Vers un tassement de la consommation et une croissance moins forte qu’espérée<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'une réunion à l'Elysée.
Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'une réunion à l'Elysée.
©Yoan VALAT / POOL / AFP

Relance ?

La croissance repart et c'est tant mieux pour notre pays. Elle repose sur des piliers qu'il convient de détailler avant d'ouvrir le débat de la solidité de la reprise de la consommation. A la rentrée, bien des paramètres pourraient entraver la prévision de croissance 2021 du Gouvernement qui a tendance à embellir les faits.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Au premier trimestre, la croissance a été totalement nulle : 0,0% selon l'Insee dans sa note du 30 Juillet courant.

Au deuxième trimestre, le PIB a cru de + 0,9% et ceci a provoqué un vif enthousiasme chez Bruno Le Maire qui a omis de préciser les scores de nos voisins européens. Ainsi, il convient de constater posément que l'Allemagne ( 1,5 % ), l'Italie ( 2,8% ) et l'Espagne ( 2,7% ) présentent des taux plus flatteurs et probablement plus pérennes que le chiffre hexagonal qui doit être examiné.

Si la demande intérieure finale ( hors stocks ) présente la même évolution quantifiée que la croissance ( donc + 0,9% ), l'investissement connait une progression significative ( de + 1,1% ) contre 0,4% lors du premier trimestre.

Une consommation de même intensité que l'évolution du PIB

Quant à la consommation des ménages, elle est alignée sur le score de la croissance soit, là encore, +0,9% à rapprocher des + 0,2% atteints au premier trimestre. Autant dire que c'est une variable décisive pour notre avenir économique collectif.

Notons enfin que les importations ont cru plus fortement ( +1,9 % ) que les exportations ( + 1,5 % ) ce qui aboutit à une contribution du commerce extérieur à l'évolution du PIB qui est légèrement négative : - 0,1 point après – 0,5 point au premier trimestre.

Une économie " sous cloche " pendant ce semestre

En ayant recours à de lourdes méthodes keynésiennes, l'État aurait – l'avenir le dira – sauvé l'économie. Dès lors, les chiffres que j'ai souhaité rappeler ici sont à lire via le prisme d'une sphère économique sous assistance respiratoire. Sans les milliards déversés, nous serions encore bel et bien en récession. Évidemment, l'échéance électorale suprême de 2022

est habilement préparée : ainsi, l'Exécutif ne s'est pas hâté de mettre sur les rails les programmes de France Relance. Autant se faire le plus beau possible pour le 10 Avril 2022. La ficelle, peu pourvue d'éthique républicaine, aura une part certaine d'efficacité. Nos impôts sont donc au service de la croissance 2022 du fait de cette tactique et pour être plus précis, souvenons-nous de l'équivalence ricardienne.

David Ricardo avait démontré en 1820 que la dette de ce jour n'est rien d'autre que l'impôt de demain.

Dans ces conditions, le lecteur des états financiers de la France est fondé à conclure que les chiffres macroéconomiques, les agrégats, de 2021 ne donnent pas une image fidèle de la situation profonde de notre économie.

Il suffit d'observer que le pays compte encore 1,3 million de personnes en chômage partiel ce qui est d'autant plus préjudiciable que les différentes fédérations d'employeurs évaluent, au total, à plus d'un million les pénuries de main d'œuvre.

Pour celles et ceux qui estiment que le chiffre prévisionnel de 5,7% de croissance 2021 ( sources : Gouvernement et Banque de France ) est totalement réaliste, il est opportun de souligner que le chômage de longue durée ne cesse de s'amplifier : 2,5% de la population active au premier trimestre 2021 en hausse de 0,4 point par rapport au trimestre précédent ( +126.000 personnes ).

La consommation sous un ciel gris ardoise

Les économistes discutent en ce moment de la résurgence de l'inflation. Le sujet n'est pas aisé et il serait prématuré de crier au loup même si l'Insee a relevé des hausses de prix à la production y compris dans le secteur agricole ( + 7,2 % ).

Le citoyen lambda est en pleine capacité de constater des hausses de prix dans le bâtiment, le bricolage, les produits frais et ainsi de suite.

Quand les consommateurs vont faire les comptes ( carburants, taxe foncière, alimentation, perceptions du risque de tomber au chômage, etc ) ils seront dans l'obligation de restreindre leur fièvre acheteuse post-confinement et ceci aura un impact sur la dynamique de la croissance.

Les nuages sombres s'accumulent au-dessus de la vie quotidienne des Français et une étude du CREDOC sur les vacances est fort instructive.( Juillet 2021 ).

"On aurait pu s’attendre à ce que le relâchement des contraintes sanitaires amplifie une forme de rattrapage dans les projets de vacances. Or les intentions de départ en vacances pour les six prochains mois sont, elles aussi, au plus bas. En mai 2021, 28 % des Français ne savent pas encore s’ils partiront en vacances, un taux jamais constaté. Les projets sont minés par les difficultés financières, mais aussi, en raison de la crise sanitaire, par l’incertitude liée à la complexité de l’organisation des vacances"

Le consommateur contemporain a parfaitement compris que les mois, voire les années à venir, ne seront pas simples. C'est cette prudence qui va saper le moral et altérer l'essor de la consommation.

De la prudence à l'expression de la méfiance économique et sociale

La rentrée financière et sociale sera tonique pour un Gouvernement qui verra les citoyens demander des comptes en matière de pouvoir d'achat ( évolutions des grilles salariales ) et chacun n'écarte pas la possibilité d'une convergence des luttes qui entourent le désormais trop fameux Pass sanitaire et les craintes fondées face aux tensions sur l'emploi.

Une rentrée sociale qui s'inscrira au moment du déploiement de la Quatrième vague sanitaire dont des professeurs de médecine pondérés tels que Patrick Berche ou Bruno Megarbane considèrent qu'elle sera une épreuve significative.

L'éminent éditorialiste du Monde Pierre Viansson-Ponté avait écrit, quelques semaines avant mai 68, " La France s'ennuie ".

A l'automne 2021, pas de risque d'ennui au sens de lassitude mais une flopée d'ennuis au sens de ceux que Jacques Chirac voyait " voler en escadrilles ".

Non, un tel climat sanitaire et social ne saurait être propice à une croissance consistante et la moins inégalitaire possible.

Je ne crois plus à la prévision de 5 à 6% et relève que l'OFCE-Sciences Po' table sur un chiffre proche de 4% du fait du tassement relatif de la consommation escompté au deuxième semestre.

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