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Vers une base britannique à Singapour : derrière la morosité du Brexit, quel espoir de retour pour l'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais" ?
©Tolga AKMEN / AFP

Base militaire

Le retour de la Grande-Bretagne "à l’est de Suez" ?

Thibaud Harrois

Thibaud Harrois

Thibaud Harrois est maître de conférences en civilisation britannique à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 et ancien élève de l'École Normale Supérieure de Lyon.

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Atlantico : Pour quelles raisons le Royaume-Uni souhaite-t-il implanter une nouvelle base militaire en Asie du sud-est? Ce projet a-t-il des chances d'aboutir?

Thibaud Harrois : La volonté du Royaume-Uni d’implanter de nouvelles bases militaires en Asie du Sud-Est participe d’une stratégie plus large de retour « à l’est de Suez ». En 1967, le gouvernement Wilson avait annoncé le retrait des forces britanniques présentes dans la région dans un contexte de décolonisation et de guerre froide. Mais alors que le Brexit menace la place du Royaume-Uni sur la scène internationale en l’affaiblissant considérablement, Boris Johnson, alors ministre des Affaires étrangères, a annoncé dans un discours prononcé à Bahreïn en décembre 2016 le « retour » de la Grande-Bretagne « à l’est de Suez », signifiant ainsi la volonté du pays de redevenir un acteur de premier plan dans la région. Les Britanniques ont déjà renforcé leur présence dans le Golfe avec l’ouverture d’une base militaire permanente à Bahreïn en 2018 (47 ans après leur départ en 1971). L’ouverture de nouvelles bases en Asie du Sud-Est participerait de la même dynamique et permettrait de renforcer les alliances déjà existantes avec des partenaires régionaux comme l’Australie pour garantir la sécurité dans l’océan Indien et en mer de Chine méridionale.

Le Royaume-Uni est-il travaillé par une nostalgie de l'empire, dont le Brexit serait un symptôme? Souhaite-t-il redevenir une grande puissance?

Le Royaume-Uni est entré dans la Communauté économique européenne (CEE) en 1973, à un moment où le processus de décolonisation l’avait conduit à perdre l’influence que son empire lui garantissait sur la scène internationale. Mais c’est justement la CEE, puis l’UE, qui ont permis à la Grande-Bretagne de se maintenir au rang des « grandes puissances », militaires et surtout commerciales. Le vote en faveur de la sortie de l’Union a été motivé en partie par l’idée que les Britanniques pourraient renouer des liens forts avec d’anciennes colonies aujourd’hui membres du Commonwealth, c’est le sens du discours sur « Global Britain ». Mais l’idée que les Brexiteers se font de l’empire et des liens qui perdurent avec ces anciennes colonies est très largement fantasmée. La Grande-Bretagne a beaucoup moins à offrir seule que dans le cadre de l’UE et le déclin qu’a connu le pays ces dernières années en termes de puissance et d’influence ne pourra pas être enrayé par la décision de quitter l’Union européenne. Au contraire, le Brexit conduira très certainement le pays à être plus isolé sur la scène internationale.

Quelle est l'influence actuelle du Royaume-Uni en Asie du sud-est? Le Royaume-Uni post-Brexit a-t-il des chances d'y accroître son influence et de contrer l'influence de la Chine? A-t-il les moyens de ses ambitions?

Le Royaume-Uni est un acteur important de la sécurité en Asie du Sud-Est. Il fait partie des Five Power Defence Arrangements (FPDA), un ensemble d’accords de défense qui le lient depuis 1971 à l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et Singapour. A l’origine, l’ambition des FPDA ne dépassait pas celle d’être un forum de discussion multilatérale, mais les cinq puissances organisent désormais des exercices militaires conjoints et les FPDA constituent un partenariat militaire crucial pour la sécurité de la région. Le renforcement de la présence militaire britannique en Asie du Sud-Est participe de l’effort mené par ses partenaires dans la région, au premier rang desquels l’Australie, pour contrer les ambitions hégémoniques chinoises.
Mais au-delà des questions stratégiques, il est encore difficile d’évaluer les conséquences du Brexit pour l’avenir des relations économiques de la Grande-Bretagne dans cette région. La sortie de l’UE fait perdre aux Britanniques l’important levier que l’Union lui procurait pour négocier avec d’autres organisations comme l’ASEAN ou l’APEC.
Dans tous les cas, le Royaume-Uni ne pourra pas s’imposer seul comme une puissance de premier plan dans la région. Les coupes budgétaires de ces dernières années l’ont conduit à revoir ses ambitions en termes de déploiement militaire et le Brexit soulève de nombreuses interrogations encore sans réponse sur la volonté des potentiels partenaires régionaux de renforcer leurs liens commerciaux avec une Grande-Bretagne isolée.

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