de la crise sanitaire, la question du renforcement de la compétitivité de la France est essentielle.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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En fait de compétitivité de la France, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Au plan microéconomique, la fermeture brutale de l’usine Bridgestone à Béthune n’est sans doute que la première d’une litanie de sites industriels qui risquent de fermer dans les mois à venir. Au plan macroéconomique, l’institut Rexecode anticipe pour sa part un déficit extérieur de 68 milliards d’euros en 2020 (dix milliards de plus qu’en 2020), dans un contexte marqué certes par la gravité de la crise économique, mais également par une facture pétrolière considérablement diminuée par le choc pétrolier.

C’est peu dire, dans un tel contexte, combien la question du renforcement de la compétitivité de la France est essentielle, pas seulement pour nous-mêmes, mais également en termes de soutenabilité de la zone euro. La question de la force de nos entreprises est bien sûr au cœur du sujet. Ainsi Véolia, au soutien de sa proposition de fusion avec Suez, a placé cet argument en première ligne : face à une concurrence internationale exacerbée, en particulier de la part d’acteurs chinois, il est essentiel pour la compétitivité française que notre pays dispose d’un géant de l’économie verte. Si l’intention est louable, qu’il soit permis d’y apporter quelques objections. 

D’abord, il y a la question de l’opportunité et de la durée. Comme toute l’économie, Suez et Véolia sont frappés par une crise d’une puissance inégalée de mémoire de paix. Elles ont déjà consacré, et doivent consacrer des efforts majeurs à faire face à cette crise. Est-il, dans un tel contexte, raisonnable de se lancer dans une opération de rapprochement, par définition extrêmement complexe, longue notamment au regard des questions de concurrence qu’elle soulève et du temps que les autorités européennes compétentes nécessiteront, et surtout hostile ? On peut en douter.

Ensuite, bien au-delà de l’affaire en question, se trouve posée la question de ce qui fait la réussite à l’export. Une réponse trop souvent avancée est : la taille. La réalité est autre. Ce qui fait la capacité à remporter des contrats à l’export, c’est en réalité la conjugaison de deux éléments. Le premier, comme nos voisins allemands le comprennent mieux que nous – leurs résultats en termes de commerce extérieur s’en ressentent - c’est une concurrence âpre mais saine entre des acteurs nationaux sur leur marché local, qui les rend dans un second temps beaucoup plus à même de présenter des offres de meilleure qualité et/ou de moindre coût à l’export. Or, en l’espèce, il est difficilement contestable que Suez et Véolia se font bien une forte concurrence, en particulier en France, leur marché historique. La suppression de l’aiguillon concurrentiel nuira immanquablement à la qualité des offres faites. Le second, c’est, quand cela est nécessaire, un soutien intelligent et déterminé des autorités publiques.

Enfin, et surtout, le caractère hostile d’un tel rapprochement, soutenu par l’Etat, enverrait au reste du monde un signal contraire à celui que l’on veut donner. Qu’il s’agisse de la France au travers du durcissement des conditions d’investissement étranger, de l’Allemagne depuis l’affaire Kuka de 2016, et même jusqu’à la très libre échangiste Union européenne qui a remisé, au moins sur le plan des principes, une partie de sa naïveté, tout concourt à mieux protéger les actifs stratégiques européens face au risque de dépeçage. Celui-ci a d’ailleurs commencé à se matérialiser dans le domaine énergétique avec une offensive importante de la Chine depuis quelques années. Dans un tel contexte, comment imaginer sérieusement que l’Etat français – dont il faut rappeler qu’il détient la clé de l’opération au travers de sa participation dans Engie – puisse soutenir une opération hostile, destructrice d’emplois sur le territoire national ? Si cela était, comment les mêmes autorités, qui plaident désormais pour la souveraineté économique, pourrait-elle utilement s’opposer par leur pouvoir d’influence à des opérations de prédation sur des fleurons nationaux par des entreprises extérieures ? La contradiction serait difficilement surmontable. 

La faiblesse notre compétitivité est réelle. Elle n’est pas née d’hier, mais remonte à une série de tournants ratés à la fin des années 1990 (35 heures, impôts de production trop élevés, instabilité réglementaire chronique etc.). S’en préoccuper est une nécessité. Opérer dans l’urgence des rapprochements hostiles entre acteurs français qui se font concurrence n’est pas la solution.

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