Vaccination Covid-19 : mais quand est-ce que les hommes politiques français se résoudront à donner l’exemple ?<!-- --> | Atlantico.fr
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coronavirus classe politique hommes politiques France campagne de vaccination vaccin covid-19 exemples inciter les Français
coronavirus classe politique hommes politiques France campagne de vaccination vaccin covid-19 exemples inciter les Français
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Mais pourquoi les hommes politiques hésitent-ils à se faire vacciner? La France a raté les masques, elle a raté les tests, elle va rater la vaccination. Alors que l’exemplarité est une des valeurs cardinales de la fonction, les hommes politiques font la sourde oreille au lieu d’être en première ligne pour faire la pédagogie de la lutte contre le Covid.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les hommes politiques n’ont-ils pas un devoir d’exemplarité ?  Et notamment ceux de la majorité ? Ministres, députés, sénateurs, qui normalement devraient soutenir la politique du gouvernement, se sont mis pour la plupart aux abonnés absents dès qu‘on les interroge sur le vaccin. Comment s’étonner que les Français soient méfiants ?

Attitude curieuse de tous les responsables à un moment où la France est en proie au scepticisme sur l’opportunité de se faire vacciner qui est pourtant sans doute, la seule solution connue à ce jour pour nous sortir de ce piège qui est en train de démolir la société. 

Aucun politique ou même aucune personnalité publique n’a jusqu'à présent fait part de sa volonté de se faire vacciner pour donner l’exemple, inspirer confiance à cette grande majorité des Français qui font de la résistance. 60% de la population s’opposeraient à cette vaccination pour des raisons multiples, dont aucune n’apparait très rationnelle.

La presse étrangère nous apprend tous les jours que de grands leaders politiques se sont fait vacciner parmi les premiers. Joe Biden, Vladimir Poutine, Barack Obama, Bill Clinton, la reine Elizabeth II... mais curieusement aucune personnalité française ou alors très discrètement, trop discrètement, c’est donc suspect.  

Nous n’avons aujourd’hui aucun exemple de personnalité française qui se serait fait vacciner. Alors, ils ont évidemment des excuses puisque les vaccins ne sont pas disponibles pour tous.

C’est d’ailleurs la première excuse qu’ils donnent pour dire qu’ils se feront vacciner dès que ce sera possible.

Roselyne Bachelot, qui s’était prêtée publiquement à l’exercice en 2009 avec le vaccin contre la grippe H1N1, affirme qu‘elle se fera vacciner « si elle est dans le public prioritaire ».

Jean Castex , le Premier ministre, va plus loin... Il aurait bien donné l’exemple, dit-il, mais il ne voudrait pas que « ça soit interprété comme un passe-droit par rapport aux priorités établies ».

Cette excuse ne tient évidemment pas, ou alors elle est soit d’une naïveté coupable, soit d’un cynisme insupportable ...  Quand on sait la possibilité que peut avoir un homme ou une femme politique d’obtenir les meilleurs traitements et surtout les plus nouveaux.

Édouard Philippe, maire du Havre et ancien Premier ministre, Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile de France, se sont déclarés volontaires pour être vacciner très vite. François Bayrou est dans la même posture. Au moins c’est clair et cash. Mais ils sont les seuls ou presque.

On aurait peut-être souhaité qu’Olivier Véran, ministre de la Santé et Jérôme Salomon, grands donneurs de leçons, soient aussi les premiers à être volontaires et transparents. Certains auraient sans doute crié  « haro sur la com ». Sans doute et alors ? Il a des cas où le spectacle de l’exemple à valeur pédagogique...

On aurait même pu s’attendre à des discours plus encourageants.

Emmanuel Macron, qui a contracté la maladie et qui en est sorti, évitera l’épreuve de la vaccination puisqu‘il a dû développer des anticorps. Tant mieux. Ceci dit, il aurait pu éviter par exemple de marquer son hésitation. « Je le ferai au moment où ça aura un sens » avait-il dit, quelques jours avant d’être testé positif. Maintenant, la question pour lui ne se posera plus.

Quand Alain Fischer, le monsieur Vaccin, est interrogé au lendemain de la première journée de vaccination sur le retard de la France dans la mise en place du dispositif, lui trouve simplement à dire que "c'est bien qu'on n'aille pas plus vite", en évoquant un choix  « ni bon ni mauvais ». On est en droit de s’interroger sur la détermination des principaux responsables à vouloir en finir avec le virus.

