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L'annonce du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron est imminente. Un pays administré et non gouverné politiquement risque de renoncer pourtant à toute possibilité d’audace politique…
L'annonce du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron est imminente. Un pays administré et non gouverné politiquement risque de renoncer pourtant à toute possibilité d’audace politique…
©PASCAL ROSSIGNOL / POOL / AFP

Remaniement

Alors que le Premier ministre Jean Castex est sur le point de quitter Matignon, Emmanuel Macron a promis « une nouvelle méthode » pour son second quinquennat. A l’occasion du remaniement ministériel, le chef de l’Etat va-t-il faire le choix de la continuité avec un gouvernement de technocrates tourné vers la gestion des affaires courantes plutôt qu’un gouvernement proprement politique ?

Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : Le remaniement ministériel est imminent. Emmanuel Macron doit impulser avec ses choix sa « nouvelle méthode » et la part d’horizontalité qu’elle est censée apporter, peut-on y croire ?

Benjamin Morel : Je ne pense pas qu’on puisse s’attendre à grand-chose. La composition va sans doute beaucoup bouger pour marquer un renouveau et tenter d’impulser une nouvelle impulsion pour les législatives. Les ministres phares vont soit partir soit bouger. Ils ont assez peu bougé depuis le début du quinquennat : l’Education Nationale, Bercy, le Quai d’Orsay, etc. Cette persistance est assez inhabituelle. On va donc probablement faire un grand ménage, indépendamment de la qualité des ministres. Est-ce que cela va être fondamentalement utile pour les législatives, je n’en suis pas convaincu. Il faudrait aussi que le gouvernement marque une inflexion fondamentale de la politique, ce qui ne se profile pas non plus, au vu des ressources humaines disponibles. Emmanuel Macron sera sans doute la vraie figure de proue des législatives et ne cherchera pas un profil beaucoup plus politique. Il risque de ne pas y avoir non plus de vraie transformation de la méthode de gouvernement.

Ce sera donc la continuité d’un gouvernement de technocrates tourné vers la gestion des affaires courantes plutôt qu’un gouvernement proprement politique ?

Il est vrai que nous avons actuellement un gouvernement de technocrates. On reproche beaucoup à Macron sa méthode très verticale. C’est sans doute dû à son tempérament mais il y a aussi un caractère subi. Il n’est pas libre d’avoir une approche plus politique car derrière, il n’a pas de parti. Le caractère très politique des précédents gouvernements, qui donnait un sentiment de meilleur ancrage, était en grande partie due à la présence, derrière, des partis. Ils avaient formé un personnel politique, pas forcément aligné sur le président mais en tout cas fidèle au parti. Emmanuel Macron n’a pas ça, il a des transfuges. Si on veut être provoquant, ils ont déjà trahi donc cela n’est pas le meilleur gage de confiance. Sans élite au sein du parti, Emmanuel Macron se retrouve contraint à s’appuyer sur un gouvernement d’inconnus ou de technocrates.

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Deuxièmement, quand on parle de technocratisation de la vie politique sous Emmanuel Macron, on vise souvent assez mal. On regarde le symptôme plutôt que les vrais éléments de cette technocratisation. Le problème, ce n’est pas que les ministres soient des techniques mais qu’ils ne dirigent pas vraiment leur ministère et n’aient pas une réelle capacité d’action. L’une des premières démarches d’Emmanuel Macron a été de limiter la taille des cabinets ministériels. Or, ce sont eux qui font l’interface entre le ministre et l’administration et qui permettent de l’encadrer et de la comprendre. Quand ils sont peu nombreux et assignés à des tâches de communication, comme au début du quinquennat, cela pose problème. Soit l’administration répond directement au président, soit elle est en roue libre. C’est ce qu’on a vu pendant ce quinquennat. Elle agissait dans son coin, faute de consignes. L’Elysée a cherché, pendant ce quinquennat, à prendre directement en main Matignon. Certains castings ont été faits par l’Elysée, certaines informations y remontaient directement de la part des préfets et d'autres. Il n’y a donc pas vraiment de pouvoir des ministères. Donc quel que soit le ministre nommé, si la logique ne change pas, cela ne changera pas la donne. Le signal politique du nouveau gouvernement sera important, mais du point de vue de l'orientation politique, on peut douter que cela change les choses concernant la méthode.

