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Vers des législatives révolutionnaires en Israël
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Revue des forces en présence

Les législatives se tiendront le 22 janvier prochain en Israël, un scrutin pour lequel le Premier ministre Benjamin Netanyahu est grand favori.

Hagay Sobol

Hagay Sobol

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée, il est vice-président du Think tank Le Mouvement. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d'Abraham ».

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La Knesset, le parlement israélien, s’apprête à renouveler plus de la moitié de ses membres lors des prochaines législatives du 22 janvier. C’est du jamais vu, surtout si l’on considère qu’un bon nombre sont des novices en politique. Par manque d’ancienneté, certains n’ont même pas pu participer aux primaires des partis, mais se retrouvent désormais propulsés aux meilleures places. La benjamine n’est âgée que de 26 ans et elle n’a encore jamais occupé d’emploi. Quels sont les raisons qui ont présidé à ce que l’on doit bien qualifier de « tsunami politique », et quelles conséquences peut-on anticiper dans un contexte international préoccupant ?

Israël, entre le marteau et l’enclume ?

Décidément Israël ne fait jamais rien comme tout le monde. Il y a quelques semaines à peine, le pays était sous une pluie de missiles, et du jour au lendemain, une fois la trêve conclue, le Ministre de la défense Ehoud Barak a décidé de mettre fin, sans préavis, à sa carrière politique, alors qu’il était considéré comme l’un des éléments clés des gouvernements qui se sont succédés. Etla liste n’est pas close des évènements qui ailleurs provoqueraient les plus vives inquiétudes, pour ne pas dire plus. Citons, le vote à l’ONU qui a vu l’amélioration du Statut de l’Autorité Palestinienne en Etat observateur non-membre, le discours enflammé du Hamas pour fêter ses 25 ans, l’instabilité croissante en Egypte après les initiatives unilatérales du Président Morsi, la menace du recours aux armes chimiques dans la crise syrienne, les affrontements intercommunautaires qui déstabilisent le Liban, et la bombe iranienne. Pour ne pas parler de l’isolement croissant de Benjamin Netanyahou sur la scène internationale, suite à l’annonce de la reprise des constructions en Cisjordanie.

Paradoxalement, lorsque l’on est en Israël, on ne ressent pas cette impression d’être pris entre le marteau et l’enclume. Pour Daniel Bensinon ancien journaliste et député travailliste, « si le pays agit ainsi, c’est qu’il peut se le permettre. Tout ne va pas si mal ». En fin connaisseur de la vie politique israélienne, il remarque que plus que tout autre sujet, « ce qui préoccupe les électeurs, ce sont les passages d’un parti à l’autre, et l’effondrement des partis traditionnels au profit de nouveaux créés pour l’occasion ». A l’image de celui de Tsipi Livni, l’ancienne Présidente de Kadima qui n’a même pas de nom, s’appelant tout simplement le Groupe, « Hatnua » en hébreu. Les idéologies, semblent désuètes, « ce qui sépare aujourd’hui la gauche de la droite, c’est moins de 1% de leur programme. Dans leur majorité, ils sont d’accord sur pratiquement tout, sur la paix, sur la question des deux états et sur le social ». La campagne électorale a changé de physionomie, elle n’est plus centrée sur les idées, mais sur les personnes. « Nous sommes allés encore plus loin dans ce domaine que les américains. Je ne sais pas si c’est un bien, mais le fait est là ». Pour l’heure, personne n’est en mesure de pronostiquer l’impact réel de ce changement annoncé. Mais en dépit du fait que « tous les sondages donnent la coalition Likoud-Beitenou emmené par Benjamin Netanyahou gagnante, un renouvellement aussi profond de la vie parlementaire ne peut pas être neutre, tant en termes de politique intérieure qu’extérieure ».

Netanyahou et Abbas les meilleurs ennemis ?

Pour Gilbert Benhayoun, le Président français du « Groupe d’Aix », le Think Tank israélo-palestinien à l’origine d’un grand nombre de propositions ayant fait avancer le processus de paix, il y a plusieurs niveaux de lecture. « Nous ne sommes pas dans un cul de sac. Il existe des solutions. Elles sont connues de la majorité des acteurs. Et quel que soit la situation sur le terrain, nous continuons à travailler, à avancer, et à transmettre des rapports à toutes les parties ».

