Vente Privée lance Miam Miam : internet est-il enfin en train de devenir ce que la bulle de l'an 2000 laissait imaginer ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le nouveau site Miam miam commercialisera des produits alimentaires secs et frais.
Le nouveau site Miam miam commercialisera des produits alimentaires secs et frais.
©Picard

Commerce surgelé

Le nouveau site lancé jeudi 24 octobre par Vente-privée.com, Miam miam, commercialisera des produits alimentaires secs et frais. La nouvelle plateforme de vente en ligne mettra tous les jours un article français en avant.

Christophe Benavent

Christophe Benavent

Professeur à Paris Ouest, Christophe Benavent enseigne la stratégie et le marketing. Il dirige le Master Marketing opérationnel international.

Il est directeur du pôle digital de l'ObSoCo.

Il dirige l'Ecole doctorale Economie, Organisation et Société de Nanterre, ainsi que le Master Management des organisations et des politiques publiques.

 

Le dernier ouvrage de Christophe Benavent, Plateformes - Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux : comment ils influencent nos Choix, est paru en mai  2016 (FYP editions). 

 
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Atlantico : Aujourd’hui où en est-on de la réalisation des fantasmes nés avec la bulle internet ? La dématérialisation est-elle finalement parvenue à faciliter la vie quotidienne des gens ?

Christophe Benavent : Par définition, les fantasmes ne se réalisent jamais ! En l’occurrence, Internet en crée plutôt du nouveau au fur et à mesure qu’il évolue. La principale illusion était de se dire que l’on pourrait créer un monde où tout serait acheminé à domicile et que l’on pourrait tout obtenir de chez soi. Mais cela relève encore du fantasme.

Aujourd’hui, dans le domaine du commerce, on assiste tout de même à l’apparition de certains comportements hybrides que l’on n’aurait pas imaginés dans les années 2000 avant la bulle internet, et notamment le ROPO (Reserch online purchase offline) qui consiste à faire ses recherches en ligne avant de concrétiser son achat en magasin et, à l’inverse le magasin connecté aussi appelé showrooming. Mais on ne peut pas interpréter cette diversification des modes d’achats des consommateurs comme un pas supplémentaire vers le magasin  à la maison. Un autre fantasme irréalisable consiste à penser qu’Internet est un substitut du réel. Mais il fonctionne plutôt comme un facteur de transformation du réel et de l’innovation.

Peut-on désormais tout vendre sur internet, comme le vise Amazon, y compris des produits alimentaires frais ? 

Sur l’alimentaire, on ne peut pas parler de dématérialisation : seul le mode de prise de commande change de nature, mais il s’agit toujours d’un produit physique. Au passage, il faut savoir qu’Amazon vend déjà des articles alimentaires au Japon.

Pour l’acheteur, cette possibilité représente une combinaison supplémentaire dans sa panoplie de modes d’achat différents. Mais cela risque de rester une niche et je ne pense pas que ce mode d’achat remplacera un jour les épiceries de luxe plus traditionnelles, même si cela risque de les stimuler pour proposer des solutions nouvelles. Regardez Hédiard qui vient de déposer le bilan : une de leur difficulté provient du fait qu’ils n’avaient pas compris ce qu’il était possible de faire sur Internet, et continuaient à axer leur stratégie sur le produit et non sur l’expérience d’achat. Alors que les clients s’intéressent de plus en plus aux conditions dans lesquelles est acheté le produit : livraison rapide par exemple.

Vente privée propose de son côté un autre modèle. Il s’adresse aux consommateurs qui ont une alimentation normale le reste du temps mais souhaitent de temps en temps se faire plaisir en réalisant en plus une bonne affaire. Ils proposent pour cela des produits de luxe à des prix compétitifs afin de séduire des consommateurs occasionnels de produits gastronomiques.

Comment la généralisation du canal Internet est-elle devenue possible ? Quels risques cela engendre-t-il en matière d’homogénéisation de notre consommation ?

On ne peut pas encore tout vendre en ligne. La vente de produits dématérialisés bien sûr comme les réservations d’hôtel, ou les locations de voiture fonctionne très bien en ligne. Les produits standardisés se vendent également plutôt bien sur Internet, je pense aux produits électroniques par exemple. Alors qu’on pourrait penser qu’il nécessite un contact ou un essayage préalable, le textile est en train de réaliser une importante percée dans les ventes en ligne. Mais ce n’est pas tellement une surprise car Internet ne joue finalement que le rôle de substitut technique de la vente par correspondance qui existe depuis longtemps dans ce secteur. Malgré ces importantes différences, on pourra vendre demain sur Internet tous les produits mais ce canal ne représentera jamais 100% des ventes.

