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Vénézuela : ce dangereux “détail” qu’oublient les diplomaties occidentales
©Federico PARRA / AFP

Tensions au Venezuela

Plusieurs pays mettent la pression sur Nicolas Maduro en reconnaissant son challenger, Juan Guaido, comme "président en charge" au Venezuela, ce qui peut augmenter la tension dans un pays où les armes sont omniprésentes.

Christophe Ventura

Christophe Ventura

Christophe Ventura est chercheur à l’IRIS. Spécialiste de l’Amérique latine, il a réalisé un grand nombre de missions dans la région (Argentine, Brésil, Mexique, Amérique centrale, Venezuela, Uruguay). Journaliste, il suit depuis le début des années 2000 les évolutions politiques, économiques, sociales et géopolitiques dans cette région et publie régulièrement des articles dans divers journaux et revues (Le Monde diplomatique, Diplomatie, Mémoire des luttes, etc.).

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Atlantico: La situation est très tendue et la position des pays reconnaissant Juan Guaido comme président par intérim ne risque-t-elle pas de mettre de l'huile sur le feu ?

Christophe Ventura: C'est un des risques assez clairs de cette escalade. C'est une confirmation d'une position qui prend parti dans le conflit vénézuélien. Partisane dans le sens d'un alignement avec la politique avancée de Washington sur le conflit intérieur. Aujourd'hui, c'est un pas de plus vers le scénario du pire. Il faudra suivre ça de près. Les chancelleries européennes doivent avoir ça en tête, car il y a une tentative européenne d'ouvrir un espace de dialogue, de négociations à Montevideo le 7 février où l'UE va participer à une rencontre internationale. On est dans une diplomatie à double détente. C'est difficile d'entrer dans une négociation alors qu'on a pris parti pour un acteur local. La seule manière d'éviter l'affrontement, voire l'intervention, c'est de voir déboucher cette rencontre sur quelque chose d'autre. 

Ne peut-on pas voir une forme de confusion dangereuse des européens qui penseraient que le rejet de Nicolas Maduro vaut soutien à Juan Guaido et à son parti ? 

Il est clair que le soutien à Guaido aussi direct et unilatéral, soit répond à des analyses très assumées des conséquences, soit oublie qu'au Venezuela M. Guaido représente quelque chose de très significatif, qu'il a réussi à réunifier une opposition qui est très largement fragmentée, mais qu'il y a aussi un autre acteur qui ne tient pas que par rapport à sa personne et à l'institution militaire mais que le chavisme toujours correspond à une partie, la moitié, de la population. On oublie que ce courant sociopolitique qu'on appelle le chavisme reste fort. On peut contester l'entraîneur et le capitaine et rester attaché au maillot, pour prendre une métaphore footballistique. Quand il y a raison d'Etat, quand les choses à ce point au bord de l'abysse, on doit comprendre aussi que ces bases sociales existent et s'organisent. Les positions des uns et des autres tendent à ajouter à l'ultra-polarisation dans ce pays et c'est tout sauf le chemin de la désescalade.      

Alors que le chavisme est fortement intégré à l'armée, que les quartiers pauvres (barrios) sont réputés être armés, ce soutien à 'Volonté populaire" ne risque-t-il pas d'alimenter une probabilité de guerre civile dans le pays ? 

Bien sûr. C'est ça le scénario du pire. Au Venezuela, les gens sont armés partout, pas que dans les quartiers populaires. C'est un problème. C'est un pays qui est surarmé. Si vous rajoutez à cela le phénomène de criminalité organisée, il y a une situation explosive. C'est l'une des raisons qui explique la violence qui peut rapidement se déclencher quand il y a des affrontements, des mobilisations tendues. Cela peut vite déraper. S'il n'y a pas de négociations au Venezuela, il y aura une guerre civile. On sait que Maduro détient le pouvoir d'Etat réel. L'armée, les forces de l'ordre, renseignements, administrations, une armée de 230 000 hommes, des milices populaires de 1,5 à 2 millions d'individus. C'est une force. M. Guaido n'a pas ça. La société est fracturée, entre deux blocs qui sociologiquement se valent plus ou moins et dont les choix politiques et l'adhésion peuvent osciller à l'avantage du chavisme ou de l'opposition. Il y a eu des périodes de fragmentation de la droite, ou lorsque Maduro a été boudé. Mais à chaque fois qu'il y a eu raison d'Etat, le chavisme a toujours réussi à se réunifier. Chaque camp a récupéré une partie très importante de ses capacités de mobilisation. On sait que ce pays est comme ça. Il y a en plus une subdivision territoriale entre les villes (plutôt proches de l'opposition) et la campagne (plutôt proches du chavisme). 

Quelle serait l'alternative à un tel scénario ? Existe-t-il une opposition intermédiaire, entre Nicolas Maduro et Juan Guaido, capable d'unifier le pays tout en tirant un trait sur l'ère Maduro ? 

Politiquement, il n'y a plus de place pour le centre, à ce niveau de tensions. Il n'y a pas plus d'intermédiaire. Ensuite, la seule voie intermédiaire, c'est la voie proposée par le Mexique et l'Uruguay, qui ont proposé non pas une radicalisation du scénario mais d'ouvrir un espace de négociation entre le gouvernement et l'opposition avec l'appui du secrétaire général de l'Onu et du Pape. Cette proposition est épaulée par l'UE. L'UE qui va participer à cette réunion pour poser l'issue d'une élection dont le communiqué ne spécifie pas si elles sont présidentielles ou législatives, puisque Guaido demande des présidentielles et que Maduro concède des législatives. La question est posée à l'ordre du jour de cette réunion. C'est la seule aujourd'hui où il peut y avoir quelque chose de différent. Mais il faut rester prudent parce que les coorganisateurs de cette rencontre viennent de reconnaître Guaido comme président en charge. On est dans de la dentelle diplomatique. En parallèle, les Etats-Unis accroissent la pression sur le gouvernement vénézuélien, avec une intervention militaire qui se prépare ces jours-ci, avec le blocage des ressources financières. M. Trump a d'ailleurs redit hier soir que l'option militaire était certainement une option.  

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