De fait l’attitude de Netanyahou, considérant l’action unilatérale de Mahmoud Abbas à l’ONU comme contraire aux accords d’Oslo, n’est pas une surprise.En pleine campagne électorale, il n’est pas question pour lui de céder sur quoi que ce soit, alors qu’il est talonné par les « ultranationalistes » de Nephtali Bennett. Quant à la déclaration sur les constructions dans la zone E1 (East number 1), « C’est avant tout un effet d’annonce. Il ne s’agit en fait que de la reprise en considération d’un plan de construction ancien qui a déjà été avancé, puis abandonné par d’autres Premiers Ministres, dont Itzhak Rabbin. On est encore très loin d’un passage à l’acte ». Idéologiquement, le Premier Ministre est sur une ligne dure, mais il ne faut pas oublier non plus que c’est lui qui a signé l’accord d’Hébron avec les palestiniens, une ville ayant un rôle crucial dans le judaïsme, puisque s’y trouve le tombeau des Patriarches et qu’elle fut la capitale du Roi David.

Quand à Mahmoud Abbas, en bout de course, il n’a pas préparé sa succession, et n’a que peu de cartes dans son jeu. La Palestine est divisée sur le terrain en deux entités ennemies. La reconnaissance onusienne en tant qu’Etat observateur non-membre l’a remis en selle, face au Hamas adoubé par le Qatar. Son discours du 29 novembre qui n’avait rien d’un préambule à des négociations, doit s’interpréter en premier lieu comme « une surenchère où l’on n’abandonne rien avant de se remettre autour d’une table avec le partenaire israélien qui sortira des urnes ». Car au-delà des mots, il est une autre réalité, celle du terrain, avec « la coopération économique et sécuritaire, où chacun a intérêt à ce que cela se poursuive ». La vrai question est celle de la relève : « ce n’est pas tant Marouane Barghouti, populaire parce qu’il est en prison, qu’une jeune garde prête à prendre les commandes pour faire avancer les choses. De cette lutte des anciens et des nouveaux au sein du Fatah, le parti du Président de l’Autorité Palestinienne, dépendra en partie l’avenir.

La Palestine, combien de divisions ?

Pour le Hamas, les choses sont plus complexes.Le groupe islamiste qui préside aux destinées de Gaza est en pleine recomposition. Sa branche militaire, soutenue par l’Iran a été considérablement affaiblie lors de l’opération « Pilier de défense », au profit de sa branche politique ayant pris ses distance avec Téhéran, et qui est désormais financée par le Qatar. Ce qui d’un point de vue stratégique peut être considéré comme une bonne chose. Khaled Méchaal, le chef du Hamas en exil, tente de retrouver un nouveau souffle depuis qu’il a quitté la Syrie, le meilleur allié du régime des Mollahs. Aussi, « son discours incendiaire, lors de sa première visite dans l’étroite bande côtière, était surtout à vocation interne, car il n’a nullement les moyens de ses ambitions ». Tiraillé entre des tensions contradictoires, le Hamas a toujours en perspective la réunion de Gaza avec la Cisjordanie, mais ce n’est probablement pas la réconciliation à laquelle pense Mahmoud Abbas. Et tant que les différends seront aussi profonds, la réalité restera celle d’une Palestine divisée ou d’un « non-Etat », en dépit de toutes les déclarations.

La guerre des mots

Face à ce « jeu de rôle », l’Europe s’est officiellement rangée derrière Mahmoud Abbas, pour le renforcer vis à vis du Hamas, et a condamné sans ambiguïté l’attitude de Netanyahou. Les USA, de leur côté, ont critiqué de manière véhémente les « mesures unilatérales de chaque camp ». Et dans la foulée, Obama a demandé aux deux parties que cesse immédiatement leur « guerre des mots ». En vérité, à part la convocation des ambassadeurs d’Israël à l’étranger, la réaction a été somme toute modérée. Rien ne sera entrepris avant de connaître les résultats des élections législatives israéliennes. Les occidentaux doivent également tenir compte dans leurs prises de décision des incertitudes liées à l’instabilité en Egypte, en Syrie et au Liban, pays frontaliers d’Israël. Et comme le dit Eli Yishaï, le Ministre de l’Intérieur issu du Shass, le parti orthodoxe sépharade, « le monde, doit comprendre notre position et notre légitime appréhension à faire des concessions, si nous risquons de voir notre partenaire aux négociations remplacé le lendemain ».

La solution de deux Etats ou un Etat binational ?