On aurait pu penser que l’alimentaire résisterait à cette tendance, notamment en raison de l’aversion élevée au risques sanitaires de la part des consommateurs, en particulier pour la viande et les produit frais mais on découvre aujourd’hui qu’il devient envisageable de procéder à ces achats sans passer par des magasins. Là encore, rappelons que la livraison était déjà possible pour certains produits alimentaires comme le pain, ou la bière dans le Nord de la France, avec le passage d’épiceries roulantes en milieu rural. Internet créée simplement de nouvelles occasions. La nature de la situation d’usage est finalement plus déterminante que celle du produit lui-même : un dîner surprise par exemple créera le besoin d’une livraison rapide. 

Internet est un canal de vente particulièrement adapté aux achats récurrents et peu impliquant qui présentent par ailleurs des incommodités de transports par exemple comme des packs de bouteilles d’eau ou des couches. Son seul obstacle provient des coûts de livraison qui peuvent encore empêcher certains achats.

Je ne pense pas que la généralisation de canal de vente entraîne une homogénéisation des produits. Celle-ci est plutôt due à la concentration de la distribution. La réduction massive du nombre de référence dans les supermarchés existait bien avant internet, à travers les processus de category management, ces accords conclus par catégorie de produit et non pas par marque entre les distributeurs et certaines multinationales. C’est ce qui explique pourquoi dans les rayons des glaces, vous ne trouvez par exemple que deux groupes, Unilever et Nestlé. Internet peut au contraire amener plus de diversité, car il permet à certaines PME, qui parviennent à domestiquer ce canal, à proposer de nouveaux produits.

Quels produits résistent encore à cette tendance ? Pourquoi restent-ils encore coupés de ce canal, et pour combien de temps ?

Sans doute parce que leur valeur réside essentiellement dans l’acte d’achat lui-même plutôt que dans le produit lui-même. Je pense au cinéma par exemple qui, contrairement à la musique, ne souffre pas trop d’internet. On aurait pu imaginer qu’entre la VOD et la généralisation des rétroprojecteurs, les ventes de tickets de cinéma allait décroître, mais les salles sont finalement toujours aussi remplies. Pourquoi ? Car le plaisir vient aussi des conditions d’acte d’achat et de l’expérience même de son visionnage. Prenez l’exemple du carton du film Gravity : il s’explique par l’intérêt des conditions du direct et notamment la technique 3D, la présence sociale des autres spectateurs et le partage des émotions.

Dans l’alimentaire par exemple, on peut imaginer que la grande gastronomie 3 étoiles ne sera jamais livrée. Certaines tentatives de restauration à domicile fonctionnent mais elles créent des produits et des services différents qui peuvent cohabiter avec les anciens sans les remplacer.

Les consommateurs sont-ils prêts ? Leurs usages ont-ils suffisamment évolué en ce sens ? Comment vont encore changer ses comportements à l’avenir ?

Oui, les usages sont en train de changer : 85% des foyers sont connectés à internet et 50% des consommateurs détiennent un Smartphone. Le consommateur est aujourd’hui appareillé d’outils pour mieux consommer : s’informer, choisir et payer plus efficacement. Et les consommateurs apprennent très vite. Pour un achat relativement important, plus de la moitié d’entre eux jettent d’abord un coup d’œil sur Google pour comparer les prix avant de se rendre en magasin. C’est un important changement de méthode.

En ce qui concerne les usages futurs, il est plus difficile de se prononcer. Les innovations apparaissent toujours là où on ne les attend pas. Le contexte actuel favorise l’innovation, mais laquelle ? Il faut donc être attentif à de nouvelles tendances qui émergent comme la consommation collaborative symbolisée par l’explosion d’un site comme Blablacar par exemple. Le covoiturage existe depuis 10 ans mais d’un seul coup, ce modèle exotique de transport est devenu significatif du marché, à tel point que la SNCF a acheté de son côté le site 123covoiturage et que les opérateurs de transport urbains reconsidèrent la palette de leur offre de transports pour inclure éventuellement ce type de solutions.

Propos recueillis par Pierre Havez

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