Comment en vouloir à « Madame Michu » de se méfier dans ces conditions et comment s’étonner que 60% des français soient dubitatifs et même récalcitrants . Ca va être compliqué d’inciter la population à se faire vacciner si les responsables politiques, et en général les personnalités qui ont une responsabilité publique et même les artistes qui jouissent d’une notoriété, ne donnent pas l’exemple eux-mêmes. L’exemplarité rentre dans leur responsabilité.

Sur le marché politique, on ne se bouscule donc pas au portillon des salles de vaccination. Alors il n‘y a, c’est vrai, pas encore assez de vaccins mais tous ces responsables  pourraient au moins affirmer haut et fort leur engagement.

Or, actuellement les noms de ceux qui veulent se faire vacciner sans « prise de tête » se comptent sur les doigts d’une seule main. Plus grave, ceux qui en parlent, c’est pour marquer leur prudence et leur hésitation à faire confiance dans cette technologie très nouvelle du vaccin ARN messager de chez Moderna ou Pfizer.

A gauche, on ne trouve encore personne qui ait franchi le Rubicon. Et à l’extrême gauche, c’est pire. Jean-Luc Mélenchon s’est exprimé pour dire qu'il fallait être prudent. Parmi ses lieutenants, c’est aussi « courage fuyons ».

Sur le segment des écologistes, c’est silence radio. Il faut dire que c’est parmi les écologistes qu’on trouve le plus de pratiquants de la médecine naturelle et donc de sceptiques envers l’ensemble des vaccins. Ce n’est pas une excuse . Le vaccin n’est pas seulement fait pour se protéger soi-même. Il est fait aussi pour protéger les autres puisqu‘il stoppe la circulation du virus et donc les risques de contamination. On pourrait être écolo et altruiste de temps en temps. 

Du côté de l’extrême droite, on est d’une extrême prudence. Marion Maréchal Le Pen attendra (sous-entendu, elle n’a pas encore l’âge), Marine Le Pen se déclare partisane de la vaccination, mais seulement quand il sera possible de se faire vacciner en toute sécurité.

En d’autres termes, ils sont tellement nombreux à être prudents qu'on a le sentiment qu'ils ne sont pas mécontents que les Anglais, les Américains et les pensionnaires des Ehpad servent à compléter les études cliniques.

On aurait pu espérer aussi que certaines vedettes du show-biz ou du cinéma, d’ordinaire si promptes à participer à des œuvres caritatives ou à des fondations de lutte contre des maladies graves, consacrent un peu de leur temps et de leur argent à la lutte contre la Covid 19. Alors, beaucoup ont fait des prestations et des concerts en digital. Mais sauf erreur « des grandes agences de la presse people », aucune des stars n’a encore manifesté l’envie de montrer l’exemple.

Ajoutons que dans le petit monde de la médecine et de la science, des grands spécialistes qui ont parcouru les plateaux de télévision depuis 6 mois, il n’y en a pas beaucoup pour sauter le pas. Sans doute que la quasie totalité du corps médical défend avec conviction la vaccination de masse et le plus vite possible, mais ce sont bien les seuls.

Le problème est inquiétant. La campagne de vaccination réussira à vaincre le virus que si et seulement si elle est suivie par 80% de la population. Or, si on s’arrête aux intentions, on est extrêmement loin d’espérer atteindre l’immunité collective.

La population, qui est extrêmement stressée par les indécisions gouvernementales,  par les erreurs passées sur la gestion des hôpitaux, des masques ou des tests, a besoin d’être rassurée. Elle a moins besoin de médiatisation que de pédagogie à un moment où l'information est souvent détournée par les réseaux sociaux, eux-mêmes infiltrés par les courants complotistes. Tout cela alimente le scepticisme général.

L’opinion aurait évidemment besoin d’exemple spectaculaire pour se convaincre de la sécurité de ces vaccins. Et quoi de plus spectaculaire et efficace que de voir un ministre se faire vacciner ?

La difficulté, c’est que les hommes politiques suivent les opinions publiques. Si l’opinion est prudente, l’homme politique le sera. Il va exprimer ses doutes, ses craintes et même ses hésitations parce qu‘il pense que son opinion publique a les mêmes craintes, les mêmes doutes et les mêmes hésitations.

Mais le rôle du personnage public est de montrer le chemin à prendre. Il est de raisonner à plus long terme. Sa responsabilité d’homme public ou de dirigeant politique est de donner un sens à son action.

L‘épidémie est historique, le mal qu’elle porte est catastrophique pour l’humanité. La découverte de ce vaccin est-elle même historique.

Dommage que le caractère historique des hommes politiques français ne soit pas à la hauteur de l’évènement.

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