C’est donc une volonté directe d’Emmanuel Macron que les choses se passent ainsi ?

Oui. Il a une volonté de prendre la main directement sur l’administration. Entre le président de la république et le directeur d’administration, il n’y a plus d’échelon intermédiaire. Cela mène à une technocratisation car le président n’a pas les moyens d’assumer le rôle de tous ses ministres auprès des hautes administrations. Pour autant il court-circuite tout le temps ses ministres sur ce sujet. On a eu, toutefois, à partir du gouvernement Castex, une correction partielle du problème. Les cabinets ministériels sont redevenus un peu plus nombreux et les ministres plus en charge.

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Quelles sont les pistes permettant d’améliorer la situation ?

Il faut deux éléments essentiels et qui se recoupent. Nous sommes actuellement dans une forme de césarisme technocratique. Pour remettre de la politique, il faut un parlement qui fonctionne, des groupes politiques qui fonctionnent, pour forcer le chef de l'Etat à répondre à des injonctions politiques. Cela le force à s'entourer un personnel politique adéquat. Sans cela, il n’y a pas de possibilité de s’en sortir. En effet, l’administration ne part pas de mauvaises intentions. La plupart du temps, elle n’agit que quand le politique n’est pas en capacité d’agir. Si le politique lui donne des consignes, elle le suit. C’est quand il est absent ou flou qu’elle prend le pouvoir ou en tout cas fait ce qu’elle peut. C’est pour cette raison qu’il faut un personnel politique formé. Mais on peut douter de la volonté d’Emmanuel Macron de faire bouger les choses. Il suffit de regarder la liste des investitures. Les députés sortants étaient très fidèles mais pas tous au niveau. Sans rénovation des partis on est condamnés à ce constat.

Un pays administré et non gouverné politiquement renonce pourtant à toute possibilité d’audace politique…

L’administration ne va pas proposer des choses très innovantes mais ce n’est pas son rôle. Si le politique n’envoie pas d’impulsion, l’administration va gérer les affaires courantes et c’est assez normal. Il faut donc du politique, créatif, capable de proposer des programmes innovants et de former du personnel capable. Les partis ont sous investi dans la formation de leurs cadres depuis les années 1990. Et LREM ne fait pas exception. Il y a besoin de cela, sans quoi on se retrouve avec des mesurettes convenues. L’administration est par définition dans une redite des vieilles solutions. Elle apprend quelque chose à l’ENA, c’était très pertinent dans les années 1990, mais le monde a changé et les vieilles recettes ne marchent plus. Tout le monde le sait mais rien ne change. Le problème, si on laisse l’administration faire, c’est que cela donne le sentiment que, que la gauche ou la droite soit au pouvoir, on applique les mêmes recettes. Donc les gens se mettent soit à penser que la politique ne sert à rien, soit à se révolter.

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Le retour du politique ne semble donc pas pouvoir venir d’un remaniement. La seule option pour qu’il advienne est-elle une absence de majorité pour Emmanuel Macron aux législatives ?

S’il n’avait pas de majorité, cela ouvrirait le jeu. Cela demanderait des négociations sur chacune des décisions politiques. C’est ce que font nos voisins et c’est très loin de la vision apocalyptique qu’on en a en France. Un contrat de coalition engage et fait que le gouvernement est sous la surveillance de ses partenaires. Mais cela n’aurait qu’un effet limité si l’accord de coalition de LREM était avec LR, comme cela est le plus probable. Sur les grands sujets qui structurent le pays, ils sont actuellement relativement proches, tout comme leurs électorats.

Si Emmanuel Macron a une majorité, l’argent récolté lors de ces législatives sera centralisé par le mouvement Ensemble ! Donc Richard Ferrand contrôlera la bourse d’Edouard Philippe et François Bayrou. On peut donc douter qu’il y aura des désaccords majeurs ou de vraies propositions divergentes. Un exemple, la proportionnelle : c’est un sujet qui tient à cœur François Bayrou qui ne nécessite pas de réforme constitutionnelle. Il n’a pas réussi à l’imposer en cinq ans. Je doute qu’alors qu’il n’a plus son autonomie financière, il arrive à quoi que ce soit de plus.

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