Hormis, de rares exceptions, tel Réouven Rivlin, le Président de la Knesset, tout le monde autant à droite qu’à gauche est pour la solution de deux Etats. Pour Daniel Bensimon, « même les palestiniens, dans leur majorité sont d’accord sur cela ». Gilbert Benhayoun rappelle qu’Israël a dû choisir, pour se constituer, entre trois principes : être un Etat juif, la démocratie et revendiquer toute le territoire Biblique. « Il n’est pas possible d’avoir les trois à la fois. Soit l’on veut vivre sur toute la terre et l’on accepte un Etat binational, ou encore un Etat juif non démocratique, soit l’on opte pour un Etat juif et démocratique et alors il faut faire des concessions territoriales comme l’avait fait en son temps David Ben Gourion, le Père de l’Etat hébreu ».

L’Iran en ligne de mire ?

Depuis que la campagne électorale bat son plein, l’Iran ne semble plus au centre de toutes les préoccupations. Est-ce à dire que le régime des Mollahs ne représente plus un danger ? Rien n’est moins faux pour Eli Yishaï : « la République islamique est une menace existentielle, et Ahmadinejad ne manque jamais une occasion de prophétiser notre destruction. Un Iran nucléaire n’est pas que le problème d’Israël, c’est une menace pour toute la région, à commencer par les monarchies pétrolières qui approvisionnent l’Occident, et pour le monde tout entier ». Mais ce silence relatif, peut s’interpréter d’une toute autre manière. C’est lorsque l’on en parle le moins que les choses se préparent vraiment. Il suffit de se rappeler la destruction d’Ozirak, ou encore récemment, l’attaque de la centrale syrienne. On sait également qu’il se mène une cyber-guerre qui dans son efficacité n’a rien à envier aux récents succès du « dôme de fer ». Quoi qu’il en soit, il est d’autres indices qui font dire que ce calme n’est qu’apparent. Il s’agit par exemple, de la demande faite par le Pentagone de livrer à l’Etat hébreu près de 2.000 « bunkers blusters », ces bombes de forte puissance guidées par satellite, capables d’atteindre les installations nucléaires souterraines perses.

Un grain de sable dans une mécanique bien huilée ?

Malgré le contexte chaotique, cette cacophonie géopolitique où chacun semble jouer une partition indépendante, est en fait une mécanique bien huilée, avant de passer à la table des négociations le plus tard possible, et en espérant faire le moins de concessions. Cependant, à trop attendre, un grain de sable pourrait bien gripper tout le système. Le premier en date, est le brusque retrait « provisoire » de la scène politique d’Avigdor Lieberman, le Président d’Israël Beitenou, suite à sa mise en examen ; un coup dur pour la coalition de Netanyahou. Cette « surprise désagréable » peut en augurer d’autres. Il suffirait par exemple qu’un palestinien s’immole par le feu à Ramallah, désespéré par la crise économique et la corruption, signant ainsi, comme en Tunisie, l’effondrement de l’Autorité Palestinienne, et la disparition d’un partenaire pour les négociations à venir. Ou bien encore, il se pourrait que l’on assiste à un regain de violence à Hébron, entre habitants des implantations et palestiniens qui ferait tâche d’huile. « Des évènements individuels et incontrôlés sont en mesure de tout faire basculer à chaque instant, et de sonner le départ d’une troisième intifada ».

Un renouveau du paysage politique pour quoi faire ?

Pour bien comprendre la situation, il est important d’avoir à l’esprit que dans la population israélienne, le désir de paix est bien réel. Chaque parent a le cœur serré de voir ses enfants partir combattre, comme encore récemment. Et malgré cela, les électeurs s’apprêtent à accorder une majorité confortable à une coalition de droite et nationaliste. Ce qui peut paraître paradoxal au premier abord. En fait, l’histoire l’a amplement démontré, ce n’est pas la gauche qui rend des territoires, mais la droite, comme en leur temps, Menahem Begin pour le Sinaï, ou Ariel Sharon pour Gaza. Mais, il existe également une grande défiance pour la classe politique. C’est ainsi que l’on peut comprendre la volonté parallèle d’un profond renouvellement, avec l’entrée massive de nouveaux acteurs qui ne sont pas encore formatés par le système. Ces derniers pourraient alors être « un contrepoids salutaire aux vieilles habitudes politiciennes ».

Cependant, le temps presse, et il est à craindre que les évènements ne laissent pas à ce renouveau tant attendu, l’opportunité de se déployer. Car comme le dit Shimon Perez, le dernier des Pères fondateurs d’Israël, « le statu quo, n’est pas une bonne chose. Au bout du compte, si l’on n’agit pas, les modérés risquent de se voir imposer sur le terrain, une réalité qui ne correspond pas aux aspirations du plus grand nombre ».

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